De la glace autopropulsée inspirée des rochers de la Vallée de la Mort : une piste étonnante pour l’énergie verte du futur

Elles glissent naturellement et produisent de l'énergie sans qu'on ait besoin de les pousser.

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En s’inspirant de la manière dont les rochers de la Vallée de la Mort se déplacent, des chercheurs ont conçu une surface métallique au-dessus de laquelle la glace peut glisser sans qu’on ait besoin de la pousser. La plaque de métal est gravée de motifs spéciaux permettant à l’eau de fonte de déplacer la glace comme une fronde. Cette autopropulsion pourrait trouver des applications intéressantes, par exemple dans la production d’énergie.

La Vallée de la Mort, en Californie, est connue pour être l’un des endroits les plus secs et les plus extrêmes de la planète. Elle abrite un lac asséché, le Racetrack Playa, offrant chaque année un spectacle insolite qui a longtemps déconcerté les scientifiques. Des rochers, à peu près de la taille d’une pastèque, se déplacent seuls et laissent derrière eux de longues traces à la surface craquelée du lac. Le sol étant presque parfaitement plat et les roches ayant également une base plate, la raison de leur déplacement demeurait, jusqu’à récemment, mystérieuse.

Ce n’est qu’en 2014 que des scientifiques ont identifié le processus physique à l’origine du phénomène : un effet combiné du sol dur, de la pluie, de la glace et du vent. Le lac s’humidifie saisonnièrement avec les eaux de pluie et la dureté du sol empêche l’eau de s’infiltrer. Celle-ci gèle alors lorsque les températures du désert passent sous zéro. Puis, lorsqu’elle commence à fondre, les plaques de glace qui se forment se déplacent sous l’effet du vent, permettant ainsi aux rochers de dériver à la surface.

L’équipe de la Virginia Tech s’est inspirée de ce phénomène et d’un processus physique appelé « effet Leidenfrost » pour créer une surface capable de propulser la glace sans besoin de vent. Les résultats de leurs recherches – détaillés dans la revue ACS Applied Materials & Interfaces – pourraient avoir de multiples applications allant des techniques de dégivrage rapide à la production d’électricité, en passant par les surfaces autonettoyantes.

Des canaux directionnels boostant l’autopropulsion

L’effet Leidenfrost se produit lorsqu’une gouttelette ou un solide en sublimation se dépose sur une surface surchauffée et « lévite » au-dessus de la couche de vapeur issue de son évaporation. Des expériences ont montré qu’un phénomène inverse peut se produire, notamment lorsqu’une gouttelette à température ambiante est placée au-dessus d’un bain cryogénique. Cela engendre un coussin de vapeur similaire à celui observé sur des surfaces chauffées, permettant au liquide ou au solide de flotter.

De précédentes études ont démontré que les gouttelettes de Leidenfrost ou des blocs de glace sèche peuvent s’autopropulser à la surface de structures asymétriques en dents de scie. « Dans le prolongement de ces oscillations liquide-vapeur ou solide-vapeur, nous étudions ici l’autopropulsion solide-liquide des disques de glace en fusion », expliquent les chercheurs dans leur étude.

Le dispositif conçu par l’équipe consiste en une plaque en aluminium gravée de rainures asymétriques en forme de V, permettant à l’eau de fonte de la glace de s’écouler dans une seule direction. Les chercheurs ont congelé de petits disques de glace dans des boîtes de Pétri, qu’ils ont ensuite placés à la surface de la plaque. L’eau a formé une flaque en dessous à mesure que la glace fondait, mais celle-ci restait encore collée à la surface après quelques secondes de fonte. Au bout d’une minute, la glace a commencé à glisser comme propulsée par une force invisible.

L’eau de fonte canalisée par les rainures permettait aux disques d’avancer à mesure qu’ils fondaient. « Ce flux directionnel d’eau de fonte a entraîné le disque de glace avec lui », explique dans un communiqué de Virginia Tech Jack Tapocik, l’auteur principal de l’étude. « Une bonne analogie est celle du tubing sur une rivière [un loisir qui consiste à descendre une rivière à bord d’une bouée gonflable], sauf qu’ici, ce sont les canaux directionnels qui provoquent l’écoulement plutôt que la gravité », ajoute-t-il.

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Aperçu des disques de glace autopropulsés sur la plaque métallique à motifs gravés en V. © Jack T. Tapocik et al.

Un « effet fronde » pouvant être exploité pour produire de l’électricité

Dans une autre expérience, l’équipe a tenté de reproduire l’effet en imbibant la surface en aluminium d’un spray hydrofuge. S’ils s’attendaient à voir la vitesse de propulsion des disques de glace immédiatement amplifiée, les chercheurs ont été surpris de constater l’effet inverse. Plutôt que de glisser plus facilement, la glace a davantage adhéré à la surface avant de s’autopropulser brusquement, comme si elle avait été projetée par une fronde.

« Sur une surface imperméable, l’excès d’eau de fonte au-dessus des canaux est très facilement expulsé », explique Jonathan Boreyko, coauteur de l’étude. « Le disque de glace adhère alors aux crêtes de la surface. L’eau de fonte continue de s’écouler le long des canaux, mais la glace ne peut plus la suivre. L’astuce est que, lorsque l’eau de fonte s’écoule au-delà du bord avant du disque de glace, elle crée une flaque. La présence d’une flaque plate d’un côté de la glace crée un déséquilibre de tension superficielle, ce qui déloge la glace et la fait jaillir à la surface. »

L’équipe suggère que l’énergie générée par cette autopropulsion pourrait être récupérée pour être convertie en électricité. Si les motifs de surface étaient, par exemple, disposés en cercle plutôt qu’en ligne droite, la glace glisserait de manière continue, ce qui pourrait permettre de produire une énergie exploitable. « Imaginez maintenant que vous placiez des aimants sur la glace, plutôt que des rochers [comme ceux de la Vallée de la Mort]. Ces aimants tourneraient également, ce qui pourrait servir à produire de l’électricité », conclut Boreyko.

Source : ACS Applied Materials & Interfaces
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