Google vient de signer un nouvel accord avec Commonwealth Fusion Systems (CFS) qui lui permettra d’acheter 200 mégawatts d’électricité fournie par la première centrale commerciale de la start-up. Baptisée ARC, la centrale sera construite en Virginie et bénéficiera du deuxième accord de financement que la multinationale octroie à CFS. Ce nouveau cycle d’investissement devrait accélérer les travaux de recherche et développement en vue d’une mise à l’échelle commerciale de l’énergie de fusion.
À l’instar d’autres hyperscalers (des entreprises fournissant des services de cloud computing à grande échelle), Google cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement énergétique. Les centres de données qui soutiennent l’IA et les services cloud consomment en effet des quantités considérables d’électricité, générant depuis quelques années une nouvelle vague de demande énergétique. Selon certaines estimations, ces besoins pourraient doubler avant la fin de la décennie, en raison du potentiel important du secteur.
Pour répondre à ses besoins croissants tout en respectant les objectifs mondiaux de décarbonation, Google investit massivement dans les énergies renouvelables. « Pour alimenter tout cela, nous savons que nous allons devoir faire de gros paris dans cette prochaine frontière de l’innovation énergétique », explique Michael Terrell, responsable de l’énergie avancée chez Google, à TechCrunch.
À court terme, l’entreprise mise sur l’énergie solaire, l’éolien et les batteries. Depuis 2010, elle a ainsi acheté 22 gigawatts d’électricité issue de ces sources, dont 8 gigawatts pour la seule année 2024, doublant ainsi ses achats en un an. Ces investissements ont permis de réduire de 12 % les émissions de carbone de ses centres de données.
Google participe également à la maturation de nouvelles technologies renouvelables. À moyen terme, elle prévoit de recourir à la géothermie, en soutenant par exemple la start-up Fervo Energy. Elle compte également sur l’énergie nucléaire fournie par de petits réacteurs modulables, dans le cadre d’un accord avec Kairos Power.
Cependant, pour accompagner sa croissance, l’entreprise affirme avoir besoin de sources capables d’alimenter ses futurs centres de données en continu, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Elle mise pour cela sur la fusion nucléaire comme investissement de long terme. « Nous ajoutons la fusion à notre portefeuille en raison de son potentiel transformateur pour fournir une énergie abondante et durable à la planète », explique Terrell dans un billet de blog. « Notre nouveau partenariat avec CFS marque une étape importante dans cette aventure », ajoute-t-il.
Une réduction globale des coûts énergétiques
La fusion nucléaire reproduit le même processus qui alimente les étoiles. Pour y parvenir, les chercheurs portent des noyaux atomiques légers à des températures extrêmement élevées (plus de 100 millions de degrés Celsius) afin de les transformer en plasma. Ce dernier est contrôlé et confiné par de puissants aimants supraconducteurs pour créer les conditions nécessaires à la fusion. Puis, une fois le plasma suffisamment dense, les noyaux fusionnent et libèrent de grandes quantités d’énergie qui peuvent être converties en électricité.
Cette technologie offrirait une énergie quasi illimitée et décarbonée, tout en étant intrinsèquement sûre. Contrairement aux sources conventionnelles d’énergie renouvelable, elle ne dépend pas des conditions météorologiques. Elle apparaît ainsi particulièrement adaptée aux régions comme le sud-est des États-Unis ou plusieurs pays d’Asie-Pacifique, où la couverture nuageuse ou la fragmentation des réseaux électriques compliquent le déploiement des renouvelables classiques.
Il est possible de construire plus de parcs éoliens et solaires pour compenser ces limites, mais cette stratégie deviendrait rapidement trop coûteuse. Selon Terrell, « [Les technologies comme la fusion nucléaire] réduisent réellement le coût de l’obtention d’une forte pénétration de l’énergie sans carbone. Si vous disposez de ces technologies propres et fiables – même si elles sont plus coûteuses par mégawattheure –, si vous les intégrez à votre portefeuille, cela réduit réellement le coût global de votre portefeuille. »
Un premier accord d’achat pour 200 MW d’énergie
Google avait déjà investi une première fois dans CFS en 2021 pour soutenir le développement de son réacteur de démonstration SPARC. Actuellement en cours d’assemblage dans le Massachusetts, l’installation pourrait être opérationnelle dès 2026. Le deuxième cycle de financement accordé par Google vise la construction du réacteur commercial ARC, près de Richmond, en Virginie. Google a également conclu un premier accord d’achat pour 200 mégawatts d’électricité, soit la moitié de la capacité prévue de la centrale.
Pour être commercialement viable, la fusion devra toutefois atteindre une production nette d’énergie (« énergie nette positive » ou « Q > 1 »). Aucune entreprise privée n’a encore franchi ce seuil. Néanmoins, « nous espérons que notre accord d’achat pour l’ARC de CFS donnera un nouvel élan à ces efforts, et dans le cadre de cet accord, nous offrons la possibilité d’acheter l’électricité des futures centrales », indique Terrell dans le billet de blog.
De son côté, Bob Mumgaard, cofondateur et PDG de CFS, affirme que la start-up sera en mesure de fournir de l’énergie de fusion à Google en moins d’une décennie, rapporte TechCrunch. Une fois cette première commercialisation réalisée, la demande devrait fortement augmenter. Cet accord avec Google constitue d’ailleurs la deuxième fois qu’une grande entreprise accepte d’acheter de l’électricité issue d’un projet de fusion nucléaire : le premier avait été signé en 2023 par Microsoft, qui vise à acheter la production de ce qui serait la première centrale à fusion commerciale d’Helion.