L’entreprise Meta (anciennement Facebook) a récemment évoqué la possibilité de supprimer partiellement ou totalement ses services de l’Europe. Lundi dernier, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie français et son homologue allemand Robert Habeck, se sont exprimés sur le sujet lors d’une conférence de presse. Le « coup de bluff » de Meta (comme certains le nomment) ne semble pas les affecter.
Dans un rapport publié ce jeudi 17 février et soumis à la Commission de sécurité et d’échanges des États-Unis, Meta a rédigé un paragraphe qui n’a pas manqué d’attirer l’attention. L’entreprise y évoque en effet une possible suppression de ses services en Europe, incluant les biens connus Facebook et Instagram. Ces réseaux sociaux font partie du quotidien de millions d’Européens.
« Si un nouveau cadre de transfert de données transatlantique n’est pas adopté et que nous ne sommes pas en mesure de continuer à compter sur les SCC ou sur d’autres moyens alternatifs de transfert de données de l’Europe vers les États-Unis, nous ne serons probablement pas en mesure d’offrir un certain nombre de nos produits et services les plus importants, y compris Facebook et Instagram, en Europe, ce qui aurait une incidence importante et défavorable sur nos activités, notre situation financière et nos résultats d’exploitation », peut-on ainsi lire dans le document.
C’est donc la question des données des utilisateurs qui est en jeu ici. Les États-Unis ont en effet une régulation bien plus légère que l’Europe sur ce sujet, et Facebook comme Instagram en font un usage massif. En 2020, la Cour de justice européenne avait tranché pour l’annulation du « Privacy shield », un accord qui permettait à Meta de contourner le règlement général sur la protection des données européen (RGPD).
C’est ce qui pose aujourd’hui problème à Meta. L’annonce a évidemment eu un certain retentissement dans les médias. Pourtant, ce lundi 7 février, Bruno Le Maire, ministre des finances français, et Robert Habeck, son homologue allemand, se sont montrés pour le moins stoïques face à cette « menace ».
« On vivrait très bien sans Facebook »
Ils ont en effet affirmé que l’Europe ne céderait pas sur ce sujet. « Je pense que ces grandes entreprises du numérique n’ont pas l’habitude que l’on s’oppose à elles », a ainsi souligné Bruno Le Maire, dans des propos rapportés par Euractiv. « Nous ne voulons pas que nos données personnelles soient confiées à des géants du numérique sans aucun contrôle ». Comme un léger pied de nez au géant numérique, le ministre a même ajouté, selon Euronews, que l’on vivrait de toute façon « très bien sans Facebook ». Robert Habeck, lui, a expliqué ceci : « après avoir été piraté, j’ai vécu sans Facebook ni Twitter pendant quatre ans et la vie a été fantastique ». Voilà qui est dit.
Il faut dire que la conférence de presse durant laquelle les deux personnalités ont été interrogées au sujet de Meta se tenait le même jour qu’une conférence ministérielle sur le thème « Construire la souveraineté numérique européenne ». Bruno Le Maire y avait donc déjà largement évoqué la volonté de conquérir une indépendance technologique vis-à-vis des États-Unis.
« Il n’y a plus de souveraineté politique sans souveraineté technologique », affirmait-il ainsi. « On peut toujours dire qu’on est souverain politiquement, mais si, pour vos réseaux de 5G, vous dépendez d’une puissance étrangère qui peut récupérer vos données, vous n’êtes pas souverain ». Évoquant un « réveil technologique européen », il affirmait que celui-ci garantirait « une souveraineté politique à laquelle nous aspirons tous entre la Chine et les États-Unis. Parce que derrière cette souveraineté, il y a évidemment une question toute simple : qui contrôle ? ».
Étant donné les enjeux économiques importants pour Meta derrière son implantation en Europe, la suppression de ces services ne devrait de toute façon pas se faire si facilement. L’entreprise a d’ailleurs par la suite souligné qu’elle n’avait « absolument aucun désir et aucun projet de se retirer d’Europe », ajoutant toutefois que « la simple réalité est que Meta, et de nombreuses autres entreprises, organisations et services, dépendent des transferts de données entre l’UE et les États-Unis afin d’exploiter des services mondiaux ».