Plusieurs vaccins doivent être stockés à des températures extrêmement froides, et la glace carbonique est la solution idéale pour maintenir des températures basses pendant une période prolongée. La glace carbonique est la forme solide du dioxyde de carbone (CO2) et est couramment utilisée dans les domaines de la recherche scientifique pour permettre un refroidissement rapide des matériaux. Avec une température de -78 °C en sortie de production, elle permet d’apporter un refroidissement rapide et stable pendant plusieurs jours. C’est la solution qui a été retenue pour stocker et expédier à travers le monde les vaccins anti-COVID-19 de Pfizer.
La glace carbonique est généralement fabriquée à partir des sous-produits de dioxyde de carbone issus de procédés industriels, tels que le raffinage du pétrole, la production d’éthanol et parfois même la production d’alcool. Les installations capturent l’excès de gaz carbonique de ces usines avant qu’il ne soit rejeté dans l’atmosphère et le convertissent en forme liquide.
Le dioxyde de carbone ne peut rester longtemps sous forme liquide. Pour transformer le liquide en glace, il est placé dans une chambre dépressurisée. Alors que le liquide commence naturellement à se convertir à l’état gazeux, l’expansion des molécules liquides dans l’air entraîne une diminution rapide de la température, provoquant le gel du gaz.
La glace carbonique a été utilisée à partir des années 1920 pour conserver les aliments congelés en lieu et place de congélateurs, qui n’ont été inventés que dans les années 1940. Elle était également utilisée pour fabriquer des sodas pétillants. La glace carbonique a aussi été utilisée dans les extincteurs pour étouffer l’oxygène qui alimente les feux, bien que ceux-ci ne soient pas aussi répandus que les extincteurs à mousse chimique, qui ne constituent pas de risque de gelure. Des gants cryogéniques doivent être portés lors de la manipulation directe de la glace carbonique, qui peut provoquer des brûlures de congélation en quelques secondes seulement.
Atteindre -70 °C grâce à la glace carbonique
La glace carbonique, relativement facile à fabriquer, est plus rentable que les méthodes de refroidissement alternatives pour transporter et conserver certains vaccins. Si la plupart des vaccins ont simplement besoin d’être conservés à des températures comprises entre 2 et 8 °C, d’autres nécessitent des températures bien plus basses. C’est par exemple le cas du vaccin anti-COVID-19 de Pfizer, qui requiert une conservation à – 70 °C.
Cette valeur exceptionnellement basse ne peut être efficacement atteinte qu’avec la glace carbonique. Pour maintenir le vaccin à cette température, l’entreprise Pfizer a utilisé les grands moyens : des conteneurs spécifiques (de la taille d’une petite valise) pouvant contenir jusqu’à 5000 doses de vaccins et refroidis en interne par 25 kg de glace carbonique. Cette dernière possède une température de -78 °C lorsqu’elle est produite, et maintient cette température entre 3 et 5 jours selon les conditions.
Malgré une relative stabilité, la glace carbonique est souvent renouvelée lorsque les périodes de transport et stockage s’enchaînent ou sont longues. Les unités réfrigérantes mobiles utilisant la glace carbonique comme milieu de conservation des vaccins possèdent ainsi généralement un système de renouvellement toutes les 36h, permettant de s’assurer que la même quantité de glace carbonique est maintenue tout au long des opérations.
Pourquoi une température aussi basse ?
La plupart des vaccins ne montrent pas le besoin d’être stockés à si basse température. Cette obligation, dans le cas du vaccin de Pfizer, tient à sa composition. Il s’agit d’un vaccin à ARNm, et l’ARNm est un composant extrêmement fragile ; il se dénature très facilement lorsque les conditions environnementales ne sont pas adéquates.
Pour contourner ce problème, les chercheurs ont d’abord modifié les nucléosides (les bases de l’ARN) afin de rendre ceux-ci plus stables. Ensuite, le matériel génétique a été encapsulé dans une nanoparticule lipidique dans le but de lui conférer une protection supplémentaire contre les variations de température. Cependant, même encapsulé ainsi, l’ARNm reste relativement fragile et sensible aux conditions physiques.
Afin de ne pas prendre de risques, Pfizer a donc directement utilisé la glace carbonique comme moyen principal de conservation de son vaccin. En effet, à -70 °C, les enzymes et réactions biochimiques qui pourraient détériorer l’ARNm sont extrêmement ralenties, voire inhibées pour certaines d’entre elles. Bien que le vaccin anti-COVID-19 de Moderna soit lui aussi un vaccin à ARNm, il ne nécessite pas de température aussi basse (le laboratoire a expliqué que cela était en partie dû à la structure de la nanoparticule lipidique utilisée).