Le 15 janvier, le volcan sous-marin Hunga Tonga, localisé à proximité des îles Tonga dans le Pacifique Sud, est entré une nouvelle fois en éruption. Cet événement de grande ampleur a entraîné une alerte au tsunami tout le long de la côte pacifique. La puissance de l’explosion était telle que l’onde de choc a été ressentie jusqu’en Alaska. Et pour cause : les scientifiques de la NASA estiment qu’elle était équivalente à 10 mégatonnes de TNT, une puissance 500 fois supérieure à celle de la bombe nucléaire larguée sur Hiroshima !
Depuis sa première éruption, survenue en 2009, le volcan sous-marin Hunga Tonga a pas mal évolué : l’accumulation de matériaux volcaniques a peu à peu fait émerger une nouvelle petite île dans le Pacifique. En 2018, sa superficie est estimée à 2 km² ; la flore et la faune prennent possession des lieux. Une récente série d’éruptions, déclenchée au mois de décembre, avait encore augmenté sa surface de 45%, selon les experts. Mais l’explosion de la semaine dernière a finalement eu raison de la jeune île volcanique, dont il ne reste quasiment plus rien aujourd’hui.
La puissance de l’événement était tout simplement exceptionnelle : l’équivalent de 10 mégatonnes de TNT selon James Garvin, scientifique en chef au Goddard Space Flight Center de la NASA. L’explosion a été entendue jusqu’en Alaska, à plus de 9000 kilomètres du volcan ! « Il s’agit peut-être de l’éruption la plus bruyante depuis [l’éruption du volcan indonésien] Krakatoa en 1883 », a déclaré à NPR Michael Poland, géophysicien de l’US Geological Survey.
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« Un tournant dans la volcanologie »
L’éruption du Krakatoa avait causé des dizaines de milliers de victimes et les panaches de cendres volcaniques éjectées dans l’atmosphère avaient même abaissé les températures moyennes mondiales de 0,5 °C l’année qui a suivi l’événement. De plus, l’explosion du 27 août 1883 est considérée comme le bruit le plus fort jamais entendu dans l’Histoire : à 160 km de distance, son niveau sonore atteignait encore les 180 décibels (soit le niveau sonore d’une fusée au décollage) !
Si l’éruption du Hunga Tonga n’atteint pas cette ampleur, elle n’en est pas moins dramatique pour les habitants des îles Tonga, qui restent à ce jour coupés du monde suite à la rupture de câbles de communication sous-marins. Un tsunami a inondé toute la côte ouest de l’île principale de Tongatapu, causant d’importants dégâts. La capitale Nuku’alofa et son aéroport sont recouverts de cendres, ce qui ne facilite pas l’intervention des secours. Les îles périphériques pourraient avoir été encore plus impactées, en particulier l’île de Mango où toutes les habitations ont été dévastées. En outre, certaines communautés n’ont plus accès à l’eau potable.
Selon un communiqué du ministère néo-zélandais des Affaires étrangères, le nombre de morts reste à trois au 21 janvier : deux ressortissants tongans et un ressortissant britannique. « Bien que le potentiel d’éruptions futures demeure, il est peu probable qu’elles soient aussi importantes que l’éruption du 15 janvier », précise le document. Si l’événement est évidemment terrible pour les populations locales, il intrigue énormément les experts. « Il pourrait s’agir d’un événement de référence, d’une sorte de tournant dans la volcanologie », selon Michael Poland.
Une explosivité accrue par l’eau de mer
L’île de Hunga Tonga-Hunga Ha’apai a commencé à émerger de l’océan lors d’une phase éruptive survenue fin 2014, début 2015. Deux petites îles sont tout d’abord apparues de part et d’autre de la caldeira, puis l’accumulation de matériaux volcaniques a fini par créer une plateforme reliant les deux. Il ne reste aujourd’hui quasiment plus rien de ces terres volcaniques : tout a été pulvérisé dans l’explosion, y compris les deux petites îles plus anciennes.
Plusieurs satellites d’observation ont collecté des données pendant et après l’éruption. Sur les images apparaît un vaste panache de matière, qui a fini par créer ce que les vulcanologues appellent « un nuage parapluie », accompagné d’ondes de choc en arc de cercle et d’un nombre record d’éclairs. Selon le vulcanologue Simon Carn, le nuage a atteint 500 kilomètres de diamètre. « C’est comparable à Pinatubo […]. Cependant, l’implication de l’eau dans l’éruption des Tonga peut avoir augmenté l’explosivité par rapport à une éruption purement magmatique comme celle de Pinatubo », précise le spécialiste.
Une hypothèse soutenue par James Garvin, qui pense que l’événement a sans doute été provoqué par un changement soudain au niveau des chambres magmatiques situées sous l’île, ayant entraîné une infiltration d’eau de mer. « Lorsque vous mettez une tonne d’eau de mer dans un kilomètre cube de roche liquide, les choses se gâtent rapidement », explique-t-il. Mais ce qui intrigue les experts, c’est que malgré sa puissance explosive, l’éruption en elle-même était relativement faible. Celle-ci a duré moins d’une heure et ne devrait a priori pas entraîner de changement climatique à court terme — contrairement à d’autres éruptions majeures, telles que celle du Tambora (1815), du Krakatoa (1883) ou du Pinatubo (1991).
« L’impact a été démesuré, bien au-delà de la zone à laquelle on aurait pu s’attendre si l’éruption avait eu lieu au-dessus de l’eau. C’est ce qui nous laisse perplexes », a déclaré Poland. Pour comprendre comment une éruption si « petite » a pu causer une explosion et un tsunami aussi importants, les scientifiques envisagent d’effectuer dès que possible de nouveaux relevés dans la zone entourant la caldeira.