Alors que la pandémie de COVID-19 fait toujours rage, les vaccins expérimentaux développés par Moderna et BioNTech-Pfizer ont achevé leurs essais cliniques, et les entreprises ont d’ores et déjà formulé des demandes d’autorisation d’utilisation d’urgence aux autorités sanitaires. Les plans de distribution des vaccins visent prioritairement les soignants et les personnes les plus vulnérables. Toutefois, aux États-Unis, tout le personnel hospitalier n’est pas convaincu par ces vaccins, critiquant la rapidité du développement et le manque de données disponibles. Si la plupart des détracteurs souhaitent tout de même se faire vacciner, ils attendront toutefois qu’il ait fait ses preuves.
Certains soignants américains sont sceptiques quant à la prise d’un vaccin qui a été développé en un temps record, alors même que la pandémie fait rage. Certains veulent plus de temps, malgré les assurances des experts selon lesquelles ils font confiance au processus de vérification des vaccins mené par la Food and Drug Administration des États-Unis.
« Je pense que je prendrai le vaccin plus tard, mais pour le moment, je m’en méfie un peu », déclare l’infirmière Yolanda Dodson, 55 ans. Dodson travaille à l’hôpital Montefiore de New York et a passé le printemps au cœur de la lutte meurtrière contre le virus. Les études sur les vaccins jusqu’à présent « semblent prometteuses, mais je ne pense pas qu’il existe encore suffisamment de données. Nous devons être reconnaissants envers ceux qui sont prêts à se soumettre à prendre ce risque pour participer aux études ».
Diana Torres est infirmière dans un hôpital de Manhattan, et a vu plusieurs de ses collègues mourir du nouveau coronavirus ce printemps. Elle se méfie particulièrement des vaccins passés en urgence pour approbation sous l’administration Trump, qui, selon elle, a géré toute la pandémie comme « une sorte de blague ».
« Il s’agit d’un vaccin qui a été développé en moins d’un an et approuvé sous la même administration et les mêmes agences gouvernementales qui ont permis au virus de se propager comme une traînée de poudre. Ils n’avaient pas assez de temps et de personnel pour étudier le vaccin. Cette fois-ci, je vais passer mon tour et regarder comment cela se déroule », déclare-t-elle.
Les données d’essais cliniques ont montré que deux vaccins — l’un développé par Pfizer et BioNtech, l’autre par Moderna et les National Institutes of Health des États-Unis — sont efficaces à environ 95%. Normalement, la FDA demande six mois de suivi, mais si aucun effet indésirable n’apparaît dans les deux premiers mois, il est rare de voir quoi que ce soit dans les quatre prochains — et la pandémie qui fait rage a modifié les calculs risques-bénéfices. Il y avait 44’000 volontaires dans l’essai de Pfizer et 30’000 dans celui de Moderna, et les données ont été protégées des entreprises et analysées par des experts sans pression politique.
Des doutes répandus dans le personnel soignant américain
De telles réserves sont courantes parmi les 20 millions de soignants aux États-Unis — le pays le plus durement touché par la pandémie avec plus de 272’000 décès — explique Marcus Plescia, médecin légiste en chef de l’Association of State and Territorial Health Officials (ASTHO). « Il y a beaucoup de gens qui pensent que nous n’avons pas encore assez de données ». Et pourtant, la plupart de ces personnes ne refusent pas le vaccin, mais souhaitent simplement attendre.
Cette réticence pourrait finir par être un très gros problème, selon Plescia, d’autant plus que les hôpitaux ne seront probablement pas en mesure d’obliger leurs employés à se faire vacciner. Il existe un danger lorsque trop peu de personnes, y compris les soignants, se font vacciner, déclare le gouverneur de New York, Andrew Cuomo.
« C’est tout le mouvement antivax des gens qui sont sceptiques à propos des vaccins. En plus de cela, ces soignants rajoutent une couche de scepticisme ». Un sondage Gallup de fin octobre-début novembre a révélé que seulement 58% des Américains prendraient un vaccin anti-COVID-19 s’il devenait immédiatement disponible, contre 50% en septembre. Cette réticence a conduit New York et six autres États à créer leur propre commission pour évaluer la sécurité des vaccins.
La vaccination des soignants : une question d’éthique
« La plupart d’entre nous estiment qu’il y a une obligation éthique de se faire vacciner. Non seulement nous sommes une main-d’œuvre très importante, mais les soignants s’occupent des personnes très vulnérables », déclare Plescia. Un radiologue du New Jersey, Mohamed Sfaxi, dont l’hôpital rural a vu un afflux de patients atteints de la COVID au cours des trois dernières semaines, fait partie de ceux qui tentent de convaincre ses collègues réticents à se faire vacciner.
De nombreuses personnes, selon lui, s’inquiètent de la nouvelle technologie « ARN messager » qu’utilisent les vaccins de Pfizer et Moderna, qui modifient les cellules humaines et les transforment efficacement en usines de fabrication de vaccin via de petites insertions de séquences génétiques. Sfaxi dit que certains craignent également que les vaccins aient été développés trop rapidement.
Cependant, la raison pour laquelle cela est allé si vite est simplement parce que la science a fait des progrès et que le monde entier s’est concentré dessus, selon lui. Préoccupé par les images qu’il voit chaque jour des poumons de patients endommagés par le nouveau coronavirus, Sfaxi déclare qu’il prévoit de se faire vacciner le plus rapidement possible, sans aucune hésitation.