C’est la conclusion d’une récente étude publiée dans la revue Psychiatry Research : en cas d’hospitalisation pour forme sévère de COVID-19, le risque de développer une schizophrénie augmente de 11%. Les auteurs de l’étude soulignent que ce trouble mental devrait dès lors être considéré comme l’une des séquelles potentielles de l’infection.
Il a été montré que le virus SARS-CoV-2 peut envahir le système nerveux central et les manifestations neuropsychiatriques étaient fréquentes au début de la pandémie. Une étude publiée l’an dernier dans The Journal of Clinical Psychiatry, menée par une équipe de chercheurs français, avait mis en évidence le fait que, quatre mois après une hospitalisation pour une forme aigüe de COVID-19, plus de 20% des patients présentaient au moins un trouble psychiatrique — essentiellement un épisode dépressif majeur ou un trouble anxieux ; 5% d’entre eux présentaient un risque suicidaire significatif.
Il a par ailleurs été prouvé que le coronavirus peut impacter la structure, les fonctions et l’activité du cerveau humain. Ces résultats suggèrent qu’une forme sévère de COVID-19 peut avoir un impact important sur la santé mentale des malades. En outre, une pathologie cérébrale préexistante peut rendre les individus plus vulnérables à l’infection : il a notamment été rapporté que les patients schizophrènes courent un risque plus élevé de mortalité par COVID-19. Néanmoins, la relation de cause à effet entre la COVID-19 et la schizophrénie n’est pas claire. Une équipe a donc entrepris d’explorer cette association.
Un risque qui ne dépend que de la gravité de la maladie
La schizophrénie est une maladie mentale grave, caractérisée par des hallucinations, des délires, une pensée désorganisée et des déficits cognitifs. Selon l’Inserm, ce trouble concerne près de 600 000 personnes en France. Une prise en charge précoce de la maladie permet heureusement d’en réduire la sévérité. C’est pourquoi il est important de déterminer si et dans quelle mesure la COVID-19 aiguë peut favoriser la survenue de ce trouble mental ; le cas échéant, les patients concernés pourraient faire l’objet d’une surveillance accrue.
« L’exploration de la causalité entre la COVID-19 et la schizophrénie est entravée par des facteurs intermédiaires confondants et une éventuelle causalité inverse », notent les chercheurs dans leur étude. Ils ont donc testé les effets causals potentiels de deux résultats de COVID-19 — l’infection par le SARS-CoV-2 et l’hospitalisation pour COVID-19 — sur la schizophrénie, via la randomisation mendélienne (il s’agit d’une méthode statistique qui utilise la variation mesurée des gènes pour tester ou estimer l’effet causal de l’exposition à un agent ou à un facteur de risque sur un résultat de santé).
Leur étude repose sur deux ensembles de données provenant de deux études d’association pangénomique (qui analysent les variations génétiques d’un grand nombre d’individus afin de rechercher des corrélations avec des traits phénotypiques). L’un des ensembles concernait l’infection par le SARS-CoV-2 (122 616 cas) et l’autre concernait les hospitalisations pour COVID-19 (32 519 cas) ; chaque ensemble comprenait également plus de deux millions de cas servant de témoins. Les données sur l’infection reflètent ici la sensibilité globale au virus, tandis que les hospitalisations pour COVID-19 représentent la gravité de la maladie.
« Nous avons constaté que l’hospitalisation pour COVID-19 exerce un effet causal sur la schizophrénie. Cependant, l’infection par le SRAS-CoV-2 n’a pas d’effet causal sur cette affection psychiatrique », ont conclu les chercheurs.
L’une des séquelles possibles de la COVID-19
Si l’infection virale elle-même n’augmente pas le risque de schizophrénie, l’hospitalisation pour COVID-19 (donc une forme grave de la maladie) a été associée à une augmentation de 11% du risque de schizophrénie !
Ce résultat est cohérent avec le fait que le taux de troubles mentaux a largement augmenté pendant la pandémie. Une méta-analyse sur le sujet, publiée en janvier 2021, avait en effet conclu que la prévalence de la dépression, de l’anxiété, de l’insomnie, du syndrome de stress post-traumatique et de la détresse psychologique liés à la COVID-19 était de 15,97%, 15,15%, 23,87%, 21,94% et 13,29%, respectivement.
Comme le soulignent les chercheurs, l’analyse par randomisation mendélienne effectuée ici est moins affectée par les pièges de la causalité des facteurs de confusion et de la causalité inverse que les études observationnelles conçues de manière traditionnelle. Leur étude repose, en outre, sur de très grands ensembles de données. Toutefois, l’équipe reconnaît certaines limites : ils n’ont évalué que la responsabilité génétique pour les deux maladies, sans tenir compte des effets de l’environnement — qui sont pourtant essentiels, tant pour la schizophrénie et que la COVID-19. En outre, tous les participants aux ensembles de données étaient d’origine européenne.
Malgré ces lacunes, les auteurs de l’étude estiment que la schizophrénie devrait être évaluée comme l’une des séquelles possibles de la COVID-19, ce qui signifie que la prise en charge des patients ayant été hospitalisés pour cette infection devrait inclure le diagnostic de cette affection psychiatrique. La cause de ces troubles mentaux post-COVID reste par ailleurs à éclaircir. Certains experts pensent qu’ils pourraient être dus à une inflammation persistante du cerveau, ou encore à des modifications au niveau des vaisseaux sanguins cérébraux.