Même si l’existence des trous noirs est aujourd’hui indiscutable pour la communauté scientifique, ces derniers continuent d’exercer une fascination particulière pour les cosmologistes tant les énigmes à leur sujet demeurent encore nombreuses.
La question de la formation des trous noirs supermassifs, en particulier, constitue un domaine actuel de recherche actif. Cette zone d’ombre pourrait être éclairée grâce au modèle des étoiles à trou noir.
L’énigme de la formation des trous noirs supermassifs
Les trous noirs supermassifs (TNSM) constituent une catégorie de trous noirs dont la masse peut varier de quelques centaines de milliers à quelques milliards de masses solaires. Selon le modèle de formation galactique actuel, ces trous noirs se trouvent au centre de la majorité des galaxies. Ainsi, le centre de la Voie lactée abrite Sagittarius A*, un trou noir supermassif d’environ 4 millions de masses solaires (1).
L’origine des TNSM est actuellement officiellement inconnue et fait l’objet de nombreuses recherches. Pour que de tels trous noirs puissent se former, une énorme quantité de matière doit se trouver dans un très petit volume d’espace. Plusieurs hypothèses ont été élaborées afin d’intégrer ce prérequis.
Le modèle des trous noirs primordiaux postule qu’à l’issue du Big Bang, des zones de l’espace-temps soumises à de colossales densités d’énergie se sont effondrées et ont formé des trous noirs intermédiaires de quelques dizaines de milliers de masses solaires. Ceux-ci auraient ensuite fusionné ou accrété de la matière, débouchant sur la formation de TNSM (2).
Le modèle des étoiles de population III, quant à lui, prédit l’existence d’étoiles extrêmement massives qui se seraient formées peu de temps après le Big Bang (à environ z = 20) à partir de l’effondrement des halos pré-galactiques (3). Un autre modèle prédit l’effondrement d’amas stellaires sous l’effet de vitesses de dispersion relativistes conduisant à la formation de TNSM (4).
Enfin, un dernier modèle se propose de fournir une explication à l’origine des TNSM : la théorie des étoiles à trou noir ou quasi-étoiles.
Les étoiles à trou noir ou quasi-étoiles
La théorie des étoiles à trou noir postule qu’un type particulier d’étoile extrêmement massive se serait formée bien avant l’apparition des premières étoiles « classiques ». Ces quasi-étoiles résultent de l’effondrement gravitationnel (via un mécanisme nommé « instabilité gravitationnelle de Jean ») de nuages de gaz géants dans les premiers instants de l’univers. Une fois la proto-étoile formée, son cœur est extrêmement dense et compacté sous l’effet de la contraction gravitationnelle.
Ce dernier est en outre très instable, la cause de cette instabilité étant la production interne de paires d’électron-positron entraînant une forte perturbation énergétique. Cette instabilité est d’autant plus majorée par le flux croissant de neutrinos émis par le cœur, soumis aux différentes forces de pression internes et externes. Pour finir, l’instabilité devient critique et le cœur s’effondre, formant un trou noir au centre de l’étoile.
L’énergie dégagée par l’effondrement gravitationnel du cœur est absorbée par les couches périphériques de l’étoile, celles-ci étant suffisamment denses pour résister à l’afflux d’énergie et ainsi permettre à l’étoile de conserver son intégrité en lieu et place d’exploser en supernova. À l’issue de ce processus, le trou noir est donc entouré des couches extérieures de la proto-étoile. En d’autres termes, une quasi-étoile n’est autre qu’une étoile dont le cœur est un trou noir.
Une fois le trou noir central formé, ce dernier commence à absorber la matière constituant l’étoile. Cette absorption génère un dégagement d’énergie repoussant les couches périphériques et entraînant l’expansion de l’étoile jusqu’à ce que celle-ci atteigne entre 50 et 100 fois la taille d’une géante rouge (3), soit un diamètre d’environ 10 milliards de kilomètres pour une température de surface d’environ 3700 °C (5). Ce dégagement énergétique compense en outre l’effet de contraction gravitationnelle, créant un équilibre similaire à celui généré par les réactions thermonucléaires d’une étoile classique.
Le trou noir central absorbant toujours plus de matière, la durée de vie d’une quasi-étoile est estimée à 7 millions d’années (6). Passé cette durée, le trou noir devient un trou noir intermédiaire, atteignant environ 10 000 masses solaires après avoir absorbé la totalité de l’étoile. Si la proto-étoile est initialement suffisamment massive, le trou noir peut accréter de la matière jusqu’à directement devenir un TNSM (7).