Un filtre inspiré des poissons capture plus de 99 % des microplastiques des machines à laver

Un moyen simple et peu coûteux d'endiguer l’une des plus importantes sources de microplastiques dans l'environnement.

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Le filtre imite le système branchial de la bouche des poissons comme le maquereau (sur l'image) pour filtre les microplastiques. | Jens Hamann/Université de Bonn
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Des chercheurs allemands ont développé un filtre inspiré des branchies des poissons éliminant plus de 99% des microplastiques des eaux usées des machines à laver. Alors que les microplastiques font l’objet de préoccupations croissantes en matière de santé, ces appareils ménagers en constituent l’une des plus importantes sources de rejet dans l’environnement. La technologie offrirait un moyen simple et peu coûteux d’endiguer le phénomène.

Les microplastiques sont désormais largement répandus dans notre environnement, de l’air que nous respirons jusqu’à la nourriture que nous consommons et l’eau que nous buvons. Ils provoquent des effets néfastes dans tous les milieux où ils sont présents en favorisant par exemple l’accumulation de champignons pathogènes dans les sols et provoquant une phytotoxicité chez les plantes vasculaires. Ils sont également ingérés massivement par les organismes marins et aquatiques, affectant leur santé et celle de leur réseau trophique.

Chez l’humain, ils ont été trouvés dans quasiment tous les organes y compris le cerveau, les os, les organes génitaux et même le placenta. Bien que la compréhension de leurs impacts réels sur la santé humaine ne soit qu’à ses balbutiements, il a été démontré qu’ils sont impliqués dans le stress oxydatif, l’inflammation chronique et les troubles métaboliques. Ils ont également été détectés à des concentrations élevées dans le cerveau des personnes souffrant de démence, suggérant un lien potentiel.

Machines à laver : un maillon clé de la pollution aux microplastiques

Les machines à laver figurent parmi les voies de propagation les plus importantes, diffusant notamment entre 10 et 120 grammes de fibres de microplastiques par an et par personne. Ils sont produits par le biais du frottement des textiles dans les turbines des machines. Ces machines sont équipées de filtres destinés à protéger les pompes, mais ces filtres ne retiennent que les cailloux et les objets de la taille de pièces de monnaie. En d’autres termes, ils ne sont pas assez fins pour retenir les microplastiques.

Les microplastiques sont donc rejetés directement dans les réseaux d’assainissement d’eau. Les stations d’épuration disposant de systèmes de traitement secondaire et tertiaire peuvent retenir une grande partie des microplastiques rejetés dans les eaux usées urbaines, mais ils s’accumulent ensuite dans les boues d’épuration. Et comme ces boues d’épuration sont couramment utilisées comme engrais agricoles, les microplastiques sont réintroduits dans l’environnement.

Ainsi, malgré le taux élevé de filtration de certaines stations d’épuration, l’élimination des microplastiques avant qu’ils ne se répandent dans l’environnement demeure un défi de taille et un aspect encore insuffisamment exploré. Des fabricants de machines à laver proposent différentes stratégies de filtration pour les machines à laver. Mais, « les systèmes de filtration disponibles jusqu’à présent présentent toutefois divers inconvénients. Certains s’encrassent rapidement, d’autres n’offrent pas une filtration suffisante », explique Leandra Hamann, de l’Institut de biologie des organismes de l’Université de Bonn, en Allemagne.

Un modèle emprunté à des millions d’années d’évolution

Pour surmonter ces défis, Hamann et ses collègues proposent un nouveau système de filtration pour machines à laver beaucoup plus efficace, inspiré des poissons. « Nous présentons un filtre biomimétique inspiré des poissons, doté d’une efficacité de filtration élevée grâce à des fibres microplastiques standardisées et d’un processus autonettoyant », expliquent-ils dans leur étude publiée vendredi dernier (5 décembre) dans la revue npj Emerging Contaminants.

Certains poissons, tels que le maquereau, la sardine ou l’anchois, se nourrissent en nageant la bouche ouverte et en filtrant le plancton à l’aide de leurs arcs branchiaux. Leur système de filtration a été perfectionné au cours de millions d’années d’évolution pour retenir uniquement le plancton sans jamais s’encrasser ou se bloquer.

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Image microscopique de branchies de poissons recouvertes de denticules capturant le plancton. © Leandra Hamann/Université de Bonn

Il a la forme d’un entonnoir avec la partie plus large au niveau de la bouche et la partie étroite débouchant vers l’œsophage. La paroi de cet entonnoir est tapissée d’arcs branchiaux, des structures en forme de peigne recouvertes de petites dents microscopiques. L’ensemble forme une sorte de maillage vertical tendu et perméable que l’eau traverse lors d’ingestion d’aliments. Cette eau est filtrée pour être débarrassée du plancton puis est rejetée dans l’environnement par les branchies.

Le plancton retenu roule vers l’œsophage grâce à la forme en entonnoir du système, puis est avalé par le poisson, ce qui vide et nettoie automatiquement le système de filtration. Ce système empêcherait le filtre de s’encrasser tout en éliminant la quasi-totalité du plancton présent dans l’eau.

« Nous avons étudié de près la structure de ce système et l’avons utilisé comme modèle pour développer un filtre destiné aux machines à laver », explique Alexander Blanke, membre des pôles de recherche transdisciplinaires Vie et Santé et Avenir durable à l’Université de Bonn et coauteur de l’étude.

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L’élément filtrant central imite le système branchial du poisson. Le boîtier du filtre permet un nettoyage périodique et son installation dans un lave-linge. © Christian Reuß/Leandra Hamann/Université de Bonn

Plus précisément, les chercheurs ont testé différentes tailles de mailles de la structure filtrante et différents angles d’ouverture de l’entonnoir pour l’adapter aux microplastiques. En combinant des séries de tests avec des simulations informatiques, l’équipe a identifié les paramètres optimaux permettant de filtrer 99 % des microplastiques de l’eau sans que le système ne se bouche.

Les microplastiques accumulés à la sortie du filtre sont ensuite aspirés plusieurs fois par minute sous forme de granules dans le cadre des tests de laboratoire, et peuvent être jetés dans les ordures ménagères. D’après les chercheurs, l’ensemble du système ne comporte aucun mécanisme complexe et devrait donc être très peu coûteux à concevoir. L’équipe a déposé une demande de brevet pour le déploiement de la technologie en Allemagne et une procédure de brevetage à l’échelle de l’Union européenne est en cours.

Source : npj Emerging Contaminants
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