Une étude met en doute l’usage du CBD dans le cadre de soins palliatifs

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Un essai, mené par le groupe hospitalier Mater et l’Université du Queensland, a étudié les effets de l’huile de cannabidiol, plus communément appelée CBD, sur le soulagement des symptômes physiques et psychiques de patients atteints d’un cancer avancé recevant des soins palliatifs. Il s’agit de la première étude de l’impact du CBD consommé dans ce contexte, et il s’avère que ce composé n’a pas l’effet escompté.

L’utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques a augmenté de façon exponentielle au cours des dernières années. Malgré des preuves très limitées des bénéfices apportés et l’absence d’une posologie clairement définie, il apparaît que le public croit fermement en ses bienfaits. En France, la consommation de cannabis à visée thérapeutique fait actuellement l’objet d’une expérimentation (jusqu’à 31 mars 2023) ; il peut être délivré à des patients souffrant de maladies graves. En Australie, la cannabis médical est autorisé dans le cadre de soins palliatifs.

Une équipe de chercheurs a entrepris de déterminer si le cannabidiol (CBD) — l’un des principaux composants du cannabis, avec le THC — entraînait un meilleur contrôle des symptômes chez les patients atteints d’un cancer avancé que les soins palliatifs standards. « Habituellement, les nouveaux produits qui arrivent sur le marché ont fait l’objet d’études précliniques approfondies concernant le meilleur dosage et le meilleur usage, mais le cannabis médicinal est arrivé sur le marché avec très peu d’indications », souligne Janet Hardy, directrice du service de soins palliatifs du groupe Mater et première auteure de l’étude.

Pas d’avantage supplémentaire par rapport aux soins palliatifs

Cet essai randomisé, en double aveugle et contrôlé par placebo, a impliqué 144 patients atteints d’un cancer avancé et de détresse symptomatique. Chacun a reçu de l’huile de CBD (titrée à 100 mg/mL) ou un placebo, de 0,5 mL une fois par jour à 2 mL trois fois par jour, pendant 28 jours. Tous les patients ont également reçu des soins palliatifs standards tout au long de la période d’essai. L’intensité des différents symptômes a été évaluée aux jours 14 et 28.

L’équipe n’a détecté aucune différence significative entre les groupes CBD et placebo. « L’essai a révélé que le CBD n’était pas meilleur que le placebo pour réduire le fardeau des symptômes chez les patients atteints de cancer recevant des soins palliatifs standards », a déclaré la directrice de recherche.

En réalité, tous les composants de l’échelle d’évaluation des symptômes utilisée se sont améliorés (ont baissé) au fil du temps, mais sans aucune différence entre les deux groupes. De même, les événements indésirables ne différaient pas significativement entre les patients, « à l’exception de la dyspnée qui était plus fréquente avec le CBD », précisent les chercheurs. Enfin, la plupart des participants ont déclaré se sentir « mieux » ou « beaucoup mieux » aux jours 14 (53% des patients du groupe CBD et 65% du groupe placebo) et 28 (70% des patients CBD et 64% des patients placebo).

En résumé, bien qu’il soit bien toléré, le CBD n’a pas véritablement amélioré les symptômes tels que la douleur, la fatigue, les nausées, la perte d’appétit, la dépression et l’anxiété, ni la qualité de vie des patients. Il n’a pas non plus réduit les besoins en opioïdes. « L’huile de CBD n’a pas ajouté de valeur à la réduction de la détresse des symptômes fournie par les soins palliatifs spécialisés seuls », conclut l’équipe. La directrice de recherche souligne toutefois que le CBD pourrait être utile pour améliorer certains symptômes liés au cancer, qui n’ont pas été évalués dans cette étude, notamment l’insomnie.

Une sensation de bien-être global

Ces résultats pourraient avoir des implications importantes pour les décideurs politiques concernant l’usage du cannabis médical. Cet essai n’est cependant que le premier d’une série de trois essais visant à examiner les effets du cannabis à visée thérapeutique. « La plante de cannabis est très complexe et contient un grand nombre de cannabinoïdes et d’autres composés », a expliqué Hardy au Guardian. Les chercheurs envisagent à présent d’examiner l’impact du tétrahydrocannabinol (THC), l’autre principal cannabinoïde du cannabis, qui contrairement au CBD, possède des propriétés psychoactives.

Il sera lui aussi utilisé sur les patients en soins palliatifs atteints d’un cancer avancé, en combinaison avec le CBD. L’objectif étant de déterminer si son usage est bénéfique, malgré ses effets psychoactifs, qui limiteront nécessairement les activités des patients. Les résultats de ce second essai devraient être publiés à la mi-2023, selon Hardy. Le troisième et dernier essai testera quant à lui une combinaison différente de CBD et THC.

Il est intéressant de constater que plus d’un tiers (36%) des participants à la première étude ont choisi d’acheter un produit à base de cannabis médicinal après l’essai — bien qu’ils ne sachent pas s’ils ont pris du CBD ou un placebo et malgré l’absence d’amélioration des symptômes. Janet Hardy explique que ces patients ont néanmoins rapporté une amélioration de leur bien-être global pendant l’essai. Son équipe et elle envisagent ainsi de prendre en compte une forme « d’échelle du bonheur » dans leurs futures études.

En attendant, cette étude a également prouvé que le CBD était bien toléré, et qu’il n’entraînait aucun effet indésirable ; par conséquent il pourrait être testé sur d’autres groupes de patients de différentes situations médicales ou bien pour soulager des symptômes plus spécifiques.

Source : J. Hardy et al., Journal of Clinical Oncology

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