Notre galaxie, la Voie lactée, est entourée de plusieurs dizaines de galaxies satellites en interaction gravitationnelle avec elle. Nombre de ces satellites sont des galaxies naines aux propriétés relativement bien connues. Cependant, c’est avec surprise qu’une équipe internationale d’astrophysiciens a découvert, en analysant les données de la mission Gaia, Antlia 2, une galaxie naine tellement diffuse que les chercheurs l’ont qualifiée de « galaxie fantôme ».
La Voie lactée n’est pas le seul objet à occuper notre petit coin d’Univers. Dans un rayon de 1.4 million d’années-lumière autour de notre galaxie, une cinquantaine de galaxies satellites orbitent autour de celle-ci, ou sont simplement liées gravitationnellement à elle. Certaines de ces galaxies sont des galaxies naines, mais aucune ne ressemble à Antlia 2 (ou Ant 2).
Antlia 2 possède un tiers de la masse de la Voie lactée, avec une taille comparable à celle du Grand Nuage de Magellan (LMC), ce dernier étant également une galaxie naine satellite. Toutefois, Antlia 2 est 10’000 fois plus diffuse que le LMC. Elle se révèle en effet 100 fois plus diffuse que les galaxies classées comme ultra-diffuses, c’est-à-dire avec une densité stellaire et une luminosité extrêmement basse.
Cette caractéristique fait de Ant 2 le système connu avec la luminosité de surface la plus basse jamais détecté. « C’est le fantôme d’une galaxie » déclare Gabriel Torrealba, astrophysicien à l’Université de Cambridge. « Des objets aussi diffus que Ant 2 n’ont tout simplement jamais été observés auparavant. Notre découverte n’a été possible que grâce à la qualité des données de Gaia ».
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Gaia est une mission européenne de grande envergure, visant à étudier la position de milliards d’étoiles de la Voie lactée et au-delà. Ses mesures de haute précision ont permis aux chercheurs de suivre le mouvement de millions d’étoiles, plus particulièrement de celui d’étoiles de type RR Lyrae ; ces dernières étant fréquemment retrouvées au sein de galaxies naines. C’est ainsi qu’ils ont découvert un groupe d’étoiles lointaines en mouvement.
Suite à cette première analyse, les chercheurs ont utilisé le Télescope Anglo-Australien pour isoler et étudier 100 étoiles supplémentaires dans cette zone du ciel, après avoir filtré les étoiles de la Voie lactée situées au premier plan. Cette analyse leur a permis d’estimer la distance et la masse d’Ant 2. La découverte a été publiée sur le serveur de pré-publication arXiv.
La galaxie naine est située à 420’000 années-lumière (129 kpc) de la Voie lactée, dans la constellation d’Antlia, et est plus de 13 millions de fois plus massive que le Soleil. Toutefois, pour une galaxie, il s’agit d’une masse relativement faible. Pour comparaison, le Grand Nuage de Magellan est 1000 fois plus massif.
« L’explication la plus simple de la raison pour laquelle Ant 2 semble avoir si peu de masse aujourd’hui, est qu’elle est disloquée par les marées galactiques de la Voie lactée » déclare Sergey Koposov, astrophysicien à l’Université Carnegie-Mellon. « Ce qui reste inexpliqué, cependant, est la taille géante de l’objet. Normalement, à mesure que les galaxies perdent de la masse face aux marées de la Voie lactée, elles se contractent et ne grossissent pas ».
Une hypothèse propose qu’Ant 2 s’est formée dans une région de l’espace où la matière noire était peu dense, et à cause des processus internes tels que des explosions de supernova et des vents stellaires, le gaz s’est dispersé. Au fil du temps, des étoiles se sont formées à sa périphérie, et la galaxie naine a acquis sa taille actuelle. Mais cette explication nécessite soit des explosions très intenses, soit une dynamique de la matière noire différente que celle décrite par les modèles actuels.
« Comparée au reste de la soixantaine de satellites de la Voie lactée, Ant 2 est vraiment singulière. Nous nous demandons si cette galaxie n’est que la partie émergée d’un iceberg, et si la Voie lactée est entourée d’une importante population de galaxies naines presque invisibles, similaires à celle-ci » conclut Matthew Walker, astrophysicien à l’Université Carnegie-Mellon.