Actuellement, il n’existe aucun traitement spécifique contre le lupus, une maladie auto-immune potentiellement grave affectant des millions de personnes dans le monde. Pour le moment, l’on administre notamment aux patients des traitements symptomatiques qui peuvent engendrer de nombreux effets secondaires. Plusieurs études se penchent heureusement sur les possibilités de stratégies thérapeutiques curatives, intervenant par exemple dans les voies de signalisation cellulaires induites par le lupus. Dans cet élan, des chercheurs ont récemment identifié un gène responsable de la maladie par le biais de l’analyse du génome d’une patiente chez laquelle une forme grave a été diagnostiquée précocement (à 7 ans). Ce gène pourrait notamment représenter une cible thérapeutique potentielle et offre ainsi un nouvel espoir de développer de nouveaux traitements efficaces contre la maladie. Il expliquerait également pourquoi la maladie touche beaucoup plus de femmes que d’hommes.
Les mécanismes physiopathologiques régissant les maladies auto-immunes telles que le lupus constituent encore à ce jour de véritables énigmes pour les scientifiques. Si aujourd’hui l’on en cerne les symptômes et les causes en amont, le lupus comprend tellement de variations d’un individu à l’autre que diagnostiquer la maladie peut s’avérer très compliqué.
Les symptômes de la maladie vont notamment des éruptions cutanées jusqu’aux défaillances organiques, incluant le plus souvent des érythèmes, des douleurs articulaires, de la fièvre, de la fatigue, une insuffisance rénale et/ou cardiaque, etc. Ces manifestations ainsi que leur degré d’intensité varient considérablement d’un patient à l’autre et peuvent apparaître aléatoirement dans n’importe quelle partie de l’organisme. La maladie toucherait environ 5 millions de personnes dans le monde et peut être mortelle dans les cas les plus graves.
De plus, les symptômes du lupus varient chez un même patient au fil du temps, car la maladie se manifeste avec des périodes de poussées (des moments où la maladie s’aggrave) presque imprévisibles. Ces nombreuses variations compliquent alors la compréhension de la maladie, pour laquelle on ne cerne pas encore les facteurs déclencheurs. Si l’on sait que des facteurs environnementaux (carence en vitamine D, tabagisme, …) et hormonaux sont susceptibles de la déclencher, la nouvelle étude publiée dans la revue Nature est la première à véritablement démontrer une prédisposition génétique au développement de la maladie.
Chez la patiente de l’étude, prénommée Gabriela, chez laquelle un gène spécifique lié à la maladie a été identifié, des manifestations graves ont permis de diagnostiquer précocement la pathologie. À tout juste 7 ans, la patiente présentait notamment une intense fatigue, des inflammations articulaires ainsi qu’une forte hypertension artérielle liée à une fuite d’une de ses valves cardiaques. Grâce à l’analyse de son génome, des chercheurs de l’Université nationale australienne ont pu isoler le gène TLR7, responsable en temps normal de la protection contre les infections virales. Chez Gabriela, la mutation de ce gène rend son système immunitaire si sensible qu’il s’attaque aux cellules saines, en étant « suractivé ».
« C’est la première fois que des scientifiques montrent qu’une variation génétique du gène TLR7 est à l’origine d’une maladie auto-immune », explique dans un communiqué Vicki Athanasopoulos, auteure principale de l’étude et chercheuse à l’Institut de médecine de John Curtin à l’Université nationale australienne. « Cela soulève la possibilité passionnante de développer de nouveaux médicaments ciblant TLR7, révolutionnant potentiellement les traitements du lupus », suggère-t-elle.
Plus efficace pour moins d’effets secondaires
Cette découverte peut découler sur des traitements non seulement plus efficaces, mais aussi exempts des effets secondaires liés aux thérapies actuelles. Généralement, ces dernières comprennent notamment des immunosuppresseurs, qui agissent en affaiblissant le système immunitaire afin d’atténuer les symptômes du lupus. Parallèlement, bien que le lupus est plus ou moins atténué, les patients sont aussi plus vulnérables aux infections (à cause d’un système immunitaire affaibli).
Pour confirmer leur découverte, les chercheurs australiens ont modifié génétiquement des souris en introduisant la même mutation de TLR7 que chez la patiente de l’étude. Les rongeurs ont alors développé des symptômes sévères similaires à ceux de certaines maladies auto-immunes chez l’homme, dont le lupus.
Le gène TLR7 code pour la synthèse d’une protéine qui se lie à la guanosine pour déclencher l’activation des lymphocytes B. Dans la version mutée, le gène a la capacité d’être hypersensible à la guanosine, de sorte à se lier à la moindre trace de cette molécule et engendrer une réaction immunitaire excessive. Le gène mutant agit ainsi à travers une voie de signalisation cellulaire et induit une accumulation anormale de lymphocytes B.
Toutefois, il faut noter que des mutations du gène TLR7 n’ont été détectées que chez deux autres patients atteints de lupus. Cependant, « nous savons que de nombreux patients présentent des signes d’hyperactivité (similaires) dans la voie du TLR7 », explique Nan Shen, codirecteur du Centre d’immunologie personnalisée China-Australia et l’un des auteurs de l’étude. D’après l’expert, la confirmation du lien de causalité entre la mutation génétique et la maladie est une piste intéressante qui pourrait peut-être découler sur un traitement efficace. De plus, les chercheurs pensent que TLR7 pourrait aussi intervenir dans d’autres maladies auto-immunes systémiques appartenant au même groupe que le lupus, telles que la polyarthrite rhumatoïde et la dermatomyosite.
Le lupus toucherait neuf fois plus de femmes que d’hommes
Les auteurs de la nouvelle étude ont également trouvé un indice important qui pourrait expliquer pourquoi le lupus touche neuf fois plus de femmes que d’hommes. Ils ont notamment découvert le gène TLR7 muté sur le chromosome X de Gabriela, ce qui signifie que les femmes possédant un gène TLR7 hyperactif peuvent en avoir deux copies fonctionnelles, augmentant ainsi les risques de développer la maladie, contrairement aux hommes qui n’ont qu’une seule copie du gène (car ils n’ont qu’un chromosome X).