Une étrange étude psychosociale suggère que notre apparence faciale évolue au fil du temps afin de s’adapter à notre prénom une fois adulte. Des expériences ont montré que dans la plupart des cas, les prénoms étaient correctement associés aux visages adultes d’une manière qui ne peut s’expliquer par le hasard. Cela découlerait d’un stéréotypage social si profondément ancré qu’il pourrait influencer notre apparence physique à mesure que nous grandissons, suggère l’étude.
Notre prénom est une étiquette sociale qui nous est attribuée dès la naissance. Des études ont suggéré que le prénom constitue un stéréotype véhiculant des significations et des attentes sociales. Et cela aurait des effets directs sur notre apparence physique.
En effet, les psychologues estiment que nous intériorisons (consciemment ou inconsciemment) les attentes sociales associées à notre prénom à mesure que nous grandissons. Ce processus influencerait non seulement notre identité et nos choix, mais également notre apparence faciale, de la même manière que lorsqu’on choisit nos vêtements et nos accessoires en fonction de ces attentes sociales. En d’autres termes, l’apparence faciale pourrait changer au fil du temps pour représenter ce à quoi nous devrions ressembler, selon les stéréotypes sociaux établis. Cela correspond à un phénomène appelé « prophétie auto-réalisatrice ».
D’un autre côté, de nombreux parents ayant choisi à l’avance le prénom de leur enfant à naître ont déjà déclaré avoir changé d’avis après la naissance, en estimant que le prénom ne correspondait finalement pas au visage de leur bébé. Cela suggère que, souvent, les enfants naissent avec une apparence faciale correspondant déjà à leur prénom.
Cependant, ces hypothèses n’ont jusqu’à présent pas été vérifiées de manière empirique. Afin d’explorer ces dernières, une équipe de recherche de l’Université de Reichman (Israël) a effectué des expériences visant à évaluer la correspondance visage-nom en examinant les visages de deux groupes d’âge différents (enfants et adultes). S’il existe une correspondance dès l’enfance, l’apparence faciale des adultes et des enfants serait révélatrice de leur prénom. En revanche, si la correspondance résulte d’une prophétie auto-réalisatrice, l’effet ne se manifesterait que chez les adultes.
Une fréquence excluant l’effet du hasard ?
Pour effectuer leur enquête, les chercheurs de la nouvelle étude — récemment parue dans la revue PNAS — ont recruté 117 adultes universitaires âgés de 18 à 30 ans. Plus de la moitié d’entre eux étaient des femmes (62 %) et l’ensemble avait un profil démographique similaire (nés dans le même pays, parlant la même langue, …). 76 enfants âgés de 8 à 13 ans (56,6 %) ont également été recrutés.
Afin de distinguer les deux hypothèses (correspondance visage-nom dès l’enfance et prophétie auto-réalisatrice), les associations ont été évaluées selon plusieurs paradigmes. Les volontaires ont d’abord été invités à associer des visages et des prénoms selon leurs perceptions personnelles. Ensuite, les chercheurs ont utilisé l’apprentissage automatique pour vérifier la similitude entre les visages des personnes portant le même prénom. L’algorithme a été entraîné avec une grande base de données de prénoms et de visages différents.
Puis, afin de vérifier que les résultats concordaient avec un aspect social et non un phénomène biologique, les chercheurs ont vieilli numériquement les visages des enfants. Si les visages naturels des adultes correspondent à leurs prénoms, mais que les visages artificiellement vieillis ne correspondent pas, cela soutient l’hypothèse de la prophétie auto-réalisatrice.
De façon surprenante, les participants ont associé les visages des adultes aux prénoms correspondants à une fréquence qui ne pouvait pas s’expliquer uniquement par le hasard, selon les chercheurs. En revanche, les associations étaient moins précises lorsqu’il s’agissait de visages et de noms d’enfants. D’un autre côté, l’algorithme d’apprentissage automatique a indiqué que les visages des adultes portant le même prénom étaient significativement plus proches que ceux portant des prénoms différents. Cependant, aucune similitude notable n’a été trouvée pour les visages d’enfants, même ceux portant le même prénom. En outre, l’effet de correspondance visage-nom n’était pas non plus évident pour les visages d’enfants numériquement vieillis.
Les chercheurs en ont alors conclu que l’association fréquente entre le visage et le prénom d’une personne adulte résulte d’une prophétie auto-réalisatrice. Cela concorde avec les précédentes études suggérant que l’apparence faciale change au fil du temps pour se conformer aux stéréotypes sociaux associés aux prénoms. Ces derniers peuvent se former de diverses manières, par exemple si le prénom est associé à un personnage célèbre.
« La structure sociale est si forte qu’elle peut affecter l’apparence d’une personne », explique dans un communiqué Yonat Zwebner de l’Université Reichman, auteur principal de l’étude. « Notre recherche met en évidence l’importance plus large de cet effet surprenant », ajoute-t-il. L’expert suggère d’ailleurs que ces résultats pourraient être des indicateurs de la manière dont les facteurs personnels peuvent façonner l’avenir de chaque individu dès l’enfance.