Dans le modèle standard cosmologique, la matière noire représente environ 25% de la densité d’énergie totale de l’Univers ; pourtant, sa nature est toujours inconnue. Un des candidats proposés par les physiciens sont les axions, des particules neutres de très faible masse introduites en 1977 par la solution de Peccei-Quinn dans le cadre de la violation CP. Certains modèles prédisent la transformation des photons en axions (l’inverse étant également possible) au sein de puissants champs magnétiques. Et une équipe de chercheurs a émis l’hypothèse que les conditions nécessaires pourraient se trouver au sein de Bételgeuse ; l’étoile pourrait ainsi être une usine à axions.
Au plus profond de sa structure, l’étoile rouge géante Bételgeuse pourrait produire des tonnes de particules de matière noire hypothétiques appelées axions qui, si elles existent, émettraient un signal révélateur. Des travaux récents recherchant ce signal ont échoué, mais cela aide les physiciens à placer de nouvelles limites sur les propriétés de l’hypothétique axion.
Apparaissant comme un point rouge vif dans la constellation d’Orion, Bételgeuse est une étoile bien étudiée. Elle est cosmologiquement proche de nous, à seulement 520 années-lumière, et a fait la une des journaux l’année dernière quand elle a commencé à s’assombrir mystérieusement, ce qui a amené certains chercheurs à croire qu’elle pourrait se préparer à exploser en supernova.
Parce que c’est une étoile si grande et si chaude, Bételgeuse pourrait également être un endroit idéal pour y trouver des axions. Ces particules pourraient peut-être faire un millionième ou même un milliardième de la masse d’un électron et sont des candidates idéales pour constituer la matière noire.
Bételgeuse : une potentielle usine à axions ?
En tant que matière noire, les axions ne devraient pas interagir beaucoup avec les particules lumineuses, mais selon certaines théories, il y a une faible probabilité que les photons puissent se convertir en axions (et vice-versa) en présence d’un champ magnétique puissant, explique Mengjiao Xiao, physicien au Massachusetts Institute of Technology (MIT).
Le noyau thermonucléaire d’une étoile est un bon endroit pour trouver de grandes quantités de photons et de magnétisme, et Bételgeuse, qui a 20 fois la masse du Soleil, pourrait être « ce que nous appelons une usine à axions ». Si des axions sont produits dans cet environnement extrême, ils devraient pouvoir s’échapper vers l’extérieur et fuiter vers la Terre en grand nombre. En interagissant avec le champ magnétique naturel de la Voie lactée, ces axions pourraient être reconvertis en photons dans la partie rayons X du spectre électromagnétique.
En tant qu’étoile âgée, Bételgeuse est à un stade de sa vie où elle ne devrait pas émettre beaucoup de rayons X, de sorte que tout rayonnement de ce type détecté pourrait indiquer la présence d’axions. Xiao et ses collègues ont utilisé le réseau de télescopes spectroscopiques nucléaires (NuSTAR) de la NASA pour rechercher une signature de rayons X provenant de Bételgeuse, bien qu’ils n’aient rien vu au-delà de ce qui était attendu des processus astrophysiques ordinaires, tels que la petite quantité de rayons X que Bételgeuse émet.
De nouvelles contraintes sur la physique des axions
Leurs découvertes, présentées lors de la réunion de l’American Physical Society, suggèrent que les photons et les axions sont au moins trois fois moins susceptibles d’interagir qu’on ne le pensait auparavant. Parce que les environnements stellaires sont beaucoup plus bruyants que les conditions trouvées dans un laboratoire, faire des recherches comme celle-ci est délicat, explique Joshua Foster, un physicien du MIT.
Mais l’équipe a travaillé dur pour quantifier ses incertitudes et a contribué à imposer de nouvelles contraintes aux propriétés potentielles de l’axion. Même si les chercheurs voyaient des rayons X inattendus provenant d’une étoile, cela n’indiquerait pas nécessairement que les axions sont réels. Les physiciens devraient encore exclure de nombreuses explications non liées à la matière noire pour le signal avant de se tourner vers une nouvelle physique.
Mais il est possible que des axions, s’ils devaient un jour être trouvés, puissent aider les astronomes à mieux comprendre Bételgeuse. Si les propriétés des particules étaient connues, les télescopes tournés vers Bételgeuse pourraient enfin capter leur signal, donnant un aperçu des processus se déroulant dans son intérieur et permettant aux chercheurs de déterminer quand elle explosera.