L’expression faciale si mignonne des chiots ne serait pas le fruit du hasard. Les résultats d’une nouvelle étude suggèrent que l’Homme a influencé la capacité des chiens à former certaines expressions faciales, après des milliers d’années de domestication sélective. En effet, les fibres musculaires à contraction rapide sont davantage présentes chez les humains et les chiens que chez les loups, ce qui insinue que cette évolution serait apparue après la domestication de Canis familiaris par l’humain.
« Les chiens se distinguent des autres mammifères par le lien réciproque qu’ils entretiennent avec les humains et qui se manifeste par un regard mutuel, ce que nous n’observons pas entre les humains et les autres mammifères domestiqués tels que les chevaux ou les chats », a déclaré — lors de la réunion annuelle de l’American Association for Anatomy, dans le cadre de la réunion Experimental Biology 2022 — Anne Burrows, docteure en médecine et auteure principale de l’étude. « Nos résultats préliminaires permettent de mieux comprendre le rôle des expressions faciales dans les interactions et la communication entre chiens et humains ». Il s’agit d’un lien unique et mutuel, les chiens étant même capables de ressentir nos émotions et d’y réagir.
Si les loups et les chiens sont très proches, il existe des différences faciales qui sont dues à la domestication du « meilleur ami de l’Homme ». Les scientifiques estiment que les deux espèces ont divergé d’un point de vue génétique il y a environ 33 000 ans, lorsque les humains ont commencé à domestiquer certains loups. Les chiens présentent une musculature faciale que les loups ne possèdent pas d’ordinaire, et la compréhension de la physiologie musculaire évolutive entre ces deux espèces reste incomplète.
Arborez un message climatique percutant 🌍
Les expressions faciales « rapides » chez les chiens et les humains proviennent des fibres de myosine à contraction lente
Pour en savoir plus, la nouvelle étude s’est focalisée sur l’anatomie des petits muscles utilisés pour former les expressions faciales : les muscles mimétiques. Ces muscles sont constitués de fibres de myosine à contraction lente (type I) et à contraction rapide (type II), en proportions variables suivant l’espèce considérée.
Par exemple, les muscles mimétiques de l’Homme sont dominés par des fibres de myosine à contraction rapide, lesquelles se contractent vite et se fatiguent rapidement : nous pouvons rapidement former des expressions faciales, mais pas les maintenir longtemps. Chez les chiens, cela se manifeste par le haussement d’un sourcil et des contractions musculaires courtes et puissantes liées à l’aboiement.
En évaluant la distribution des types de fibres de myosine, les chercheurs ont testé l’hypothèse selon laquelle la physiologie des muscles faciaux des chiens serait plus proche de celle des humains que de celle des loups. Pour ce faire, ils ont utilisé de précédents échantillons du muscle orbicularis oris (OOM) et du muscle zygomatique majeur (ZM) provenant d’une série de races de chiens domestiques (Canis familiaris) et de loups gris (Canis lupus).
Les échantillons ont été traités par immunohistochimie de la myosine — une méthode de localisation à partir de coupes de tissu — afin d’identifier chaque type de fibre dans les muscles OOM et ZM. Résultats : le pourcentage de fibres à contraction rapide dans les échantillons de chiens variait de 66% à 95%, tandis que celui des loups était en moyenne de 25%. Chez les chiens, le pourcentage de fibres à contraction lente n’était que de 10% en moyenne et de 29% en moyenne chez les loups. Les loups ont donc un pourcentage de fibres à contraction lente plus élevé que les chiens, ce qui leur permet des mouvements plus longs sans trop se fatiguer (ceux qu’ils utilisent pour hurler).
L’influence de l’Homme sur l’apparence du chien
En revanche, la prédominance de fibres de type II chez le chien reflète celle trouvée dans les muscles faciaux humains. « Ces différences suggèrent que le fait d’avoir des fibres musculaires rapides contribue à la capacité d’un chien à communiquer efficacement avec les gens », a ajouté Burrows. « Tout au long du processus de domestication, les humains ont pu élever des chiens de manière sélective sur la base d’expressions faciales similaires aux leurs, et au fil du temps, les muscles des chiens ont pu évoluer pour devenir plus rapides, ce qui a encore amélioré la communication entre les chiens et les humains ».
Au fil du temps, notre attrait pour une apparence faciale enfantine chez les chiens a ainsi modifié l’évolution de leur apparence. Ces caractéristiques incluent une tête assez grande par rapport à la taille du corps, de grands yeux et un petit nez. Les scientifiques ont même découvert précédemment que les chiens possèdent un muscle mimétique supplémentaire, (absent chez les loups), qui contribue à l’expression de « l’œil du chiot ».