Au cours des dernières années, la miniaturisation des fibres numériques et l’extension de leur capacité à conduire l’information les rendent aujourd’hui indispensables dans de nombreux domaines. Des chercheurs sont allés encore plus loin en développant une fibre numérique programmable, dotée de différents capteurs, embarquant une intelligence artificielle et capable de stocker des données. Cette fibre peut s’intégrer facilement aux textiles et recueillir des informations médicales et contextuelles sur son porteur.
Des chercheurs du MIT ont créé la première fibre dotée de capacités numériques, capable de détecter, stocker, analyser et déduire une activité après avoir été incorporée dans un tissu. Yoel Fink, professeur de sciences des matériaux et de génie électrique, chercheur principal du Laboratoire de recherche en électronique, affirme que les fibres numériques élargissent les possibilités pour les tissus de découvrir le contexte des motifs cachés dans le corps humain, qui pourrait être utilisé pour la surveillance des performances physiques, l’inférence médicale et la détection précoce des maladies.
Fink et ses collègues décrivent les caractéristiques de la fibre numérique dans la revue Nature Communications. Jusqu’à présent, les fibres électroniques étaient analogiques — transportant un signal électrique continu — plutôt que numérique, où des bits d’information discrets peuvent être codés et traités en 0 et en 1. « Ce travail présente la première réalisation d’un tissu avec la capacité de stocker et de traiter des données numériquement, ajoutant une nouvelle dimension de contenu d’information aux textiles et permettant de programmer littéralement les tissus », explique Fink.
Une fibre numérique ultra-fine capable de stocker et traiter des données
La nouvelle fibre a été créée en plaçant des centaines de puces numériques micrométriques carrées en silicium dans une préforme qui a ensuite été utilisée pour créer une fibre polymère. En contrôlant précisément le flux de polymère, les chercheurs ont pu créer une fibre avec une connexion électrique continue entre les puces sur une longueur de plusieurs dizaines de mètres.
La fibre elle-même est fine et flexible et peut être passée à travers une aiguille, cousue dans des tissus et lavée au moins 10 fois sans se décomposer. Selon les chercheurs, « quand vous la mettez dans une chemise, vous ne pouvez pas la sentir du tout. Vous ne savez pas qu’elle est là. La fabrication d’une fibre numérique ouvre différents domaines d’opportunités et résout en fait certains des problèmes des fibres fonctionnelles ».
Par exemple, elle offre un moyen de contrôler les éléments individuels dans une fibre, à partir d’un point à l’extrémité de la fibre. L’équipe de recherche a conçu une méthode d’adressage numérique qui leur permet « d’activer » la fonctionnalité d’un élément sans activer tous les éléments. Une fibre numérique peut également stocker beaucoup d’informations. Les chercheurs ont pu écrire, stocker et lire des informations sur la fibre, y compris un fichier de court métrage en couleur de 767 kilobits et un fichier audio de 0.48 mégaoctet.
Les fichiers peuvent être stockés pendant deux mois sans alimentation. Lorsqu’ils ont imaginé des idées extravagantes pour la fibre, les chercheurs ont pensé à des applications comme une robe de mariée qui stockerait des musiques de mariage dans son tissu, ou même à écrire l’histoire de la création de la fibre dans ses composants.
Une intelligence artificielle pour analyser et interpréter les informations
La fibre fait également quelques pas en avant dans l’intelligence artificielle en intégrant, au sein de la mémoire fibre, un réseau de neurones de 1650 connexions. Après l’avoir cousue autour de l’aisselle d’une chemise, les chercheurs ont utilisé la fibre pour collecter 270 minutes de données de température corporelle d’une personne portant la chemise, et pour analyser comment ces données correspondaient à différentes activités physiques. Formée sur ces données, la fibre a pu déterminer avec une précision de 96% dans quelle activité la personne qui la portait était engagée.
L’ajout d’un composant d’IA à la fibre augmente encore ses possibilités, selon les chercheurs. Les tissus avec des composants numériques peuvent collecter de nombreuses informations sur tout le corps au fil du temps, et ces « données riches » sont parfaites pour les algorithmes d’apprentissage automatique, explique Gabriel Loke, chercheur au MIT. « Ce type de tissu pourrait fournir des données open source de quantité et de qualité pour extraire de nouveaux modèles corporels que nous ne connaissions pas auparavant ».
Avec ce pouvoir analytique, les fibres pourraient un jour détecter et alerter les gens en temps réel des changements de santé comme un déclin respiratoire ou un rythme cardiaque irrégulier, ou fournir des données d’activation musculaire ou de fréquence cardiaque aux athlètes pendant l’entraînement. La fibre étant contrôlée par un petit périphérique externe, la prochaine étape consistera donc à concevoir une nouvelle puce en tant que microcontrôleur pouvant être connecté à l’intérieur de la fibre elle-même.