C’est l’avertissement lancé par James Lovelock, dans un article qu’il vient de publier dans The Guardian. Lovelock est un scientifique et écologiste britannique indépendant, à l’origine de l’hypothèse biogéochimique (ou « hypothèse Gaïa »). Cette hypothèse controversée, établie en 1970, soutient que notre planète serait un être vivant, une sorte de superorganisme chargé d’autoréguler ses composants pour favoriser la vie. Selon Lovelock, Gaïa — du nom de la divinité grecque personnifiant la Terre — pourrait ainsi se « rebeller » contre les agissements de l’humanité, qui ont mené la Terre au bord d’une catastrophe climatique.
James Lovelock a écrit plusieurs ouvrages sur l’hypothèse Gaïa. Selon lui, notre planète serait un organisme vivant, à part entière, qui module ses composants depuis des milliards d’années, en particulier la température de surface, pour permettre à la vie de s’épanouir. Pour appuyer sa théorie, il donne l’exemple de notre atmosphère, qui selon lui, se serait régulée au cours du temps pour que la vie apparaisse sur Terre. Mais alors que se déroule la COP26 à Glasgow, il faut bien admettre que l’humanité n’a pas vraiment pris grand soin de la planète qui lui a été offerte.
« Nous entrons dans une ère de chaleur dans laquelle la température et le niveau des mers vont augmenter de décennie en décennie jusqu’à ce que le monde devienne méconnaissable », prévient le scientifique. Deux raisons principales à cela : la déforestation et les émissions croissantes de gaz à effet de serre. Mais l’erreur fondamentale commise par les gouvernements, selon Lovelock, est qu’ils abordent le réchauffement climatique et la destruction de la nature comme deux problèmes distincts, alors qu’ils sont intimement liés l’un à l’autre.
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Les organismes vivants et l’environnement sont interconnectés
Pour cet environnementaliste, cette scission est une erreur au même titre que le fait que la chimie, la biologie et la physique fassent systématiquement l’objet d’enseignements distincts : ces disciplines sont en effet profondément interconnectées, à l’instar des organismes vivants et de l’environnement mondial. « La composition de l’atmosphère terrestre et la température de la surface sont activement maintenues et régulées par la biosphère, par la vie, par ce que les anciens Grecs appelaient Gaïa », explique le scientifique.
Lorsqu’il a avancé cette théorie dans les années 1970, avec le soutien de la microbiologiste américaine Lynn Margulis, tous deux ont été vivement critiqués par la communauté scientifique, qui soutenait davantage le néodarwinisme — théorie selon laquelle seules les mutations génétiques et la sélection naturelle contribuent à l’apparition de nouvelles espèces animales ou végétales et à leur expansion ; en d’autres termes, la majorité estime que la vie s’adapte à l’environnement, et non l’inverse. Une croyance basée sur le fait que peu de gens sont conscients des forces naturelles pouvant affecter la température de la surface de la Terre, pense Lovelock.
Bien que la chaleur provenant du Soleil augmente à mesure qu’il vieillit, les températures sur Terre sont restées relativement stables grâce à Gaïa, rappelle-t-il. Les forêts, les océans et d’autres éléments du système de régulation de la Terre, ont maintenu la température de surface constante et optimale pour la vie. Mais depuis l’ère industrielle, l’usage de combustibles fossiles libère des gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane) dans l’atmosphère, qui retiennent une partie du rayonnement thermique, contribuant ainsi au réchauffement de la planète.
L’intensité de ce réchauffement climatique dépend énormément des propriétés de l’eau ajoute le spécialiste : les couches de glace, bien blanches, réfléchissent le rayonnement solaire vers l’espace et contribuent à faire baisser la température ; la vapeur d’eau, au contraire, engendre un effet de serre, qui augmente la température. Or, peu de personnes savent que d’énormes quantités de chaleur sont nécessaires pour changer l’état de l’eau — et que les fontes record des calottes glaciaires enregistrées cet été sont bel et bien une conséquence du réchauffement climatique.
La pandémie de COVID-19 comme avertissement ?
Lovelock constate que nous sommes simplement en train de vivre des scénarios qui appartenaient autrefois au domaine de la science-fiction. En dehors des événements extrêmes observés ces derniers mois (vagues de chaleur, incendies, inondations, etc.), Gaïa pourrait selon lui réserver d’autres « surprises » : « La nature est non linéaire et imprévisible, jamais autant qu’en période de transition », souligne-t-il. Sur ce principe, la pandémie de COVID-19 n’est pour lui qu’un avertissement, un signe traduisant le mécontentement de l’esprit de notre planète. « Gaïa fera plus d’efforts la prochaine fois, avec quelque chose d’encore plus méchant », avertit-il.
L’humanité peut-elle espérer s’en sortir ? Oui, à condition de mettre en place dès à présent des mesures pour réduire les risques et s’adapter à ce qui est désormais inéluctable (la montée des eaux par exemple). Lovelock recommande de mettre fin « de toute urgence » à la destruction des forêts tropicales et de trouver le moyen de régler le problème de la surpopulation. « Nous devons envisager le monde de manière globale », ajoute-t-il.
Évidemment, il soutient l’idée de réduire notre consommation de combustibles fossiles, mais contre toute attente, les énergies renouvelables ne seraient pas la meilleure alternative ; une trop grande dépendance aux énergies vertes engendrerait, selon lui, un déficit énergétique. En revanche, il estime que l’énergie nucléaire apparaît comme une solution plus efficace, ajoutant que les écologistes tendent à exagérer les dangers de cette source d’énergie.
« Apprendre à vivre en partenariat avec la Terre », c’est en résumé la condition sine qua none pour que l’humanité ait une chance de survivre ; à défaut, Gaïa pourrait bien faire « évoluer la Terre vers un nouvel état dans lequel les humains ne seront peut-être plus les bienvenus » avertit le scientifique.