« Gels vitreux » : un nouveau type de matériaux à la fois résistants et hautement extensibles

Ils contiennent plus de 50 % de liquide, ce qui en fait de meilleurs conducteurs que le plastique ordinaire.

gel vitreux materiau resistant
Un «gel vitreux» développé dans le cadre de l'étude. | Université d'État de Caroline du Nord
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Des chercheurs ont développé un nouveau type de matériaux aussi solides et résistants que les polymères vitreux, mais aussi souples et extensibles que les gels polymères. Baptisés « gels vitreux », ils sont fabriqués à partir d’un solvant ionique permettant aux chaînes de polymères de s’écarter sans se briser. Ils contiennent en outre plus de 50 % de liquide, ce qui en fait de meilleurs conducteurs que le plastique ordinaire. Faciles à produire et pouvant s’autoréparer, ces matériaux promettent une large gamme d’applications.

Les polymères vitreux, utilisés pour la fabrication de nombreux objets du quotidien (comme les bouteilles d’eau) ou de différents appareils (comme les hublots des avions), sont rigides et extrêmement résistants, mais sont limités en matière d’extensibilité. Pour améliorer leur extensibilité, les techniques consistent généralement à utiliser des solvants pour briser les chaînes polymères, rendant ainsi le matériau plus souple et moins rigide. Ces matériaux dits « gels polymères » sont par exemple utilisés pour les lentilles de contact souples.

Les gels polymères peuvent être « gonflés » par le biais de différents solvants, tels que l’eau (hydrogels) et les liquides organiques (organogels). Cependant, bien que plus extensibles, ces gels peuvent se déchirer facilement, ce qui limite leur utilisation. Afin de surmonter ce problème, une équipe de l’Université d’État de Caroline du Nord (aux États-Unis) propose un nouveau type de matériaux baptisé « gels vitreux », combinant à la fois les propriétés d’un polymère vitreux et celles d’un gel de polymère.

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Une autoréparation complète, même après une déformation de 670 %

Pour concevoir le gel vitreux, les chercheurs ont utilisé des précurseurs liquides de polymères vitreux (dits « polymères polaires ») pour les mélanger avec un solvant ionique. « Le liquide ionique est un solvant, comme l’eau, mais il est entièrement composé d’ions », explique dans un communiqué de l’Université d’État de Caroline du Nord, Michael Dickey, auteur correspondant de la nouvelle étude — décrite dans la revue Nature.

Les liquides ioniques sont des solvants non volatils et ininflammables. Ils possèdent une stabilité électrochimique et thermique élevée, ainsi qu’un point de fusion à une température relativement basse (généralement en dessous de la température ambiante). Ils disposent aussi d’une large gamme de propriétés intéressantes, dont une certaine viscosité, biocompatibilité et conductibilité. Ces propriétés rendent ces liquides particulièrement adaptés pour les dispositifs de stockage d’énergie, les adhésifs et les capteurs à base d’ions.

Dans le cadre de la nouvelle étude, le mélange de liquide de polymères et de solvant ionique a été coulé dans un moule puis durci par le biais d’une exposition à la lumière ultraviolette. À l’instar de tous les solvants, le liquide ionique augmente le volume (ou l’espace) libre entre les chaînes de polymères, augmentant ainsi l’extensibilité du matériau. Cependant, plutôt que de séparer complètement les chaînons moléculaires, le liquide ionique les écarte tout simplement, ce qui permet au matériau d’être aussi étirable qu’un gel tout en étant aussi résistant qu’un polymère vitreux.

En effet, « les ions contenus dans le solvant sont fortement attirés par les polymères, ce qui empêche leurs chaînes de bouger. L’incapacité des chaînes à bouger est ce qui le rend vitreux », explique Dickey. Plus précisément, les ions forment des réticulations non covalentes fortes et abondantes entre les chaînes de polymères pour produire un réseau rigide, résistant et vitreux. « Le résultat final est que le matériau est dur en raison des forces d’attraction, mais il est toujours capable de s’étirer en raison de l’espacement supplémentaire », indique l’expert.

gel vitreux
Les « gels vitreux » sont aussi résistants que les polymères vitreux, mais – si on y a applique suffisamment de force – peuvent s’étirer jusqu’à cinq fois leur longueur d’origine. © Meixiang Wang/Université d’État de Caroline du Nord

Ce nouveau matériau se distingue également par le fait qu’il est à 54 % composé de liquide. Pourtant, il présente une résistance à la rupture de 42 MPa, une limite d’élasticité de 73 MPa et un module de Young (contrainte mécanique qui engendre un allongement de 100 % de la longueur initiale d’un matériau) de 1 GPa. Ces valeurs sont comparables à celles de thermoplastiques comme les polyéthylènes. Cependant, contrairement à ces derniers, le gel vitreux peut subir jusqu’à 670 % de déformation et peut s’autoréparer complètement et rapidement après un chauffage.

« Nous avons créé une classe de matériaux que nous avons appelés gels vitreux, aussi durs que les polymères vitreux, mais qui, si vous appliquez suffisamment de force, peuvent s’étirer jusqu’à cinq fois leur longueur d’origine, plutôt que de se briser », explique Dickey.

D’excellentes propriétés adhésives

Le taux de liquide du matériau suggère qu’il pourrait constituer un conducteur électrique nettement plus efficace que les plastiques ordinaires disposant de propriétés physiques comparables. Lors d’essais, les chercheurs ont constaté que le liquide ne s’évapore pas, empêchant ainsi le matériau de se dessécher.

De plus, le gel vitreux se forme par polymérisation en une seule étape (à l’aide d’un moule ou d’une imprimante 3D), contrairement à la plupart des plastiques qui, pour obtenir le produit final, exigent la création préalable du polymère puis sa transformation. Cela lui confère un avantage considérable en matière de coûts de production. Les experts ont également découvert que le matériau peut être fabriqué à partir de différentes sortes de polymères et de liquides ioniques.

Par ailleurs, le gel possède d’excellentes propriétés adhésives, ce qui est inhabituel pour un matériau doté d’une telle résistivité. Toutefois, « même si nous comprenons ce qui les rend durs et extensibles, nous ne pouvons que spéculer sur ce qui les rend si collants », précise Dickey. Néanmoins, « compte tenu du nombre de propriétés uniques qu’ils possèdent, nous sommes optimistes que ces matériaux seront utiles », conclut son collègue, Meixiang Wang, coauteur principal de l’étude.

Vidéo de présentation de l’étude :

Source : Nature

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