Un professeur de l’Université du Kentucky a marqué dans une vidéo TikTok sa désapprobation vis-à-vis de ses collègues qui utilisent des logiciels de surveillance à distance pour les examens. Son intervention de quelques secondes a déclenché une vague de témoignages sur les dysfonctionnements de ce type de systèmes.
« Ce n’était même pas juste une vidéo détaillée. J’ai juste dit ‘En tant que professeur, si un de mes collègues me dit qu’il a fait utiliser un de ces logiciels à son élève, je ne le regarderai plus jamais de la même façon’. Et ça semble avoir brisé le barrage de toutes ces expériences de surveillance traumatisantes », souligne Joseph Fruehwald, professeur à l’université du Kentucky, dans un fil Twitter qu’il a publié suite à sa brève vidéo TikTok.
my “i think proctoring software is bad” TikTok has gotten 2.3 million views, and there’s a lot of comments about students getting flagged for cheating by the eye tracker in their dorm room because they were crying during the test
— The Fruehwald (@JoFrhwld) April 30, 2022
Cette dénonciation s’inscrit dans un contexte où la proportion de cours et d’examens passés à distance a drastiquement augmenté, notamment avec la période de crise sanitaire. L’usage de logiciels anti-triche semble donc s’être largement répandu dans les établissements scolaires et universitaires aux États-Unis. « À mesure que la demande de surveillance à distance a augmenté, nous avons étendu notre présence à 16 bureaux dans 8 pays, dotés du plus grand personnel de surveillance et de soutien certifié au monde », peut-on lire sur le site internet de ProctorU, un logiciel de surveillance phare.
Concernant la France, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a d’ailleurs publié en 2020 des recommandations à destination des établissements scolaires pour faire respecter les règles dédiées à la privauté des données et aux libertés des étudiants. L’organisme émet notamment des réserves quant à l’usage de l’oculométrie, souvent plus connu sous le nom anglais de « eye tracking ». « Par ailleurs, dès lors que le dispositif de télésurveillance est ‘susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes concernées’, une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD) devra être réalisée par le responsable de traitement. En particulier, l’utilisation de technologies innovantes (exemples : recours à l’oculométrie (eye tracking), algorithmes et intelligence artificielle) devra faire l’objet d’une telle analyse ».
Des signalements abusifs
Une défiance toute légitime, si l’on en croit les témoignages d’élèves qui ont afflué suite aux publications de Joseph Fruehwald. On reproche notamment à ces logiciels de se déclencher sur des critères parfois étonnants, notamment au niveau de l’oculométrie, pour déterminer s’il y a de la triche ou non. « L’un de mes examens de français a été signalé pour tricherie parce que je pleurais tout le temps et que mon prof de français a dû me regarder sangloter tranquillement pendant 45 minutes », explique ainsi un élève dans les commentaires du fil Twitter en question.
« J’ai été signalé parce que j’ai reposé ma tête dans ma paume pendant que je travaillais. Le logiciel s’attend à ce que vous vous asseyiez, les deux mains sur le clavier/test, avec votre visage directement devant votre caméra sans rotation », affirme un autre.
Au-delà du système de suivi des yeux, des témoignages portent sur l’environnement de travail, qui doit être neutre : « Depuis l’arrivée du COVID, LSAT utilise un système de surveillance. On m’a crié dessus pour avoir une citation encadrée de ma grand-mère sur le mur », affirme une étudiante.
On peut imaginer que la plupart des établissements effectuent des vérifications manuelles lors des signalements, mais ces alertes semblent générer beaucoup de stress chez les étudiants. Certains affirment même avoir été recalés pour de fausses alertes. « Mon mari a encore deux cours pour son BFA et l’un d’eux est un cours de mathématiques qui nécessite un test d’évaluation avant de s’inscrire. Il aurait dû obtenir son diplôme il y a deux ans, mais il n’a pas pu suivre le cours de maths parce que LE BRUIT DU VENTILATEUR DE SON ORDINATEUR PORTABLE A DÉCLENCHÉ LE LOGICIEL PROCTOR », s’indigne ainsi une internaute.