Des scientifiques chinois ont conçu un outil permettant de capter les conversations de personnes situées jusqu’à plusieurs kilomètres de fibres optiques. La fibre optique possède en effet des propriétés qui en font un outil très propice à l’espionnage… D’autant plus qu’on en retrouve un peu partout. Les chercheurs explorent cependant des pistes pour sécuriser ce réseau.
Et si vos murs avaient véritablement des oreilles ? Une équipe de chercheurs de Tsinghua University, à Pékin, vient de faire de cette expression une réalité. Ils ont conçu un appareil qui permet de capter des conversations tenues « à proximité » de fibres optiques, et ce même à plusieurs kilomètres de distance. Leurs recherches ont été publiées sur arXiv, dans l’attente de la validation par la communauté scientifique.
Comment est-ce possible ? Tout simplement en raison des propriétés inhérentes à la fibre optique. En effet, cette dernière transporte de l’information via des faisceaux de lumière, que cela soit sous terre ou à travers les océans. Or, l’environnement autour de la fibre optique peut engendrer des variations dans cette lumière. Celles-ci peuvent être interprétées pour « deviner », ou même retransmettre, ce qui se passe autour. Autrement dit, au-delà de leur usage initial, ces fibres optiques font de très bons capteurs. Par exemple, des recherches ont déjà été faites pour utiliser les fibres optiques présentes sous l’océan comme détecteurs sismiques.
Cette fois-ci, c’est bien sur les mots prononcées « à proximité » que se sont penchés les scientifiques. Pour ce faire, ils ont connecté un appareil récepteur à plus d’un kilomètre de fibre optique. Trois mètres de fibre en fonctionnement ont été exposés à des conversations test, tandis que le reste était enroulé autour d’une bobine dans une pièce voisine. Les paroles prononcées, en l’occurrence « it’s nine fifteen », ont généré des variations de lumière qui ont été retransmises à l’appareil récepteur.
Une méthode d’espionnage difficile, mais réalisable
Les mots retranscrits n’étaient pas complètement clairs à l’arrivée. Cependant, comme le précisent les scientifiques, la qualité pourrait être améliorée sans trop de difficultés avec des méthodes existantes de reconstitution par ordinateur. De plus, ils précisent que le bruit de fond était ici assez important, ce qui pourrait ne pas être le cas dans d’autres circonstances : « En fait, dans de véritables situations de mise sur écoute, ce bruit environnemental sera inférieur à celui expérimenté dans ce test en laboratoire et n’influencera pas trop l’écoute », affirment-ils.
L’idée est apparue aux scientifiques lors d’une tout autre expérience. Ils essayaient initialement de concevoir un capteur à fibre optique, mais se sont aperçus que le son de leur voix interférait constamment.
Une telle mise sur écoute présenterait tout de même des difficultés techniques, tempèrent les chercheurs : « La méthode d’écoute présentée dans cet article nécessite un équipement complexe et des conditions strictes », expliquent-ils. Rien d’irréalisable, cependant, pour quelqu’un qui posséderait les moyens techniques et les connaissances : « Des moyens importants sont souvent mis en place pour ce type d’espionnage, quel qu’en soit le coût. Par conséquent, pour certaines occasions avec des exigences de confidentialité strictes, les fuites survenant à travers la fibre optique doivent être évitées », concluent-ils. Ils affirment qu’en ajustant tout simplement le revêtement utilisé pour les fibres, afin de les rendre moins sensibles aux vibrations, ce genre de mise sur écoute pourrait être facilement évité.