Découverte d’une « étoile zombie » défiant les théories actuelles

Elle remet en question les modèles établis sur l’évolution des pulsars.

etoile zombie pas exister
Vue d'artiste d'ASKAP J1839-0756, l'étrange étoile à neutrons récemment détectée. | James Josephides
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Des astronomes ont détecté une étrange étoile à neutrons dont les caractéristiques inhabituelles indiquent qu’elle ne devrait en théorie pas exister. Elle continue d’émettre des signaux radio périodiques alors qu’elle tourne à une vitesse extrêmement faible pour ce type d’objet. Il s’agit également de la première de sa catégorie à émettre des « interimpulsions », ce qui soulève des questions à la fois sur sa véritable nature et sur les comportements des étoiles à neutrons.

Les étoiles à neutrons sont des objets extrêmement denses nés de l’explosion d’étoiles massives (entre 2 et 20 fois la masse du Soleil) en supernova. Certaines tournent rapidement sur elles-mêmes et émettent de puissants faisceaux radio depuis leurs pôles magnétiques. En étant dirigés vers la Terre, ces faisceaux se manifestent sous la forme d’impulsions périodiques d’ondes radio, balayant le cosmos un peu à la manière d’un phare – un comportement qui leur a valu le nom de « pulsars ».

Les pulsars tournent généralement à grande vitesse, effectuant une rotation complète en seulement quelques secondes, voire moins. Détecté récemment dans la constellation du Sagittaire, 4U 1820-30 est l’un des pulsars les plus rapides, avec une vitesse de rotation de 716 tours par seconde (soit supérieure à celle des lames d’un mixeur).

Cependant, d’étranges pulsars — dits « transitoires radio à longue période » — présentant des vitesses de rotation étonnamment faibles ont été détectés au cours des trois dernières années. Repéré par une équipe d’astronomes de l’Université de Sydney, en Australie, l’un d’entre eux possède par exemple une période de 54 minutes.

Ces observations remettent en question la théorie standard concernant l’évolution des pulsars. Les étoiles à neutrons émettent des impulsions radio en convertissant l’énergie de leur rotation en rayonnement. L’hypothèse conventionnelle avance qu’au fil du temps, elles ralentissent et perdent de l’énergie. Une fois que leur vitesse de rotation baisse au-delà d’un certain seuil (environ une rotation par minute), elles devraient complètement cesser d’émettre des impulsions radio.

Or, « nous observons depuis quelques années des objets qui semblent franchir cette ligne de mort, mais qui continuent d’émettre des ondes radio », explique Manisha Caleb de l’Université de Sydney, au New Scientist. « Ils ressemblent donc à des étoiles zombies, dont on ne s’attend pas à ce qu’elles soient intactes, mais qui sont toujours là et qui émettent des pulsations », ajoute-t-elle.

Dans le cadre d’une nouvelle étude — publiée dans la revue Nature Astronomy —, Caleb et ses collègues ont identifié un autre de ces mystérieux objets, à environ 13 000 années-lumière. Il possède une période de 6,5 heures, un nouveau record repoussant les limites de ce qu’on pensait auparavant possible. « Notre phare lent est également aligné avec la Terre de manière à ce que nous puissions voir les impulsions radio provenant de ses deux pôles magnétiques », indiquent les chercheurs dans un article publié dans The Conversation. « Ce phénomène rare est une première pour des objets tournant aussi lentement et offre une nouvelle perspective sur le fonctionnement de ces étoiles ».

Deux types d’impulsions à intervalles différents

Baptisé ASKAP J1839-0756, le nouvel objet a été détecté au cours d’une observation de routine avec le radiotélescope ASKAP, en Australie occidentale. Il s’est distingué des autres objets détectés aux alentours de sa position, car il présentait une émission radio soudaine qui ressemblait à une explosion. Sa luminosité, mesurée en ondes radio, a notamment baissé de 95 % en seulement 15 minutes.

« Au début, nous n’avions aucune idée que la source émettait des impulsions radio périodiques. Une seule impulsion avait été détectée lors de l’observation initiale », expliquent les chercheurs. Afin d’en savoir plus, l’équipe a effectué d’autres observations avec l’ASKAP ainsi qu’avec l’Australia Telescope Compact Array et le radiotélescope ultrasensible MeerKAT, en Afrique du Sud. Après analyses, il s’est avéré que l’objet émet des impulsions toutes les 6,5 heures.

pulsar lent
L’impulsion détectée par le télescope MeerKAT à deux fréquences centrales différentes. Les graphiques du haut montrent la luminosité de l’impulsion au fil du temps, tandis que les graphiques du bas illustrent la fréquence d’observation au fil du temps, les couleurs représentant les niveaux de luminosité. © Yu Wing Joshua Lee

Plus surprenant encore, il semble émettre des impulsions radio depuis ses deux pôles magnétiques. La plupart des pulsars émettent des impulsions depuis un seul pôle magnétique (de notre point de vue), un peu comme des lampes torches. Cependant, dans environ 3 % des cas, l’axe de rotation est presque perpendiculaire à l’axe du champ magnétique. Cela permet d’observer des impulsions alternées provenant des deux pôles magnétiques.

ASKAP J1839-0756 émet des interimpulsions radio environ toutes les 3,2 heures après chaque impulsion principale. Ces émissions radio sont légèrement plus faibles et présentent des propriétés différentes, suggérant qu’elles proviennent bien du pôle magnétique opposé. ASKAP J1839-0756 est ainsi le premier transitoire radio à longue période connu pour émettre des interimpulsions.

pulsar interimpulsions
L’axe de rotation et l’axe magnétique des pulsars typiques sont étroitement alignés (à gauche), et nous ne pouvons voir que les impulsions radio provenant d’un seul pôle magnétique. Dans le cas d’ASKAP J1839-0756, les axes sont presque perpendiculaires l’un par rapport à l’autre (à droite). Par conséquent, nous pouvons voir les impulsions provenant des deux pôles magnétiques lorsque l’étoile à neutrons tourne. © Manisha Caleb

Magnétar ou naine blanche ?

Étant donné son régime de rotation et d’émissions radio, il a été suggéré qu’il pourrait s’agir d’un magnétar, un type d’étoile à neutrons possédant un champ magnétique extrêmement puissant. Ce champ génère des impulsions radio, même à des vitesses de rotation faibles. Cependant, même les magnétars ne présentent pas des périodes de rotation de plusieurs heures, à l’exception de 1E 161348-5055, qui a une période de 6,67 heures. Toutefois, ce dernier n’émet pas d’impulsion radio, mais plutôt des rayonnements X.

Une autre hypothèse avance qu’il pourrait s’agir d’une naine blanche, en raison de sa rotation lente. Cependant, aucune naine blanche connue à ce jour n’émet d’impulsions radio. De plus, aucune observation dans d’autres longueurs d’onde n’a mis en évidence la présence d’une naine blanche dans la région d’ASKAP J1839-0756.

« Quelle que soit la nature d’ASKAP J1839-0756, il est clair que cet objet réécrit les règles du jeu », affirment les experts. « Son étrange combinaison de rotation lente, d’impulsions radio et d’interimpulsions force les astronomes à repenser les limites du comportement des étoiles à neutrons et à explorer de nouvelles possibilités pour comprendre ce qui se cache au cœur de cette énigme », concluent-ils.

Source : Nature Astronomy

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