En développant une nouvelle théorie décrivant la manière dont la lumière et la matière interagissent au niveau quantique, des chercheurs ont défini pour la première fois la représentation mathématique précise de l’état quantique d’un photon unique. Le modèle explore notamment avec des détails sans précédent la manière dont les photons sont façonnés par leur environnement. Ces travaux pourraient avoir des implications importantes pour les technologies d’imagerie et de communication quantique.
La manière dont un photon se déplace dépend de la complexité de la géométrie de son environnement ou des propriétés de la matière avec laquelle ils interagissent. Ces facteurs déterminent leur comportement radiatif, allant de la forme à la couleur (comme lorsqu’ils traversent un vitrail coloré ou un cristal), en passant par la fluorescence. « La géométrie et les propriétés optiques de l’environnement ont des conséquences profondes sur la façon dont les photons sont émis, notamment sur la définition de la forme, de la couleur et même de la probabilité de leur existence », explique dans un communiqué Angela Demetriadou de l’Université de Birmingham, au Royaume-Uni.
Cette interaction complexe donne lieu à des possibilités quasi illimitées de la manière dont la lumière se déplace dans son environnement. Néanmoins, cette diversité rend extrêmement difficile la modélisation de ces interactions – un défi que les physiciens tentent de surmonter depuis des décennies. Afin de les modéliser au mieux, des émetteurs quantiques (atomes, molécules fluorescentes, points quantiques, etc.) couplés à des dispositifs photoniques géométriquement complexes (microcavités optiques, nanotiges, etc.) ont été proposés, mais des lacunes persistent, notamment dans la précision des modèles ou les prédictions expérimentales.
Afin de combler les lacunes, Demetriadou et son collègue et auteur principal de la nouvelle étude, Benjamin Yuen, de l’École de physique de l’Université de Birmingham, proposent un nouveau modèle théorique capturant en détail les interactions des photons avec les émetteurs quantiques et la manière dont ils sont façonnés par leur environnement. Les calculs ont permis de définir pour la première fois la représentation mathématique précise de l’état quantique d’un photon unique, selon l’environnement et la matière avec lesquels il interagit.
Selon Yuen, « nos calculs nous ont permis de transformer un problème apparemment insoluble en quelque chose qui peut être calculé. Et, en tant que sous-produit du modèle, nous avons pu produire cette représentation théorique détaillée d’un photon, une avancée inédite en physique théorique ».
Une description complète des interactions lumière-matière via l’électrodynamique quantique
Pour développer leur modèle, les chercheurs ont effectué une description complète des interactions lumière-matière via l’électrodynamique quantique pour les dispositifs photoniques. Plus précisément, ils ont regroupé les différentes possibilités d’interaction en ensembles distincts. Le modèle a permis de décrire non seulement les interactions entre le photon et l’émetteur quantique, mais également la façon dont l’énergie de cette interaction se déplace dans le champ lointain.
Le champ proche et le champ lointain sont des régions du champ électromagnétique émis autour d’un objet, c’est-à-dire le mode de diffusion du rayonnement d’un objet. L’intensité du rayonnement en champ lointain diminue à mesure que la distance par rapport à la source émettrice augmente.
« Ces travaux nous aident à mieux comprendre l’échange d’énergie entre la lumière et la matière, et deuxièmement à mieux comprendre comment la lumière rayonne dans son environnement proche et lointain », explique Yuen. « Une grande partie de ces informations étaient auparavant considérées comme du simple ‘bruit’, mais elles contiennent tellement d’informations que nous pouvons désormais les comprendre et les utiliser », ajoute-t-il.
Ces résultats pourraient avoir des implications pour de nombreux domaines, tels que l’imagerie, la physique quantique, la science de matériaux, etc. En modélisant avec précision les interactions des photons, il serait par exemple possible de développer des technologies de communication quantique plus performantes et plus sécurisées. Cela pourrait également améliorer les techniques de détection d’agents pathogènes et permettrait de contrôler des réactions chimiques au niveau moléculaire.
« Une telle dynamique a un impact majeur sur le développement futur du traitement de l’information quantique, le transport quantique, la photochimie et des processus biologiques, tels que la récupération et utilisation efficace de la lumière », ont écrit les chercheurs dans leur document publié dans la revue Physical Review Letters.
« En comprenant cela, nous posons les bases qui nous permettront de concevoir des interactions lumière-matière pour des applications futures, telles que de meilleurs capteurs, des cellules photovoltaïques améliorées ou l’informatique quantique », conclut Yuen.