La sonde Cassini arrive gentiment au terme de sa mission, après de nombreuses années de bons et loyaux services. La sonde n’aura bientôt plus de carburant, et comme la NASA ne souhaite pas risquer qu’elle puisse s’écraser (et contaminer) les lunes glacées de Saturne, l’agence spatiale l’a tout simplement propulsée vers la planète, la menant définitivement à sa perte.
Samedi dernier, la sonde Cassini s’est approchée une dernière fois de la plus grande lune de Saturne, Titan, avant d’entamer son dernier voyage la menant vers Saturne, comme jamais aucune sonde ne l’a fait auparavant. La nouvelle orbite de Cassini la conduira à une mort spectaculaire, prévue pour le mois de septembre 2017. « C’est un tour de montagnes russes », explique Earl Maize durant une conférence de presse datant du 4 avril 2017, un ingénieur du Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la NASA qui gère la mission Cassini. « Nous entrons pour ne plus en ressortir – c’est un voyage à sens unique », ajoute-t-il.
Mais avant que la sonde n’achève son voyage dans quelques mois, elle pourra encore photographier les aurores des pôles de Saturne, mesurer à quel point les anneaux de la planète sont massifs, analyser la matière glacée dont ils sont composés, et récolter des données quant à ce qui se trouve profondément au-dessous des nuages épais de la planète. De plus, Cassini pourra prendre des mesures magnétiques et gravitationnelles qui pourront aider à répondre à certaines questions concernant la structure interne de Saturne, y compris la taille de son noyau rocheux ainsi qu’à la vitesse à laquelle la coquille d’hydrogène métallique tourne autour de ce dernier. « C’est le feu de gloire de Cassini. La sonde fera de la science jusqu’au dernier moment », a déclaré Linda Spilker, une scientifique planétaire du projet Cassini, du JPL de la NASA.
Lancé en 1997, le vaisseau spatial Cassini a passé sept ans dans l’espace pour atteindre Saturne et s’est finalement placé en orbite de la planète en juillet 2004. Depuis, la sonde a consommé le carburant de son réservoir, et la NASA craint que celle-ci puisse un jour s’écraser sur une lune gelée telle qu’Encelade, qui dissimule un océan sous sa croûte glacée : un tel impact pourrait contaminer la lune. C’est donc lorsque Cassini a découvert l’océan d’Encelade, que les scientifiques de la NASA ont décidé de mettre fin manuellement à la mission Cassini, lors d’une dernière manœuvre appelée « Grand Finale », qui exploitera les dernières réserves de carburant de la sonde afin qu’elle puisse entrer en collision avec Saturne.
Cette véritable spirale de la mort a débuté avec le survol final de la lune géante de Saturne, Titan.
Cassini a photographié ce monde gelé une toute dernière fois, avant que la gravité de la lune ne change le chemin de la sonde dans l’espace :
« Vous pouvez penser à Titan comme étant un réservoir géant de carburant supplémentaire pour Cassini », a déclaré Spilker. « En utilisant sa gravité, on peut façonner l’orbite de Cassini », ajoute-t-elle. Cette orbite mènera donc la sonde au-dessus du pôle nord de Saturne et offrira au vaisseau spatial un regard neuf sur la tempête hexagonale s’y situant, qui fait environ deux fois la taille de la Terre.
Spilker explique qu’un événement important se produira lorsque Cassini plongera dans un espace situé entre l’atmosphère de Saturne et son anneau D. La sonde y passera à une vitesse d’environ 76’000 km/h (soit 21’111 m/s). L’écart fait environ 1900 kilomètres de large, (ou à peu près la distance entre le nord de Washington jusqu’au sud de la Californie – comme illustré sur l’image ci-dessous). Cela peut sembler spacieux, mais à l’échelle cosmique, c’est vraiment minuscule.
À l’heure actuelle, personne ne sait vraiment combien de particules de l’anneau peuvent se trouver là, ou à quel point elles sont grandes. Heureusement, la NASA a découvert un moyen de protéger la sonde Cassini des débris potentiellement dangereux, en utilisant le plat du gain de l’antenne (la pièce généralement utilisée pour communiquer avec la Terre).
« Lors du survol le plus proche, nous orienterons l’antenne vers le bas, afin de l’utiliser comme un bouclier géant, dans le but de protéger les instruments de la sonde », explique Spilker. À ce moment-là, si de minuscules particules frappent Cassini, ses instruments pourront enregistrer les chocs. Ensuite, les scientifiques pourront les « réécouter » pour déterminer leur ampleur et leur nombre. « C’est comme si la grêle frappait un toit en étain », explique Spilker.
La collecte de ces données pourrait aider à confirmer l’âge des anneaux, qui sont censés avoir environ 4,4 milliards d’années. Cassini pourrait également analyser les particules de ces derniers, afin de déterminer leur composition réelle. Les scientifiques pensent qu’ils sont probablement composés de glace à 99%, mais le 1% restant demeure un mystère.
L’un des objectifs de cette mission suicidaire pour la sonde Cassini, est donc de résoudre autant de mystères que possible concernant Saturne. De plus, les vues que pourront capturer les caméras du vaisseau lors de certains passages devraient être spectaculaires.
Cela permettra aussi d’étalonner les instruments radio sensibles qui pourront alors « écouter » le champ magnétique de la planète. De telles données pourraient notamment aider les scientifiques à déterminer avec certitude la durée d’une journée sur la planète.
Sur Saturne, un jour durerait environ 10,5 heures, mais personne n’est certain à 100% que cette information soit correcte. En effet, des milliers de kilomètres de nuages épais obscurcissent le noyau de la planète, et toute oscillation dans le champ magnétique rotatif de cette dernière s’est avérée trop subtile pour être détectée. Cependant, le fait que la sonde puisse voler si près de Saturne pourrait aider les chercheurs à enregistrer et analyser de nombreuses nouvelles données importantes. « Si nous pouvons voir… le pôle de champ magnétique, comme autour de la Terre, il pourrait nous informer sur la vitesse de rotation réelle de Saturne », explique Spilker.
La sonde Cassini effectuera le survol le plus proche de l’anneau D vers la fin du mois de mai, et au début du mois de juin. À ce moment-là, la sonde sera la plus apte à se heurter aux particules de l’anneau et tentera d’analyser leur composition.
L’un des mystères que Spilker a hâte de résoudre, est celui qui concerne la masse des anneaux de Saturne, qu’elle tente d’élucider depuis les années 1970. La réponse « ne viendra pas en un instant », dit-elle, mais elle reste persuadée que les nombreux survols de la sonde aideront à répondre à de nombreuses questions. « C’est l’endroit le plus proche des anneaux où nous serons jamais allés », ajoute-t-elle.
La scientifique espère que les données pourront aider à répondre à des questions telles que : les anneaux sont-ils plus maissifs que ce que nous pensions, et par conséquent, plus jeunes ? Comment est-ce qu’ils se sont formés ? Proviennent-ils d’une lune ? D’une comète ? Ou encore d’un objet de la ceinture de Kuiper ?
Cassini pouvait découvrir ces réponses en mesurant graduellement la gravité des anneaux. Des mesures similaires devraient également aider à révéler la taille, la structure du noyau de Saturne ainsi que la profondeur des vents de la planète.
Le 14 août 2017, Cassini entamera les cinq orbites finales autour de Saturne, ce qui amènera la sonde assez près de l’atmosphère extérieure de la planète, au fur et à mesure qu’elle se rapprochera de sa surface.
Puis, le 15 septembre 2017, la sonde plongera définitivement dans les nuages de Saturne. Elle utilisera ses derniers restes de carburant pour garder l’antenne pointée vers la Terre, afin d’envoyer les toutes dernières données avant sa destruction définitive, lorsqu’elle entrera dans les gaz de Saturne. « Je ne le vois pas comme une mission suicidaire pour Cassini », explique Spilker. « Je le vois comme la fin glorieuse d’une incroyable mission », conclut-elle.