L’énergie noire (aussi appelée énergie sombre) est une forme d’énergie hypothétique qui représenterait près de 70% de la densité d’énergie de l’Univers. Elle est à la base du modèle cosmologique ΛCDM — où la constante Λ est justement associée à cette mystérieuse énergie. Dans une nouvelle étude, deux physiciens explorent la nature de l’énergie noire et proposent que cette dernière soutient non seulement l’expansion de l’Univers, mais pourrait aussi l’amener à se contracter. L’Univers suivrait ainsi une alternance perpétuelle d’expansions et de contractions.
La théorie du Big Bang remonte au milieu des années 1920. Elle soutient que l’Univers était initialement dans un état extrêmement dense et chaud, il y a 13,8 milliards, et n’a cessé de s’étendre depuis. Si la gravité (une force attractive) tend à ralentir cette expansion, des physiciens ont découvert en 1998 qu’une certaine forme d’énergie (de force répulsive), l’énergie noire, contribuait à son accélération. Pour la majorité des cosmologistes, ce phénomène d’accélération indique que l’Univers sera éternellement en expansion ; il deviendra alors de plus en plus froid et de plus en plus vide, jusqu’à sa « mort thermique » (ou Big Freeze).
À l’opposé se trouve une autre hypothèse décrivant la fin de l’Univers : le Big Crunch, ou l’effondrement terminal. Elle suppose qu’après sa phase d’expansion, l’Univers entrerait dans une phase de contraction, le ramenant vers un état extrêmement dense et chaud, comme à son point de départ, qui annulerait complètement l’espace et le temps. Le destin de l’Univers est l’une des questions fondamentales de la cosmologie et fait toujours l’objet de recherches et de débats parmi les physiciens. Dans une nouvelle étude, Molly Burkmar et Marco Bruni, de l’Institut de cosmologie et de gravitation de l’Université de Portsmouth, proposent aujourd’hui une théorie alternative.
Deux expansions rapides probablement liées
Notre univers se trouve actuellement dans une phase d’expansion intense. Tous les objets qui le composent, tels que les amas et les galaxies, s’éloignent les uns des autres à grande vitesse. Le phénomène est mis en évidence par le décalage vers le rouge (le redshift) des raies d’émission et d’absorption des objets lointains. Nous n’en avons pas conscience, car à notre échelle, l’effet de gravité prédomine sur cette expansion.
Depuis 1998, on sait que cette expansion s’accélère ; les physiciens ont dès lors supposé l’existence d’une forme d’énergie inconnue, l’énergie noire, comme explication au phénomène. Si cette accélération persiste, notre univers s’étendra tellement que toute la matière et toute forme de rayonnement seront purement et simplement « disloqués ».
Mais ce ne serait pas la première fois : à l’aube de sa vie, notre univers a déjà connu une phase d’expansion extrêmement rapide, dans les premiers instants qui ont suivi le Big Bang. Les scientifiques nomment cet événement l’« inflation cosmique » ; il aurait permis à l’Univers de grossir au moins d’un facteur 1026, en un temps extrêmement bref (compris entre 10-36 et 10-33 secondes) !
Cette inflation initiale reste mal comprise, mais les astrophysiciens s’interrogent sur les possibles liens existant entre cette première expansion majeure remontant à des milliards d’années et l’expansion actuelle. Un même phénomène ou une même entité qui serait à l’origine de ces deux expansions rapides pourrait potentiellement éliminer le problème de la singularité du Big Bang. Cette singularité, considérée comme le point de départ de l’Univers, devait nécessairement posséder suffisamment de matière et d’énergie pour permettre l’expansion ; or, cette singularité avait une masse faible.
Une alternance d’expansions et de contractions
Burkmar et Bruni présentent aujourd’hui un modèle cosmologique dans lequel l’énergie noire tient un rôle prépondérant depuis la naissance de l’Univers. Ils ont réfléchi à la façon dont l’énergie noire pouvait éviter la singularité du Big Bang, provoquer l’inflation initiale, puis accélérer l’expansion. Selon eux, pour éviter la singularité, l’Univers ne peut pas commencer à partir d’un point de densité infinie.
« Les singularités cosmologiques standard apparaissent en raison des conditions énergétiques qui sont violées par l’énergie noire, c’est pourquoi nous concentrons notre analyse sur les cosmologies rebondissantes et cycliques non singulières, en nous concentrant en particulier sur la possibilité de modèles fermés ayant toujours un rebond pour n’importe quelles conditions initiales », écrivent les deux physiciens dans leur article de pré-impression.
Ils avancent que l’énergie noire pourrait s’activer et de se désactiver périodiquement, faisant croître ou se contracter l’Univers plusieurs fois de suite — soit une alternance de Big Bang et de Big Crunch. Une fois une certaine taille atteinte, l’énergie noire se transformerait pour forcer l’Univers à se contracter. La phase de contraction aboutirait à un état de densité très élevée (mais non infinie), à partir duquel l’énergie noire s’activerait à nouveau pour entraîner une nouvelle période d’inflation rapide. Ainsi, l’Univers pourrait en réalité ne jamais prendre fin, suivant un « modèle de rebond ».
À noter que cette théorie du Grand Rebond (ou Big Bounce), qui soutient que l’Univers suit une évolution cyclique, n’est pas inédite ; les premiers modèles ont été développés dans la première moitié du 20e siècle.
Les deux chercheurs ont réussi à établir un modèle d’énergie noire qui pourrait convenir à ce scénario. Ils précisent néanmoins que l’une des conditions requises est que la matière et le rayonnement ne doivent apparaître qu’après l’inflation (et non dès le début). Ils n’ont cependant pas réussi à trouver une classe générique de modèles d’énergie noire conduisant toujours aux mêmes résultats. Leurs travaux constituent néanmoins une base solide pour explorer plus avant ce modèle de rebond.