Les modèles galactiques suggèrent que, comme les autres objets cosmiques, les galaxies peuvent entrer en collision et fusionner. Il ne serait donc pas étonnant que la Voie lactée ait subi un tel événement, une hypothèse avancée depuis plusieurs dizaines d’années. En étudiant les données recueillies par la mission Gaia, des astrophysiciens ont pu confirmer que notre galaxie est bien entrer en collision avec une galaxie satellite il y a environ 10 milliards d’années.
Gaia a été lancé en 2013 par l’Agence spatiale européenne pour succéder à Hipparcos — un satellite qui a produit, en 1997, le premier catalogue haute précision d’étoiles proches. Gaia a été conçu pour effectuer des observations continues des caractéristiques visuelles et de la position de plus d’un milliard d’objets dans le ciel.
Une telle cartographie peut sembler fastidieuse, mais des mesures répétées effectuées par Gaia peuvent également être utilisées pour déterminer des distances et des vitesses précises dans le ciel pour environ 1% de toutes les étoiles de notre galaxie.
Les données de Gaia peuvent être combinées à des mesures spectroscopiques de vitesses le long de la ligne de visée de l’observateur, afin de créer des vidéos montrant les mouvements précis des étoiles. Lire ces vidéos à l’envers permet aux astronomes d’étudier comment notre galaxie a été assemblée et comment elle a évolué.
Les données précieuses de Gaia sur l’histoire tumultueuse de la Voie lactée
Helmi et ses collègues ont utilisé la deuxième publication de données de la mission Gaia, parue au début de l’année, pour analyser le mouvement des étoiles à proximité du Soleil (à une distance d’environ 10 kiloparsecs). Les auteurs ont comparé ces observations avec les prédictions de simulations dans lesquelles la Voie lactée et une galaxie satellite (faisant 20% de la masse de notre galaxie), avaient fusionné dans le passé. Les résultats ont été publié dans la revue Nature.
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Les similitudes sont frappantes, en particulier les mouvements détaillés de certaines étoiles à grande vitesse, qui gravitent autour du centre galactique dans la direction opposée au soleil. En utilisant des catalogues de données astronomiques qui fournissent les âges et les compositions chimiques des étoiles, Helmi et ses collègues ont déterminé que le halo interne de la Voie lactée — une région entourant le disque stellaire épais — est composé principalement d’étoiles de la galaxie satellite.
Ces étoiles fournissent une signature de la collision galactique qui, selon les auteurs, aurait eu lieu il y a environ dix milliards d’années. Plusieurs autres groupes de recherche travaillant avec les données Gaia ont abouti à une conclusion similaire à celle de Helmi, en utilisant d’autres méthodes analytiques ou catalogues de données.
Cependant, il existe de petites différences entre les résultats de Helmi et ceux des autres groupes, tels que la masse de la galaxie satellite au moment de la collision, et si l’événement impliquait une seule galaxie satellite ou plusieurs petites galaxies. Une conclusion sur laquelle tous les groupes sont d’accord est que l’événement pourrait avoir contribué à la formation du disque stellaire épais de la Voie Lactée.
Fusion de la Voie lactée avec une autre galaxie : un événement inscrit dans les étoiles
Si un mince disque d’étoiles entourait le centre galactique au moment de la fusion, les orbites de ces dernières auraient été perturbées. À l’origine, les étoiles auraient eu une composition chimique spécifique reflétant le jeune âge de la Voie lactée. Mais aujourd’hui, elles seraient vieilles et relativement pauvres en métaux (éléments plus lourds que l’hélium) et en orbite dans un disque épaissi. Tous les groupes de recherche ont signalé l’identification possible de ces anciennes étoiles dans les données de Gaia.
Les astronomes ont spéculé depuis plusieurs décennies sur le fait qu’une ancienne galaxie satellite avait fusionné avec la Voie lactée dans le passé, car un tel événement pourrait expliquer les différences de mouvements et de composition chimique des étoiles aux alentours du Soleil.
Par exemple, l’un des objets les plus insolites de notre galaxie est Omega Centauri, un amas globulaire stellaire si distinctif qu’il est supposé être le cœur d’une galaxie satellite qui a été perturbée et absorbée par la Voie lactée. Les chercheurs ont suggéré que certaines des étoiles trouvées dans les données de Gaia pourraient être des rescapées de cet événement.
L’obtention de la preuve que certaines étoiles sont associées à une fusion galactique a nécessité la grande précision et le grand champ d’observation de Gaia, associés à de vastes bases de données des propriétés spectrales et chimiques des étoiles. Au cours de la prochaine décennie, plusieurs observatoires internationaux mèneront des études massives sur le spectre des étoiles de la Voie lactée. Ces enquêtes fourniront de nouvelles données permettant d’identifier les caractéristiques d’un plus grand nombre d’étoiles de la galaxie satellite.
La mission de Gaia se poursuivra pendant quelques années. Avec la détection par Gaia d’un nombre encore plus grand d’étoiles provenant de la galaxie satellite, les astronomes seront plus en mesure de déterminer la masse de cette dernière et le moment de la fusion. Il pourrait même être possible de connaître l’histoire de la formation d’étoiles de la galaxie satellite avant sa collision avec la Voie lactée.
Helmi et ses collègues ont nommé la galaxie satellite Gaia–Encelade, en l’honneur de l’observatoire spatial qui a fourni les données cruciales et d’après l’un des géants de la mythologie grecque. Encelade était la progéniture de Gaia (une divinité de la mythologie grecque personnifiant la Terre) et Uranus (le ciel). Il aurait été enterré sous le mont Etna en Italie et serait responsable des tremblements de terre dans la région.
Les auteurs suggèrent qu’il s’agit d’un nom approprié, car Gaia–Encelade était un géant par rapport à d’autres galaxies satellites passées et présentes de la Voie lactée. De plus, cela a secoué notre galaxie, entraînant la formation d’un disque stellaire épais. Dans tous les cas, l’histoire de cette fusion passée réside inexorablement dans les étoiles.