La DARPA, la branche de recherche et développement du département de la Défense des États-Unis, ont engagé des scientifiques pour qu’ils tentent de lire instantanément l’esprit des soldats en utilisant des outils tels que le génie génétique du cerveau humain, la nanotechnologie et les faisceaux infrarouges. Le but du gouvernement américain ? Créer des armes contrôlées par la pensée, comme par exemple des essaims de drones contrôlés à distance par la pensée d’un seul et unique individu, ou encore la possibilité de transférer des images d’un cerveau à l’autre (ou d’un cerveau vers une machine, et vice-versa) par la pensée.
La DARPA, de l’anglais Defense Advanced Research Projects Agency, soit Agence pour les projets de recherche avancée de défense, est une agence du département de la Défense des États-Unis, chargée de la recherche et développement de nouvelles technologies destinées à un usage militaire.
Jusqu’à présent, la DARPA a été à l’origine du développement de nombreuses technologies qui ont eu des conséquences considérables à travers le monde entier, dont les réseaux informatiques (notamment l’ARPANET qui a « fini par devenir » Internet) et le NLS (sigle représentant, en anglais, l’expression « oN-Line System ». En français, littéralement, « système en ligne ») qui a été à la fois le premier système hypertexte et un précurseur important des interfaces graphiques devenues omniprésentes de nos jours.
Mais cette semaine, la DARPA a annoncé qu’elle recevrait un financement dans le cadre d’un programme de neurotechnologie non chirurgicale de nouvelle génération (appelé N3). Les scientifiques participant au programme sont chargés de développer une technologie offrant un canal à double sens pour une communication rapide et homogène entre le cerveau humain et les machines, et ce, sans intervention chirurgicale.
« Il y a cette latence… si je veux communiquer avec une machine, mon cerveau doit dans un premier temps envoyer un signal pour faire bouger mes doigts ou ma bouche, si je veux effectuer une commande vocale, et cela limite considérablement la vitesse à laquelle je peux interagir avec un système cybernétique ou un système physique. Nous souhaitons améliorer cette vitesse d’interaction », a déclaré Jacob Robinson, professeur adjoint en bio-ingénierie à la Rice University, qui dirige l’une des équipes. Selon ce dernier, « ce type de technologie pourrait avoir des applications dans les deux secteurs, militaire et civil ».
Un pas en avant vers le contrôle par voie cérébrale
Bien qu’il y ait eu des avancées technologiques par rapport à notre capacité à lire et même à écrire des informations dans le cerveau, ces progrès ont généralement impliqué l’utilisation d’implants cérébraux chez les patients, permettant aux médecins de surveiller certaines maladies, comme par exemple l’épilepsie.
À savoir que la chirurgie du cerveau est bien trop risquée pour justifier des essais sur des personnes en bonne santé, et certaines approches externes actuelles de surveillance du cerveau, telles que l’EEG (électroencéphalographie ; au cours de laquelle des électrodes sont fixées directement sur le cuir chevelu) sont encore trop imprécises pour être véritablement utiles dans le cadre de ce genre de technologie.
De ce fait, la DARPA souhaite effectuer une percée dans le domaine des interfaces cerveau-ordinateur (appelées BCI, de l’anglais brain-computer inferfaces) non ou peu invasives.
« L’agence souhaite créer des systèmes pouvant lire et écrire à 16 emplacements indépendants, dans un morceau de cerveau de la teille d’un petit pois, et avec un décalage temporel ne dépassant pas les 50 millisecondes. Et ce, dans les 4 ans à venir », explique Robinson, tout en ajoutant être conscient que cela représente un défi non négligeable pour tous les scientifiques travaillant sur ce projet.
« Lorsque vous essayez de capturer l’activité du cerveau à travers le crâne, il est difficile de savoir d’où est-ce que le signal provient et quand et où les signaux sont générés. Donc ici, le grand défi est le suivant ; peut-on repousser les limites absolues de notre résolution, dans l’espace et le temps ? », a-t-il ajouté.
Allons-nous vers un ajustement génétique des cerveaux humains ?
Afin d’y parvenir, l’équipe de recherche de Robinson envisage d’utiliser du matériel génétique modifié dans des cellules (connus sous le nom de vecteurs viraux), pour insérer de l’ADN dans des neurones spécifiques. Les chercheurs prévoient également d’utiliser deux protéines pour ce faire.
Les chercheurs utiliseraient une protéine spécifique dans un premier temps, qui permet d’absorber la lumière lors de l’activation d’un neurone (ce qui permet ensuite de détecter l’activité neuronale). Puis, un casque externe enverrait un faisceau de lumière pouvant traverser le crâne et pénétrer dans le cerveau. Les détecteurs attachés au casque pourraient alors capturer le signal minuscule émis par les tissus cérébraux et permettrait de créer une véritable image du cerveau.
Grâce à la protéine mentionnée ci-dessus, les zones ciblées apparaîtront plus sombres (vu que cette dernière absorbe la lumière) lorsque les neurones sont actifs, générant ainsi une lecture de l’activité du cerveau qui pourrait être utilisée pour définir ce que la personne voit, entends, ou essaye de faire.
La deuxième protéine que les chercheurs prévoient d’utiliser, « s’attache » à des nanoparticules magnétiques afin que les neurones puissent être magnétiquement stimulés pour se déclencher lorsque le casque génère un champ magnétique. Selon les chercheurs, cela pourrait être utilisé pour stimuler les neurones afin d’induire une image ou un son dans l’esprit d’une personne. L’équipe de recherche prévoit d’utiliser ce système dans l’espoir de prouver ce concept, et souhaite transmettre des images du cerveau d’un patient à un autre.
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Un autre groupe de scientifiques, provenant de l’Institut Battelle de recherche à but non lucratif, souhaite relever un défi plus ambitieux. Les chercheurs souhaitent que les êtres humains puissent être en mesure de contrôler plusieurs drones en même temps et ce, uniquement par la pensée.
« Les joysticks et autres curseurs informatiques sont plus ou moins des dispositifs à sens unique. Mais maintenant, nous pensons à une personne qui contrôle des drones multiples ; et ce serait dans les deux sens, donc si le drone se déplace sur la gauche, vous recevez un signal directement dans le cerveau vous indiquant que le drone se déplace effectivement sur la gauche », a déclaré Gaurav Sharma, qui dirige l’équipe de recherche.
La technologie de l’équipe repose sur des nanoparticules spécialement conçues avec des noyaux magnétiques et des coques externes piézoélectriques (soit la propriété que possèdent certains corps leur permettant se polariser électriquement sous l’action d’une contrainte mécanique, et réciproquement de se déformer lorsqu’on leur applique un champ électrique), ce qui signifie que les coques peuvent convertir l’énergie mécanique en énergie électrique et inversement. Les particules seront injectées ou administrées par voie nasale et des champs magnétiques les guideront vers des neurones spécifiques.
Lorsqu’un casque spécialement conçu applique un champ magnétique au neurone ciblé, le noyau magnétique se déplace et exerce une contrainte sur la coque externe pour générer des impulsions électriques, qui déclenchent ainsi l’activation du neurone. À noter que le processus fonctionne également en sens inverse, avec les impulsions électriques d’activation des neurones converties en champs magnétiques minuscules, pris en charge par des capteurs dans le casque.
« Traduire ce processus en contrôle de drône via l’esprit ne sera pas facile », a admis Sharma. Mais le scientifique ne se décourage pas : « Le cerveau est la dernière frontière dans le domaine de la science médicale. Nous en comprenons si peu… Ce qui rend très excitant les recherches dans ce domaine ! », a-t-il ajouté.
Et vous, qu’en pensez-vous ?