Indispensable à la vie, l’eau n’est pourtant pas une ressource naturelle à la portée de tous. Si dans les pays industrialisés disposer d’une eau potable est une évidence, l’on estime aujourd’hui qu’environ 30% de la population n’a pas accès à une eau saine et salubre. Cependant, une équipe de scientifiques australiens pourraient bien avoir trouvé une solution universelle basée sur la filtration des eaux souillées grâce une nouvelle technologie au graphène.
Obtenu à partir du graphite, le graphène est un feuillet bidimensionnel composé d’atomes de carbone organisés en motifs hexagonaux. Théorisé dès 1947 mais extrait uniquement depuis 2004 (ce qui a d’ailleurs valu le prix Nobel au physicien Andre Geim en 2010), le graphène est un matériau dont les propriétés surprenantes ne cessent d’étonner les scientifiques. Plébiscité pour sa solidité et son exceptionnelle capacité à stocker l’énergie, des chercheurs australiens viennent de démontrer qu’il peut également servir à purifier l’eau insalubre pour obtenir une eau parfaitement potable.
Améliorer l’accès à une eau sans danger pour la santé est un véritable enjeu de santé publique. Don Hang Seo, l’un des chercheurs à l’origine de cette nouvelle technique, rappelle que « presque un tiers de la population, environ 2.1 milliards de personnes, ne dispose pas d’eau saine et buvable. Par conséquent, des millions d’individus – surtout des enfants – meurent chaque année de maladies liées à une mauvaise distribution de l’eau et aux conditions déplorables d’hygiène ».
Ce processus inédit repose sur une forme particulière du graphène obtenu à partir d’huile de soja : le GraphAir. La production de ce dernier est plus simple, plus écologique et moins chère que pour le graphène standard dont les coûts de fabrication sont très élevés. En outre, le GraphAir conserve toutes les propriétés du graphène. Une de ces propriétés, l’hydrophobie, c’est-à-dire la capacité à repousser l’eau, intéresse particulièrement les scientifiques.
Pour développer leur filtre, les ingénieurs et chimistes du Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO) ont tout d’abord fabriqué un film de graphène percé de plusieurs nano-canaux permettant à l’eau de passer tout en bloquant les polluants constitués de molécules plus larges. Par la suite, les chercheurs ont recouvert un système classique de filtration d’eau commercial avec leur film.
Enfin, le dispositif a été testé avec l’eau hautement polluée du port de Sydney. Conséquences : les molécules contaminantes se sont accumulées tout au long de la membrane, bouchant les pores, empêchant ainsi l’eau de passer.
Les scientifiques ont ensuite ajouté le GraphAir au dispositif de filtrage et les résultats se sont révélés saisissants. Grâce au GraphAir, bien plus de polluants ont été éliminés – environ 99% – et ce beaucoup plus rapidement qu’avec le filtre conventionnel. En outre, la filtration a continué de fonctionner malgré l’accumulation des contaminants. Cette technique permet donc de réaliser toute la filtration en une seule étape, alors qu’au moins deux étapes sont nécessaires aux filtres standards (éliminer d’abord les contaminants, puis filtrer l’eau). Comme l’indique Don Hang Seo « cela remplace les processus complexes, chronophages et multi-étapes de filtration actuels par un processus à une seule étape ».
Ces résultats viennent se combiner à ceux obtenus l’année dernière démontrant qu’un film de graphène microporeux pouvait laisser passer l’eau de mer tout en bloquant le sel, offrant une eau totalement potable. Seo poursuit en expliquant que « cette technologie est capable de créer de l’eau potable, peu importe l’insalubrité initiale de l’eau. Tout ce qu’elle nécessite est de la chaleur, notre Graphair, une membrane de filtration et une petite pompe à eau. Nous espérons commencer les essais sur le terrain auprès de communautés en développement dès l’année prochaine ».
À terme, les chercheurs sont persuadés que cette technologie pourra être utilisée dans chaque foyer et même au niveau d’agglomérations entières, sans oublier les usines de traitement des eaux usées et de l’eau de mer.