Les étoiles à neutrons sont parmi les objets les plus denses de l’Univers et sont plus massives que le Soleil. Mais contre toute attente, des astronomes ont repéré à plusieurs milliers d’années-lumière, au sein du rémanent d’une supernova, ce qui semble être une étoile à neutrons dont la masse n’équivaut qu’à 77% de celle du Soleil — une valeur nettement inférieure à ce que prédit la théorie. Cette découverte (de la potentielle étoile à neutrons la plus légère connue à ce jour) remet en question notre compréhension de la physique stellaire.
Les étoiles à neutrons résultent de l’effondrement gravitationnel d’étoiles massives, lorsque celles-ci ont épuisé tout le combustible nucléaire en leur cœur ; ces étoiles massives (de 8 à 30 masses solaires) sont à la fois trop grandes pour se transformer en naine blanche et trop petite pour former un trou noir. L’effondrement gravitationnel du noyau stellaire s’accompagne d’une explosion des couches externes, ce qui forme une supernova. Les étoiles à neutrons ont généralement une vitesse de rotation très élevée et sont dotées d’un puissant champ magnétique.
Elles sont principalement composées de neutrons à l’état superfluide et affichent une masse volumique extrêmement élevée : leur masse est généralement comprise entre 1,4 et 2,3 fois la masse du Soleil pour un diamètre d’une vingtaine de kilomètres seulement ! En 2015, des astronomes ont toutefois identifié une étoile à neutrons, appartenant à un système binaire (nommé J0453+1559), beaucoup plus légère que la normale : sa masse avait été estimée à 1,17 masse solaire. C’est l’étoile à neutrons la plus légère connue jusqu’à présent. Mais l’étoile dont il est question ici est encore moins massive, ce qui suggère l’existence de certaines lacunes dans notre compréhension de ces objets ultra-denses.
Des mesures affinées grâce à une seconde étoile
« Les observations d’étoiles à neutrons exceptionnellement lourdes ou légères sont particulièrement intéressantes, car elles étendent la gamme des densités centrales sondées par les observations et permettent ainsi de tester les prédictions de la physique nucléaire sur un espace paramétrique plus large », soulignent les auteurs de l’article décrivant la découverte.
L’étoile en question a été repérée au centre d’un résidu de supernova, baptisé HESS J1731-347. Des études antérieures avaient situé celui-ci à plus de 10 000 années-lumière. Cependant, dans le cas des étoiles à neutrons, les mesures de distance (qui sont basées sur leurs émissions de rayons X) sont mal contraintes et il est de ce fait difficile d’en déduire avec précision d’autres caractéristiques de l’étoile.
Or, une deuxième étoile, brillant dans les longueurs d’onde de la lumière, a récemment été découverte cachée dans HESS J1731-347, fournissant aux astronomes un point de repère plus « fiable ». Sur la base de la modélisation du spectre des rayons X et d’une estimation robuste de la distance effectuée à partir des observations du satellite Gaia, une équipe d’astronomes de l’Université Eberhard Karls de Tübingen, en Allemagne, a recalculé la distance nous séparant de HESS J1731-347. L’objet s’est avéré beaucoup plus proche que prévu, à environ 8150 années-lumière.
Les chercheurs en ont déduit que les autres caractéristiques de l’étoile à neutrons, notamment sa masse, devaient elles aussi être erronées. D’après les nouveaux calculs, la masse de cette étoile à neutrons équivaut à 0,77 masse solaire, tandis que son rayon est estimé à 10,4 kilomètres. « Notre estimation implique que cet objet est soit l’étoile à neutrons la plus légère connue, soit une « étoile étrange » avec une équation d’état plus exotique », concluent les chercheurs dans Nature Astronomy.
Étoile à neutrons ou étoile à quarks ?
S’il s’agit bien d’une étoile à neutrons plus légère que prévu, reste à déterminer comment elle a pu se former. Les modèles actuels ne permettent pas de rendre compte de cette observation, mais cet objet inédit offre l’occasion d’élaborer une nouvelle théorie sur la façon dont les étoiles à neutrons se forment. « Les contraintes obtenues sur la masse et le rayon sont encore entièrement compatibles avec une interprétation standard de l’étoile à neutrons et peuvent être utilisées pour améliorer les contraintes astrophysiques sur l’équation d’état de la matière dense froide dans cette hypothèse », écrivent les chercheurs.
Une hypothèse serait qu’une fraction plus importante de la masse de l’étoile initiale ait été retirée du noyau lors de l’explosion, a déclaré l’astrophysicien Victor Doroshenko, premier auteur de l’étude. Ceci pourrait être dû à la présence de la deuxième étoile visible dans le nuage de débris, qui pourrait être « le noyau d’une étoile géante qui a perdu la plupart de ses couches externes », explique Doroshenko à Inverse. Celle-ci aurait généré la formation d’un nuage de poussière, qui aurait pu affecter la physique de l’explosion de l’étoile voisine de manière à lui faire perdre davantage de matière que la normale. L’équipe prévoit de réaliser des simulations informatiques détaillées pour vérifier cette hypothèse.
La théorie de l’« étoile étrange » est également à explorer : il s’agit d’un type d’étoile hypothétique, très dense, composée essentiellement de quarks étranges (ou quarks s). Une telle étoile est en théorie très petite — même plus petite que les étoiles à neutrons — mais extrêmement dense. L’idée suggère que lorsque le noyau de l’étoile massive s’est effondré, celui-ci était tellement comprimé que les neutrons ont fusionné, libérant les particules subatomiques qui les composent et formant une « soupe » de matière étrange.
Mais jusqu’à présent, les astrophysiciens n’ont jamais trouvé d’étoiles étranges dans l’Univers et la question reste de savoir si une telle étoile pourrait être suffisamment stable pour exister. L’équipe prévoit de mener de plus amples recherches pour vérifier l’une et l’autre théorie.