La plupart des projections climatiques actuelles se limitent à l’horizon 2100. Les pays signataires de l’Accord de Paris sur le climat se sont ainsi engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour limiter l’augmentation des températures d’ici la fin du siècle. De même, le dernier rapport du GIEC expose des prévisions alarmantes pour 2100. Mais que se passera-t-il au-delà de cette date limite, qui sonne aujourd’hui comme un ultimatum ? Un groupe d’experts s’est penché sur la question.
Lorsque les modèles climatiques ont été utilisés pour la première fois dans les années 1980 et 1990, l’année 2100 était considérée comme un horizon suffisamment éloigné pour les projections climatiques. Cependant, cette référence n’est plus qu’à une durée de vie humaine, et les possibilités de réduire « facilement » les émissions de gaz à effet de serre conformément à l’accord de Paris s’amenuisent.
D’après les prévisions du GIEC, la température de la planète devrait augmenter de 1,5°C dès 2030 et la mer pourrait gagner un mètre d’ici 2100. Parallèlement, l’United Nations Climate Change a publié un rapport montrant que nous nous dirigeons vers un réchauffement de +2,7°C d’ici la fin du siècle — qui s’accompagnera de vagues de chaleur, de sécheresses, d’incendies, de tempêtes et d’inondations sans précédent.
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Des enjeux agricoles et migratoires majeurs
Les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère continuent d’augmenter de façon dramatique, garantissant que les changements qui en découlent se feront sentir pendant des siècles au-delà de 2100. Or, très peu de travaux de recherche tentent de se projeter au-delà de cette date, si ce n’est cette étude, publiée en 2018, qui dresse un bilan du climat mondial pour 2300.
Des projections à plus long terme permettraient pourtant de mieux comprendre et de communiquer la portée spatiale et temporelle des impacts climatiques, et ce, quel que soit le scénario qui se déroulera. C’est pourquoi un groupe de chercheurs s’est livré à la modélisation du changement climatique d’ici 2500, selon divers scénarios d’émissions nocives. Comme ils le soulignent dans leur article, en dehors des événements climatiques extrêmes qui se feront plus fréquents, des problèmes critiques pour la production alimentaire et la migration humaine forcée par le climat devraient survenir bien avant 2100, ce qui soulève des questions quant à l’habitabilité de certaines régions de la Terre après cette date charnière.
Est-ce que notre planète cessera de se réchauffer après 2100 ? Bien sûr que non. Qu’est-ce que cela implique pour les conditions de vie des générations futures ? Pour le savoir, les chercheurs ont réalisé des projections sur la base de plusieurs scénarios RCP (Representative Concentration Pathway) — soit des scénarios d’évolution du forçage radiatif ; le scénario RCP2.6 correspond à un forçage de +2,6 W/m2, le scénario RCP4.5 à +4,5 W/m2, et le scénario RCP6 à +6 W/m2. Bien entendu, plus cette valeur est élevée, plus le système terre-atmosphère gagne en énergie et se réchauffe. À noter que le scénario RCP2.6 correspond au maintien du réchauffement à moins de 2°C, comme établi par l’accord de Paris.
Outre la quantification de l’élévation de la température et du niveau de la mer, l’équipe a modélisé la répartition de la végétation, le stress thermique et les conditions de croissance des principales plantes cultivées actuellement, afin d’avoir une idée concrète du type de défis environnementaux auxquels les enfants d’aujourd’hui et leurs descendants pourraient devoir faire face à partir du 22e siècle.
Les régions tropicales, trop chaudes, deviendront inhabitables
Résultats : dans le cas des scénarios RCP4.5 et RCP6.0, les températures moyennes mondiales continuent d’augmenter bien au-delà de 2100. Dans le scénario RCP6.0, qui correspond à des émissions modérées à élevées, le réchauffement global moyen est de 2,2°C au-dessus des niveaux actuels d’ici 2100, mais continue d’augmenter jusqu’à 3,6°C en 2200 et 4,6°C en 2500. À noter que le réchauffement est inégalement réparti et concerne surtout la surface des terres et les régions polaires. Les températures pourraient atteindre des niveaux si élevés dans les régions tropicales — aujourd’hui très peuplées — que ces zones deviendraient inhabitables, avec des températures supérieures à 38°C pendant six mois de l’année !
Le scénario à faibles émissions (RCP2.6) montre un pic de réchauffement au cours de ce siècle, puis la température moyenne mondiale se stabilise à seulement 0,5°C au-dessus de la moyenne 2000-2019. Le niveau de la mer, quant à lui, tend à augmenter quel que soit le scénario, même dans le plus optimiste, en raison du lent mélange continu de chaleur dans l’océan profond, expliquent les auteurs de l’étude.
Les chercheurs ont également constaté que dans les scénarios RCP4.5 et RCP6.0 la végétation et les meilleures zones de culture se déplacent vers les pôles ; les régions adaptées à certaines cultures tropicales et tempérées (manioc, riz, patate douce, pommes de terre, soja, blé, maïs, etc.) sont ainsi considérablement réduites. « Des endroits avec une longue histoire de richesse culturelle et écosystémique, comme le bassin amazonien, peuvent devenir stériles », soulignent les experts.
Pour illustrer les changements auxquels nous devons nous attendre dans le scénario le plus pessimiste (RCP6.0), les auteurs de l’étude s’appuient sur une série de peintures couvrant mille ans (1500, 2020 et 2500), décrivant les paysages les plus représentatifs de notre planète. En Amazonie, la couverture forestière pourrait avoir disparu en grande partie en 2500, avec des niveaux d’eau de surface considérablement réduits. La présence humaine et les infrastructures peuvent être minimes, dégradées ou absentes, compte tenu des températures élevées et du stress hydrique, comme l’illustre l’image suivante.
Il est maintenant clair que sans des réductions profondes et rapides des émissions de gaz à effet de serre, le changement climatique se poursuivra pendant des siècles. « Si nous ne parvenons pas à arrêter le réchauffement climatique, les 500 prochaines années et au-delà changeront la Terre d’une manière qui mettra au défi notre capacité à maintenir de nombreux éléments essentiels à la survie », concluent les chercheurs.