Des analyses génomiques récentes mettent en lumière une période critique de l’histoire humaine, où nos ancêtres ont failli disparaître. Il y a environ 900 000 ans, la population humaine aurait chuté drastiquement, réduisant le nombre d’individus reproducteurs à un niveau alarmant. Ces résultats, corroborés par plusieurs études, suggèrent que des événements climatiques sévères pourraient avoir été à l’origine de cette réduction. Cette découverte soulève de nouvelles questions sur la survie et l’adaptabilité de nos prédécesseurs face à des défis environnementaux majeurs.
L’histoire de l’humanité est parsemée de mystères et de découvertes qui façonnent notre compréhension de l’évolution. Parmi ces énigmes, une période cruciale, survenue il y a environ 900 000 ans, retient aujourd’hui l’attention des chercheurs. Selon des études génomiques récentes, nos ancêtres ont connu une chute drastique de leur population, frôlant l’extinction.
Cette révélation, issue de l’analyse de milliers d’individus actuels, nous plonge dans une époque où les défis climatiques ont mis à rude épreuve la résilience de nos prédécesseurs. En plus de bouleverser notre compréhension de l’histoire humaine, elle soulève des questions sur les défis environnementaux de l’époque et leur impact sur notre évolution. Les travaux de Wangjie Hu, de l’Académie chinoise des sciences, et ses collègues, sont disponibles dans la revue Science.
Un mystère ancestral révélé
Les chercheurs ont mené une analyse génomique basée sur plus de 3000 individus actuels. En séquençant cet ADN, ils ont pu lire l’ordre des bases génétiques et identifier des variations spécifiques. Ces variations révèlent des informations sur la taille et la diversité de la population à différents moments de l’histoire.
Concrètement, l’équipe a développé une nouvelle méthode, appelée processus de coalescence rapide en temps infinitésimal (FitCoal), pour contourner l’accumulation d’erreurs numériques généralement associées à la tentative de démêler les événements passés. Ils ont utilisé FitCoal pour analyser les données génomiques de 3154 personnes du monde entier, issues de 10 populations africaines et 40 non africaines, en examinant comment les lignées génétiques ont divergé au fil du temps.
En examinant ces variations, les chercheurs ont découvert une période (il y a environ 930 000 à 813 000 ans) où la diversité génétique était extrêmement faible (une perte de diversité allant jusqu’à 65,85%), suggérant une chute drastique de la population humaine. Il s’agit d’un déclin démographique époustouflant de 98,7% qui a duré 117 000 ans. Cette période, où nos ancêtres n’étaient représentés que par environ 1280 individus reproducteurs, a été mise en évidence par une réduction marquée de la variabilité génétique. Pour interpréter ces résultats, les chercheurs ont combiné leurs découvertes génétiques avec des données fossiles et climatiques, offrant un aperçu unique de cette période critique de l’histoire humaine.
Les caprices du climat
Qu’est-ce qui a pu provoquer la chute de la population ? Les réponses ne se trouvent pas dans les données génétiques, mais les scientifiques savent que la période évoquée, il y a environ 900 000 ans, correspond à une ère de bouleversements climatiques significatifs, la transition du Pléistocène moyen.
Durant cette ère, la Terre a connu des conditions climatiques particulièrement rudes, caractérisées par des températures glaciales et des périodes de sécheresse prolongées. Ces conditions ont été particulièrement marquées en Afrique et en Eurasie, régions clés pour l’évolution humaine. Ces changements climatiques drastiques ont probablement perturbé les ressources alimentaires, l’accès à l’eau et les habitats, rendant la survie de nos ancêtres particulièrement difficile.
Cette combinaison de facteurs a conduit à ce que l’on appelle un « goulot d’étranglement » évolutif, où la diversité génétique d’une population est fortement réduite en raison d’événements catastrophiques ou de changements environnementaux. Dans le cas de nos ancêtres, ces défis climatiques auraient réduit considérablement leur nombre, les plaçant dangereusement près du seuil d’extinction.
Des conséquences évolutives
Face à des conditions extrêmes, les espèces sont souvent poussées à s’adapter rapidement pour survivre. Dans le contexte de nos ancêtres, cette adaptation a pris la forme d’une évolution majeure. Malgré la réduction drastique de leur population, la pression environnementale et la nécessité de survie ont potentiellement accéléré des mutations génétiques et des adaptations comportementales. C’est dans ce contexte que l’Homo heidelbergensis aurait émergé.
L’Homo heidelbergensis occupe une place centrale dans l’arbre généalogique humain. Certains scientifiques estiment qu’il s’agit de l’ancêtre commun non seulement des Homo sapiens, mais aussi des néandertaliens et des Dénisoviens, deux autres branches importantes de la famille humaine. Si cette théorie est correcte, cela signifie qu’Homo heidelbergensis a joué un rôle pivot dans l’évolution humaine, servant de pont entre différentes espèces et sous-espèces.
Le fait qu’Homo sapiens, notre propre espèce, soit apparu environ 300 000 ans après l’émergence présumée d’Homo heidelbergensis, renforce cette hypothèse, qui reste à confirmer par des données archéologiques. Cela suggère que les défis environnementaux et les pressions évolutives ont non seulement façonné l’émergence de nouvelles espèces, mais ont également tracé la voie de notre propre évolution en tant qu’Homo sapiens. En d’autres termes, les défis du passé ont directement influencé le cours de notre histoire évolutive, menant à l’émergence de l’espèce humaine telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Des questions demeurent
La notion d’un goulot d’étranglement dans l’évolution humaine (s’il est confirmé) ouvre un champ d’interrogations sur les conditions de vie et les stratégies de survie de nos ancêtres. Où ces individus vivaient-ils ? Comment ont-ils survécu à ces changements climatiques drastiques ?
La maîtrise du feu a marqué un tournant dans l’évolution humaine. Elle offrait non seulement une source de chaleur face aux rigueurs climatiques, mais aussi un moyen de cuisiner, rendant la nourriture plus sûre. Cela a probablement amélioré la santé et augmenté le taux de survie.
Parallèlement, un climat plus clément, avec des températures plus douces et des saisons de pluie régulières aurait favorisé la prolifération de la faune et de la flore, sources essentielles de nourriture. Ces deux facteurs combinés, la maîtrise du feu et un environnement plus hospitalier pourraient expliquer l’augmentation notable de la population humaine il y a environ 813 000 ans.
Haipeng Li, co-auteur de l’étude, conclut dans un communiqué : « Ces résultats ne sont qu’un début. Les objectifs futurs de cette recherche visent à dresser un tableau plus complet de l’évolution humaine au cours de cette période de transition du Pléistocène inférieur au Pléistocène moyen, qui à son tour continuera à percer le mystère de l’ascendance et de l’évolution humaines précoces ».