Le télescope spatial vient de livrer une nouvelle image exceptionnelle d’un objet bien connu des astronomes : la galaxie Messier 74 (ou NGC 628), parfois surnommée la galaxie fantôme, une galaxie spirale spectaculaire. Ce nouveau cliché offre des détails sans précédent sur la structure interne de cette galaxie observée depuis plus de deux siècles.
La galaxie Messier 74 (ou NGC 628) est une galaxie spirale située dans la constellation des Poissons, à environ 32 millions d’années-lumière de la Terre. Sa masse équivaut à environ 20% de celle de la Voie lactée, pour un diamètre presque équivalent (95 000 années-lumière vs. 105 700 années-lumière pour notre galaxie). M74 se caractérise par une importante population d’étoiles jeunes, ou en formation, dans ses bras spiraux ; on estime qu’elle héberge environ 100 milliards d’étoiles. De par sa faible luminosité, elle est particulièrement difficile à observer pour les astronomes amateurs.
La galaxie a déjà été imagée à plusieurs reprises par le télescope Hubble, principalement en lumière visible ; ses clichés montraient les milliards d’étoiles jaunes, rouges et bleues peuplant la gigantesque spirale. Le télescope James Webb n’a eu lui non plus aucun mal à en capturer tous les détails. Parce qu’il opère dans une large gamme de rayonnement infrarouge, il peut observer à travers le gaz et la poussière, révélant directement la structure de l’objet : la galaxie nous apparaît comme un gigantesque tourbillon, parsemé de « trous », qui semblent vides de toute matière.
Un aperçu du « squelette » galactique
Les données brutes ont été enregistrées par l’équipe du projet PHANGS (Physics at High Angular resolution in Nearby GalaxieS), qui observe toutes les galaxies proches à haute résolution via plusieurs télescopes terrestres et spatiaux. L’objectif est de construire un ensemble de données permettant d’éclaircir les liens entre les jeunes étoiles et les nuages de gaz froids et denses dans lesquels elles se forment, dans une grande diversité d’environnements galactiques.
C’est l’astronome Gabriel Brammer, de l’Institut Niels Bohr de l’Université de Copenhague, qui a recomposé (et colorisé) l’image à partir des données recueillies le 17 juillet par le télescope à différentes longueurs d’onde infrarouges (qu’il a converti en rouge, vert et bleu). La couleur violette de la galaxie, assez caractéristique, est due aux composés dont sont constitués les nuages de poussière, qui sont principalement des hydrocarbures aromatiques polycycliques, explique le scientifique. Ces molécules n’émettent que dans certaines longueurs d’onde de lumière, dans le rouge et le bleu essentiellement (mais très peu dans le vert), qui une fois combinées, donnent une couleur violette.
Judy Schmidt, experte en traitement d’images spatiales, a elle aussi publié une image de M74, tout aussi impressionnante. Les différents filtres utilisés laissent nettement apparaître le « squelette » coloré de la galaxie, au centre duquel se trouve un mystérieux centre lumineux.
La qualité de ces images n’est pas uniquement due aux performances du James Webb, comme l’explique Brammer au NewScientist : « Aussi formidable que soit le télescope [James Webb], nous avons également apporté des améliorations similaires à la technologie de traitement des données et de distribution des données, de sorte que n’importe qui, des astronomes aux non-experts, puisse explorer les données comme celles-ci », souligne-t-il.
Un centre galactique qui suscite des interrogations
Les spécialistes n’ont pas encore eu le temps d’examiner et d’interpréter les données recueillies. Certains scientifiques ont toutefois déjà remarqué que le centre vide de la galaxie est très différent de ce que montraient les images en lumière visible fournies par Hubble ; ceci pourrait révéler une physique encore inconnue sur les noyaux galactiques. Ces nouvelles données pourraient également aider à comprendre comment la poussière est fabriquée, puis redistribuée au sein des galaxies spirales comme la nôtre.
À noter que Judy Schmidt a partagé un autre cliché, d’une autre galaxie spirale ciblée par James Webb. Il s’agit de la galaxie NGC 7496, qui se trouve à plus de 24 millions d’années-lumière, dans la constellation de la Grue. C’est la première galaxie spirale ciblée par Webb au commencement de sa mission scientifique. Comparé à l’image capturée auparavant par Hubble, ce cliché révèle lui aussi des détails structurels saisissants, montrant les différentes bandes de poussière et les amas stellaires de cette galaxie spirale barrée.
Selon Michael Merrifield, professeur d’astronomie à l’Université de Nottingham, les données collectées par le télescope James Webb sont presque « trop précises » et les images trop détaillées pour pouvoir tirer des conclusions générales sur la formation et l’évolution des galaxies. Mais l’engin vient à peine de commencer sa campagne d’observations et beaucoup d’autres informations sont heureusement à venir.