Les femmes qui aiment se mettre en valeur physiquement ressentent moins le froid, selon une étude

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Nous avons tous déjà croisé des femmes qui, soucieuses de paraître sous leur meilleur jour, préfèrent se passer d’un gros pull ou d’une veste, même lorsqu’il fait froid — exposant ainsi des tenues plus élégantes ou qui les mettent davantage en valeur physiquement. Pour autant, ces femmes ne semblent souvent pas grelotter de froid une fois dehors. Une équipe de psychologues de l’Université de Floride du Sud s’est intéressée à ce phénomène : selon eux, l’auto-objectification permet chez ces personnes d’inhiber la sensation de froid.

Le mécanisme d’auto-objectification — une théorie de psychologie sociale développée par Barbara Fredrickson et Tomi-Ann Roberts en 1997 — désigne le fait de percevoir son corps à travers le regard d’autrui. Il a été démontré que cette auto-objectification pousse certaines femmes à contrôler constamment leur apparence dans les moindres détails, dans le souci de correspondre aux exigences de la société. Les femmes perdent ainsi la conscience de leur corps, dans le sens où elles l’évaluent en fonction d’un point de vue externe (et non de leur propre regard sur elles-mêmes) ; ces personnes se considèrent en quelque sorte comme des objets de désir.

Dans une nouvelle étude, Roxanne N. Felig, spécialiste en psychologie sociale, et ses collègues, montrent que ce mécanisme pourrait expliquer le phénomène souvent observé où les femmes portant peu de vêtements lors de sorties nocturnes, ou en hiver, semblent ne pas être gênées par le froid : l’auto-objectification serait un inhibiteur de la sensation de froid. Ces femmes délaissent les vêtements plus chauds et plus couvrants parce qu’ils les mettent moins en valeur, ou ne vont simplement pas avec leur tenue. « Cela correspond aux normes historiques de l’apparence des femmes qui privilégient la beauté au confort », souligne la psychologue dans un article de PsyPost.

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Quand l’apparence prévaut sur toute autre sensation

Si les corsets de l’époque victorienne ne sont heureusement plus au goût du jour, les talons hauts et la chirurgie esthétique sont d’autres exemples révélateurs de la prévalence de l’apparence sur le confort, note la spécialiste. De précédentes recherches sur l’auto-objectification avaient déjà mis en évidence le fait que cette attitude induisait une moindre attention envers certains processus corporels ; elle a notamment été associée à une plus faible perception de la sensation de faim. Selon les chercheurs, ceci s’explique par le fait que toute l’attention est focalisée en permanence sur l’apparence et le souci de plaire, laissant peu de place au reste.

Felig et ses collègues ont cherché à déterminer si l’auto-objectification pouvait avoir le même effet sur le ressenti du froid. Ils ont donc interrogé des femmes (224 au total) à l’extérieur de boîtes de nuit et de bars, évalué leur niveau d’auto-objectivation, puis demandé aux participantes d’indiquer à quel point elles avaient froid. L’étude a été menée pendant plusieurs nuits en février ; les températures variaient alors entre 7 °C et 14 °C. Les chercheurs ont également pris des photos de la tenue que portaient les participantes, puis les ont codées en fonction de la quantité de peau exposée.

L’hypothèse de départ a été confirmée : les résultats ont montré que l’auto-objectification influait nettement sur la sensation de froid. « Les femmes ayant un faible niveau d’auto-objectification ont montré une relation positive et intuitive entre l’exposition de la peau et les perceptions de froid, mais les femmes plus focalisées sur leur apparence n’avaient pas plus froid lorsqu’elles portaient moins de vêtements », résument les chercheurs dans le British Journal of Social Psychology. À noter que ces résultats ont été maintenus après avoir pris en compte le nombre de boissons consommées, le degré d’ivresse ressenti, l’âge et l’IMC des participantes. Cette étude confirme ainsi la relation entre l’auto-objectification et la conscience des sensations corporelles.

Inhibition des sensations ou auto-persuasion ?

Étudiante en doctorat, Roxanne Felig s’intéresse en particulier aux processus psychologiques qui nuisent au vécu des femmes. Elle révèle ici un nouveau mécanisme, reposant sur des normes relatives à l’apparence, qui impacte largement les sensations corporelles et qui pourrait potentiellement mettre les femmes en danger.

En effet, dans la mesure où les femmes surveillent leur apparence, elles se déconnectent de plus en plus de leurs propres expériences physiques et deviennent plus vulnérables : « Une personne qui n’a pas conscience de son corps lorsqu’elle va en boîte de nuit pourrait avoir moins de chances de reconnaître qu’elle est en état d’ébriété ou de remarquer les signaux physiologiques indiquant qu’on lui a fait ingurgiter une drogue », explique la spécialiste dans PsyPost.

Se déconnecter ainsi de leurs expériences physiques peut par ailleurs amener les femmes à faire d’autres choix vestimentaires causant des dommages durables et irréversibles. Pour les chercheurs, il ne s’agit pas ici de « souffrir pour être belle ». L’auto-objectification rendrait les femmes véritablement insensibles à l’inconfort et inconscientes des dommages qu’elles infligent à leur corps.

Il est par exemple avéré que le port de talons hauts augmente la courbure du dos, ce qui peut entraîner des lombalgies à long terme. Ils sont également déconseillés aux personnes souffrant d’arthrose au niveau des genoux, car ils imposent une flexion permanente de ces articulations. Enfin, les talons hauts imposent un très mauvais appui du pied, favorisant l’apparition de douleurs, de durillons et de déformation de type hallux valgus. Quant aux pantalons moulants (type slim ou skinny), ils empêchent le corps de bouger librement, nuisent à la circulation sanguine et favorisent l’apparition de mycoses vaginales. Ils ont pourtant toujours autant de succès auprès de la clientèle féminine.

L’équipe reconnaît une autre explication possible à ses résultats : il se pourrait que les femmes qui s’auto-objectifient soient plus motivées pour affirmer qu’elles n’ont pas froid. « Lorsque l’attention et l’énergie sont consacrées à l’apparence, mais au prix d’un sentiment d’inconfort, cela pourrait créer une dissonance cognitive », expliquent les chercheurs. Ainsi, pour atténuer cette contradiction, les femmes adopteraient une attitude plus cohérente, se persuadant ici qu’elles n’ont pas froid. Une autre étude serait toutefois nécessaire pour distinguer ce refus de signaler la sensation de froid d’une véritable incapacité à ressentir le froid.

Source : R. Felig et al., British Journal of Social Psychology

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