Des fossiles de serpents vieux de 34 millions d’années bouleversent notre compréhension de leur évolution

Il s’agit de la première preuve de comportement social chez les reptiles.

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Les squelettes fossilisés de l'espèce de serpent Hibernophis breithaupti. | Jasmine Croghan
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Un groupe de quatre serpents fossilisés datant de 34 millions d’années et incroyablement bien conservés apporte un nouvel éclairage sur les origines et l’évolution des Boidae, le groupe englobant les pythons et les boas. Alors que la couleuvre rayée est la seule espèce de serpent moderne hibernophile, cette découverte suggère que ce type de comportement social reptilien remonte à bien plus longtemps qu’on le pensait.

Les Boidae (ou Boïdés) sont des serpents constricteurs carnivores (consommant des mammifères, des oiseaux et d’autres reptiles) regroupant un peu plus d’une cinquantaine d’espèces différentes. Ils sont principalement répartis dans les régions tropicales allant du sud du Pacifique à l’Asie du Sud-est, en passant par l’Afrique de l’Est et Madagascar.

Le nom Boidae se réfère généralement aux familles de serpents géants tels que les anacondas et les pythons. Cependant, il existe des Boidae de toutes les tailles, allant des plus petites espèces, comme les petits boas fouisseurs de moins d’un mètre aux plus grandes, pouvant mesurer plus de 8 mètres. L’évolution de ces serpents demeure incomprise en partie en raison de cette grande diversité de tailles.

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D’un autre côté, les fossiles de serpent sont rarement bien préservés, la plupart des archives incluant généralement des ensembles de vertèbres éparpillés. Il est ainsi difficile de déterminer si chaque os appartient à la même espèce, ainsi que l’ordre dans lequel ces os étaient initialement alignés. « Il y a probablement, dans les collections des musées du monde entier, près d’un million de vertèbres de serpent désarticulées. Elles sont faciles à trouver. Mais trouver le serpent entier ? C’est rare », explique dans un communiqué Michael Caldwell, du département des sciences biologiques de l’Université d’Alberta.

La nouvelle espèce découverte par Caldwell et son équipe est l’une des rares à être retrouvée entièrement articulée (c’est-à-dire avec les vertèbres raccordées et alignées dans le bon ordre). Baptisé Hibernophis breithaupti, ce taxon pourrait potentiellement fournir des indices quant aux origines évolutives des Boidae. « Nous en apprenons beaucoup plus sur l’évolution des Boidae au sens large », explique Caldwell. « Il semble que ces serpents étaient initialement de petite taille, ce qui est intéressant ».

Des conditions de fossilisation inhabituelles

Les serpents fossilisés récemment, décrits dans Zoological Journal of the Linnean Society, ont été exhumés dans la formation géologique de White River, dans la région du Wyoming à l’ouest des États-Unis. Les spécimens ont été remarquablement bien conservés en raison de leur emplacement. « Ces fossiles ont été préservés dans des conditions très inhabituelles, d’un point de vue géologique », explique Caldwell. « La fossilisation est un processus difficile. Il faut des conditions parfaitement adaptées pour préserver quelque chose », ajoute-t-il.

Le site où ils ont été fossilisés est situé au niveau d’un système volcanique très actif il y a environ 34 millions d’années. Les volcans ont rejeté d’énormes quantités de cendres qui se sont déposées dans le bassin fossilifère, au niveau duquel les serpents se sont retrouvés probablement suite à un bref épisode d’inondation. Selon les chercheurs, les fossiles étaient recouverts d’une boue fine et sableuse typique de l’ancienne activité de la formation de White River.

L’un des serpents semblait deux fois plus grand que les autres, ce qui offre l’opportunité d’observer la même espèce à différents stades de développement. Pour évaluer la croissance des serpents, on se réfère habituellement à la taille du crâne par rapport au corps. À l’instar des humains, ces proportions varient considérablement tout au long de la vie de ces reptiles. Cependant, les crânes des serpents sont fins et délicats et ne sont ainsi généralement pas suffisamment bien conservés pour en suivre les étapes de développement.

D’autre part, la taille et la forme des vertèbres du Hibernophis breithaupti diffèrent selon l’emplacement. Or, même les petits serpents précédemment archivés et possédant entre 200 et 400 vertèbres sont généralement désarticulés et dispersés avant la fossilisation. Cela soulève la question de savoir si les os antérieurement attribués à une seule espèce pourraient provenir de taxons différents, ou l’inverse.

Première preuve de comportement social chez les reptiles

La découverte la plus intéressante est probablement le fait que les quatre serpents étaient regroupés dans un hibernaculum, un espace ou une tanière où les animaux hibernent pendant les mois d’hiver. Or, les serpents sont généralement des animaux solitaires qui se regroupent rarement, même en hiver. Alors que nombreux mammifères hibernent une partie de l’année, la seule espèce de serpent connue pour hiberner en groupe est la couleuvre rayée (Thamnophis sirtalis).

couleuvre rayee
La découverte des quatre serpents anciens regroupés dans un hibernaculum suggère qu’ils se comportaient peut-être comme les couleuvres modernes, se regroupant pour se protéger pendant les mois les plus froids. © Greg Schechter via Wikimedia Commons, CC BY 2.0

« C’est vraiment inhabituel pour les reptiles. Sur les près de 15 000 espèces de reptiles différentes qui vivent aujourd’hui, aucune n’hiberne comme le fait la couleuvre rayée », indique Caldwell. Selon les experts, bien que l’hibernaculum fossilisé ne compte que quatre serpents, il s’agit de la première preuve fiable d’un comportement social chez les reptiles. En plus d’être un comportement social, il s’agit également d’un processus d’adaptation permettant de survivre aux chutes de température.

Les couleuvres rayées peuvent par exemple hiberner par centaines voire par milliers, car elles ne peuvent pas réguler leur température corporelle et doivent ainsi se serrer entre elles pour conserver la chaleur et survivre au froid de l’hiver. Leur adaptation est si bien connue que parfois des serpents solitaires et astucieux d’autres espèces (comme les crotales) s’incrustent pour bénéficier de la protection et de la chaleur du groupe.

Source : Zoological Journal of the Linnean

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