Une รฉtude portant sur environ 200 patients britanniques suggรจre que des personnes jeunes et auparavant en bonne santรฉ, prรฉsentant des symptรดmes persistants de COVID-19, peuvent montrer des signes de lรฉsions de plusieurs organes quatre mois aprรจs l’infection initiale.
Ces observations viennent alimenter le dossier complexe des patients atteints dโune forme durable de la maladie. Fatigue, confusion cรฉrรฉbrale, essoufflement et douleurs sont les symptรดmes les plus souvent rapportรฉs par ces malades ยซ longue durรฉe ยป. Au Royaume-Uni, plus de 60โ000 personnes seraient dans ce cas. Face ร ce constat, le National Health Service (NHS) a annoncรฉ le lancement dโun rรฉseau de plus dโune quarantaine de cliniques ยซ spรฉcialisรฉes COVID ยป.
Mรฉdecins, infirmiรจres et autres personnels soignants des รฉtablissements mobilisรฉs seront chargรฉs dโรฉvaluer et de traiter les symptรดmes physiques et psychologiques des patients sur le long terme. Ce projet, baptisรฉ Coverscan, vise notamment ร รฉvaluer lโimpact de la maladie sur les diffรฉrents organes dโenviron 500 personnes jugรฉes ยซ ร faible risque ยป. En dโautres termes, cette รฉtude concerne des individus relativement jeunes, sans problรจme de santรฉ particulier.
Un ou plusieurs organe(s) dรฉficient(s) dans 70% des cas
Bien quโร faible risque, ces personnes prรฉsentent encore des symptรดmes caractรฉristiques de la COVID-19 plusieurs semaines aprรจs la date de lโinfection. Tests sanguins, IRM, mesures physiques et questionnaires en ligne permettront de rรฉcolter davantage dโinformations sur lโรฉvolution de la maladie. ยซ La COVID longue a dรฉjร un impact trรจs sรฉrieux sur la vie de nombreuses personnes et pourrait bien continuer ร affecter des centaines de milliers de personnesย ยป, avertit Simon Stevens, directeur gรฉnรฉral du NHS.
Des donnรฉes prรฉliminaires, correspondant aux 200 premiers patients ร participer ร cette รฉtude, suggรจrent que prรจs de 70% dโentre eux prรฉsentent des dรฉficiences dans un ou plusieurs organes, y compris le cลur, les poumons, le foie et le pancrรฉas et ce, quatre mois aprรจs leur infection par le SARS-CoV-2. Amitava Banerjee, cardiologue et professeur agrรฉgรฉe de science des donnรฉes cliniques ร l’University College London, souligne que dans la plupart des cas, ces dรฉficiences sont modรฉrรฉes. Cependant, elles touchent deux organes ou plus chez prรจs dโun quart des patients, ce qui est bien plus inquiรฉtant.

Lโobjectif des chercheurs est de vรฉrifier si les dรฉficiences persistent ou sโamรฉliorent avec le temps, et de dรฉterminer sโil existe ou non un sous-groupe de personnes chez qui ces effets sโaggravent. ร noter que parmi les 201 personnes considรฉrรฉes, la prรฉvalence des affections prรฉexistantes รฉtait relativement faible (obรฉsitรฉ : 20%, hypertension : 6%; diabรจte : 2%; maladie cardiaque : 4%) ; en outre, seuls 18% des personnes ont nรฉcessitรฉ une hospitalisation. Parmi les symptรดmes les plus souvent ressentis aprรจs lโinfection : la fatigue (98%), les douleurs musculaires (88%), lโessoufflement (87%) et les maux de tรชte (83%).

Lโรฉquipe de chercheurs a remarquรฉ par ailleurs que dans certains cas, il existait une corrรฉlation entre les symptรดmes des personnes et le (ou les) organe(s) atteint(s). Par exemple, les troubles cardiaques ou pulmonaires รฉtaient corrรฉlรฉs ร l’essoufflement, tandis que les troubles hรฉpatiques ou pancrรฉatiques รฉtaient associรฉs ร des symptรดmes gastro-intestinaux. Ces observations somme toute logiques viennent surtout corroborer le fait que la maladie provoque bel et bien des lรฉsions dรฉtectables au niveau dโun ou plusieurs organes, qui peuvent expliquer certains symptรดmes et le cheminement de la maladie.
Vers une meilleure prise en charge des malades longue durรฉe
Cependant, lโรฉtude ne prouve pas que les altรฉrations constatรฉes au niveau des organes soient bien la cause des symptรดmes persistants des patients. En outre, les rรฉsultats nโont pas encore รฉtรฉ examinรฉs par des pairs. ร savoir รฉgalement quโaucun des patients considรฉrรฉs nโa subi dโexamen dโimagerie mรฉdicale avant de contracter la maladie ; par consรฉquent, il se pourrait que certains dโentre eux prรฉsentaient dรฉjร certaines dรฉficiences organiques antรฉrieurement ร leur infection. Banerjee estime toutefois que ceci est peu probable รฉtant donnรฉ lโรขge moyen des participants (44 ans) et la bonne santรฉ quโils affichaient avant de contracter la COVID-19.

Cet รฉchantillon de patients continuera de faire lโobjet dโun suivi accru ; en parallรจle, les chercheurs analysent รฉgalement les donnรฉes de personnes qui nโont pas รฉtรฉ malades de la COVID-19 et dโautres ayant dรฉjร souffert dโautres infections virales telles que la grippe, afin de comparer les diffรฉrents rรฉsultats.
Les donnรฉes prรฉliminaires d’une รฉtude britannique distincte, portant sur 58 patients hospitalisรฉs pour COVID-19, ont รฉgalement mis en รฉvidence des anomalies dans plusieurs organes, deux ร trois mois aprรจs l’infection initiale : des lรฉsions pulmonaires dans 60% des cas, mais aussi dans les reins (29%), dans le cลur (26%) et dans le foie (10%). Des modifications tissulaires dans certaines parties du cerveau ont รฉgalement รฉtรฉ observรฉes.
Ce type dโรฉtudes pourrait permettre de dรฉvelopper des thรฉrapies plus adaptรฉes pour ces personnes, en รฉvitant notamment dโenvoyer chaque patient chez tous les spรฉcialistes possibles (surtout en temps de pandรฉmie !). Banerjee suggรจre ainsi de mettre en place une collaboration plus รฉtroite entre cardiologues, pneumologues, neurologues, etc., pour soigner les symptรดmes durables de cette maladie.
Par ailleurs, de nombreuses personnes malades aujourdโhui de COVID-19 longue durรฉe souffrent du peu de reconnaissance de leur statut. ยซ Ce que tous les gens dans le monde ayant contractรฉ la COVID rรฉclament depuis longtemps, c’est d’รชtre pris au sรฉrieux ยป, souligne Danny Altmann, professeur d’immunologie ร l’Imperial College de Londres. En France, Patricia Mirallรจs, dรฉputรฉe de l’Hรฉrault, a dรฉposรฉ une proposition de loi pour que la COVID-19 soit reconnue comme une maladie de longue durรฉe, nรฉcessitant des soins prolongรฉs et coรปteux. Cette reconnaissance permettrait une prise en charge totale des soins post-COVID.


