Il est admis que les trous noirs se trouvent pratiquement au centre de toutes les galaxies. Mais la question concernant le moment de leur apparition reste sans réponse. Peut-on les considérer comme contemporains des premières galaxies en formation ? Récemment, des scientifiques à la recherche de trous noirs supermassifs à l’aide du télescope ALMA ont découvert l’une des galaxies les plus extrêmes de l’Univers primordial et un trou noir supermassif caché dans un nuage de poussière cosmique. Cette découverte pourrait bouleverser notre compréhension de l’univers primordial.
Les trous noirs que les astronomes contemplent jusqu’à présent appartiennent à l’un des trois types suivants : les trous noirs de masse stellaire, les trous noirs de masse intermédiaire et les trous noirs supermassifs. Chacun est plus massif que le Soleil et s’est formé au moins des centaines de milliers d’années après le Big Bang, au fur et à mesure que notre univers grandissait et évoluait.
Mais en théorie, il existe une quatrième sorte de trous noirs : les trous noirs supermassifs primordiaux. Ils se seraient formés très tôt dans la vie de l’univers, une fraction de seconde après le Big Bang, bien avant que les étoiles ou les galaxies (et d’autres types de trous noirs) puissent exister.
Cette théorie repose sur le fait qu’à cet âge très jeune, l’univers n’était pas homogène et devait comporter de facto des zones bien plus denses en matière et chaudes, pouvant donc s’effondrer en trous noirs.
Récemment, un groupe de chercheurs de l’Université du Texas a détecté l’un de ces monstres primordiaux, cachés à l’aube de l’univers. Cette découverte pourrait indiquer qu’il y avait des milliers d’autres trous noirs de ce calibre dans le cosmos primitif, contrairement à ce que pensaient les scientifiques. Ce trou noir, formé juste 750 millions d’années après le Big Bang, pourrait bouleverser notre compréhension de la formation des galaxies. L’étude est publiée dans la revue Monthly Notices of The Royal Astronomical Society.
Une source lumineuse révélatrice d’un trou noir
Alors qu’ils étudiaient les galaxies de l’univers primordial avec l’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA), les scientifiques, de l’Université du Texas, ont découvert l’une des galaxies « les plus extrêmes », selon leurs termes, jamais enregistrées pour l’univers primordial.
COS-87259 est une galaxie primitive située à environ 12,7 milliards d’années-lumière de la Terre, dans la constellation Sextans. Elle a suscité l’intérêt des scientifiques en 2021, car malgré sa distance, elle brille dans l’infrarouge moyen. Cette luminosité intense serait causée par la combinaison de la formation explosive d’étoiles et de l’activité violente d’un trou noir supermassif dans la galaxie.
Un trou noir supermassif caché
En effet, les chercheurs ont eu la surprise de découvrir un trou noir supermassif unique, un trou noir primordial. Leurs observations actuelles et futures pourraient révéler des indices sur la formation précoce de ces géants et sur « comment » les trouver.
La présence de ce trou noir au cœur de COS-87259 n’a pas été facile à séparer de la galaxie brillante, car il est obscurci par un manteau de poussière d’étoiles turbulente. De plus, il couvre une zone du ciel de moins de dix fois la taille de la pleine Lune vue de la Terre. Selon les scientifiques, cela signifie qu’il pourrait y en avoir des milliers d’autres similaires, attendant d’être découverts.
Ryan Endsley, auteur principal de l’étude et chercheur postdoctoral à l’Université du Texas à Austin, déclare dans un communiqué : « Ces résultats suggèrent que les premiers trous noirs supermassifs étaient fortement obscurcis par la poussière, peut-être en raison de l’intense activité de formation d’étoiles dans l’environnement des galaxies hôtes ».
Ainsi, selon l’équipe, COS-87259 pourrait contenir plus d’un milliard de masses solaires de poussière interstellaire, l’un des ingrédients clés de la formation des étoiles. La galaxie forme des étoiles à un rythme effréné de plus de 1000 fois le taux de formation d’étoiles dans la Voie lactée. Il y a tellement d’activité de formation d’étoiles que ce trou noir supermassif a pu se cacher à la vue de tous, et il a fallu les récepteurs très sensibles développés par l’Observatoire national de radioastronomie (NRAO) de la National Science Foundation, à ALMA, pour « voir à travers », selon les auteurs.
Un problème unique…
Pourquoi est-il unique ? Ce trou noir a été vu en train de consommer une partie de son disque d’accrétion de matière en orbite tout en crachant les restes dans un jet voyageant à une vitesse proche de celle de la lumière. Le trou noir monstre semble être à un stade intermédiaire rare de croissance, quelque part entre une galaxie poussiéreuse formant des étoiles et un énorme trou noir brillant appelé quasar.
Les scientifiques se retrouvent alors devant une contradiction : ce comportement suggère qu’il ne devrait y avoir que quelques-uns de ces objets à travers l’univers, alors que les résultats de l’étude arrivent à une autre conclusion.
Ryan Endsley, auteur principal de l’étude, a expliqué à Live Science : « Franchement, expliquer l’existence d’environ 15 quasars lumineux très anciens [de la même période que COS-87259] est un grand défi pour l’astronomie extragalactique étant donné le peu de temps qu’il y a pour développer un trou noir aussi massif depuis le Big Bang ». Il ajoute : « Si les premiers trous noirs d’un milliard de masses solaires sont des milliers de fois plus fréquents que nous ne le pensions à l’origine, cela ne fait qu’exacerber le problème ».
Alors que l’équipe ne s’attendait pas à trouver cet objet, Endsley conclut que « sa découverte fait un pas vers une bien meilleure compréhension de la façon dont des milliards de trous noirs de masse solaire ont pu se former si tôt dans l’univers ».