L’informatique quantique repose essentiellement sur la notion de qubits, c’est-à-dire des bits quantiques, équivalant aux bits classique 0 et 1. Lorsqu’ils sont en superposition, les qubits peuvent adopter simultanément une valeur 0 et 1. Toutefois, la manipulation de ces qubits est délicate et l’algorithme perd souvent en précision. Une nouvelle méthode développée par des physiciens permet de manipuler l’état quantique des qubits atomiques avec une très haute stabilité et fidélité, une prouesse qui devrait faire avancer le développement des ordinateurs quantiques.
Une nouvelle méthode permet de mesurer l’état quantique des qubits atomiques — l’unité de base de l’information dans les ordinateurs quantiques — avec vingt fois moins d’erreurs que précédemment, sans perdre d’atomes.
La mesure précise des états de qubit, analogues aux états un ou zéro des bits dans l’informatique classique, est une étape cruciale dans le développement des ordinateurs quantiques. Un article décrivant la méthode par des chercheurs de Penn State a été publié dans la revue Nature Physics.
« Nous travaillons au développement d’un ordinateur quantique utilisant une matrice tridimensionnelle d’atomes de césium refroidis au laser et piégés en qubits » déclare David Weiss, professeur de physique et chef de l’équipe de recherche. « En raison du fonctionnement de la mécanique quantique, les qubits atomiques peuvent exister dans une superposition de deux états, ce qui signifie qu’ils peuvent être simultanément dans les deux états ».
« Pour lire le résultat d’un calcul quantique, il est nécessaire d’effectuer une mesure sur chaque atome. Chaque mesure trouve chaque atome dans un seul de ses deux états possibles. La probabilité relative des deux résultats dépend de l’état de superposition avant la mesure ».
Pour mesurer les états des qubits, l’équipe a tout d’abord utilisé des lasers pour refroidir et piéger environ 160 atomes dans un réseau tridimensionnel avec les axes X, Y et Z. Initialement, les lasers capturent tous les atomes de manière identique, quel que soit leur état quantique. Les chercheurs font ensuite pivoter la polarisation de l’un des faisceaux laser qui crée le réseau X, ce qui déplace spatialement les atomes d’un des états à gauche, et ceux de l’autre état à droite.
Ils basculent ensuite vers un réseau X avec un espacement de réseau plus petit, qui emprisonne étroitement les atomes dans leur nouvelle superposition de positions décalées. Lorsque la lumière est ensuite dispersée par chaque atome pour observer où il se trouve, chaque atome est soit déplacé à gauche, soit déplacé à droite, avec une probabilité qui dépend de son état initial. La mesure de la position de chaque atome équivaut à une mesure de l’état qubit initial de chaque atome.
« La cartographie d’états internes sur des localisations spatiales contribue grandement à en faire une mesure idéale » déclare Weiss. « Un autre avantage de notre approche est que les mesures ne provoquent la perte d’aucun des atomes que nous mesurons, ce qui est un facteur limitant dans de nombreuses méthodes précédentes ».
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L’équipe a déterminé la précision de leur nouvelle méthode en chargeant leurs réseaux d’atomes dans l’un ou l’autre des états de qubits et en effectuant la mesure. Ils ont pu mesurer avec précision les états des atomes avec une fidélité de 0.9994, ce qui signifie qu’il n’y avait que six erreurs sur 10’000 mesures, soit une précision vingt fois supérieure aux méthodes précédentes.
De plus, le taux d’erreur n’a pas été affecté par le nombre de qubits que l’équipe a mesuré dans chaque expérience et, comme il n’y avait pas de perte d’atomes, les atomes pouvaient être réutilisés dans un ordinateur quantique pour effectuer le prochain calcul.
« Notre méthode est similaire à l’expérience Stern-Gerlach de 1922 — une expérience qui fait partie intégrante de l’histoire de la physique quantique. Dans l’expérience, un faisceau d’atomes d’argent traversait un gradient de champ magnétique dont les pôles nord étaient alignés perpendiculairement au gradient ».
« Lorsque Stern et Gerlach virent la moitié des atomes diminuer, ils confirmèrent l’idée de la superposition quantique. Dans notre expérience, nous avons également cartographié les états quantiques internes d’atomes sur des positions, mais nous pouvons le faire atome par atome, bien entendu, nous n’avons pas besoin de tester cet aspect de la mécanique quantique, nous pouvons simplement l’utiliser » conclut Weiss.