Une étude récente a une fois de plus établi un lien entre le microbiote intestinal et la fibromyalgie. En observant l’impact de la transplantation fécale chez des souris et des femmes atteintes de la maladie, des scientifiques ont découvert que la modification de la flore intestinale influence les symptômes de la fibromyalgie.
La fibromyalgie, syndrome complexe caractérisé entre autres par des douleurs chroniques diffuses et persistantes, affecte environ 2 à 4% de la population mondiale, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Actuellement, aucune cause précise ni traitement efficace ne sont clairement établis, faisant de cette pathologie un défi médical majeur.
Néanmoins, elle pourrait trouver une nouvelle voie de traitement grâce à la recherche sur le microbiote intestinal. Une étude récente menée par une équipe dirigée Yoram Shir de l’Université McGill révèle un lien entre la composition du microbiote intestinal et les symptômes de la fibromyalgie. Les résultats pourraient aider à mieux cerner les mécanismes sous-jacents de la maladie et les approches thérapeutiques potentielles. L’étude est disponible sur la plateforme bioRxiv.
Microbiote intestinal et fibromyalgie : une corrélation établie
Les scientifiques soupçonnent depuis quelques années que le microbiote intestinal des personnes souffrant de fibromyalgie présente des caractéristiques distinctes par rapport à celui d’individus en bonne santé. Cette différence suggère que le microbiote pourrait jouer un rôle clé dans l’apparition ou l’intensité des symptômes de la maladie.
Pour mettre en évidence le potentiel lien entre fibromyalgie et microbiote, les chercheurs de la présente étude ont transplanté la flore intestinale de femmes atteintes de fibromyalgie à des souris spécialement élevées dans un environnement exempt de microbes. Cette approche a permis d’observer les effets directs du microbiote humain sur un organisme vierge de toute influence microbienne préalable.
De manière significative, les souris ayant reçu le microbiote des patientes fibromyalgiques ont développé une hypersensibilité à la douleur, un symptôme central de la fibromyalgie chez l’humain. Cette observation a renforcé l’idée que le microbiote intestinal pourrait influencer le système nerveux de manière à exacerber la perception de la douleur.
Dans une phase ultérieure de l’étude, les scientifiques ont cherché à inverser cet effet. Les souris ayant reçu le microbiote fibromyalgique ont été traitées avec un cocktail d’antibiotiques destiné à éradiquer leur flore intestinale pathologique. Par la suite, elles ont reçu une transplantation de microbiote provenant de donneurs sains (transplantation fécale). Cette intervention a conduit à une réduction notable de leur sensibilité à la douleur, suggérant que la restauration d’un microbiote sain pourrait atténuer les symptômes de la fibromyalgie.
Vers une application clinique humaine
L’application clinique de ces découvertes représenterait une avancée majeure dans la recherche d’un traitement efficace pour cette maladie complexe. Afin d’examiner ce potentiel thérapeutique, les chercheurs ont administré une série d’antibiotiques à 14 femmes atteintes de fibromyalgie. Elles ont ensuite reçu cinq échantillons de selles, administrés via une capsule orale toutes les deux semaines, provenant de personnes indemnes. Cette méthode visait à modifier leur microbiote intestinal, dans l’espoir d’influencer positivement les symptômes de la maladie.
Les résultats de cet essai ont été remarquablement positifs. Une semaine après la dernière greffe, 12 des femmes ont déclaré que leur douleur avait diminué en moyenne de deux points sur une échelle de 10 points, cette réduction de la douleur s’étant maintenue tout au long des 12 semaines de l’essai. Au-delà de l’atténuation de la douleur, l’étude a également révélé des améliorations dans d’autres domaines critiques affectés par la maladie, notamment une réduction des symptômes d’anxiété et de dépression, ainsi qu’une amélioration générale de la qualité de vie et du sommeil.
Ces résultats ouvrent la voie à un potentiel thérapeutique considérable pour le traitement de la fibromyalgie via le microbiote intestinal, notamment par transplantation fécale. Elles indiquent que la modification de la flore intestinale pourrait être une clé pour soulager non seulement la douleur chronique, mais aussi les troubles psychologiques souvent associés à cette affection. Cependant, il est important de souligner que ces résultats sont préliminaires et que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer leur validité et leur applicabilité à une plus grande population de patients.
La prochaine étape consistera à élaborer des protocoles de traitement qui soient à la fois efficaces et sûrs. Cela impliquera des essais cliniques plus larges pour tester la transplantation fécale sur différents groupes de patients, ainsi que pour comprendre les mécanismes précis par lesquels ces traitements agissent. En outre, il sera crucial de déterminer les meilleures pratiques pour la sélection des donneurs et la préparation des échantillons fécaux, afin de maximiser l’efficacité du traitement tout en minimisant les risques.