Le soleil suit un cycle de 11 ans, durant lequel il voit ses champs magnétiques s’inverser et modifier la quantité d’activité à sa surface, affectant entre autres le nombre de taches solaires. La semaine dernière, un amas de matière s’est détaché de la surface du soleil et a commencé à faire le tour du pôle Nord de l’étoile presque comme s’il s’agissait d’un vortex polaire géant — et les scientifiques ne savent pas encore pourquoi.
Le Soleil est, de façon basique, une énorme boule de gaz chaud chargé électriquement. Ce gaz se déplace, générant un puissant champ magnétique selon un certain cycle solaire : tous les 11 ans environ, le champ magnétique du Soleil s’inverse complètement. Cela signifie que les pôles Nord et Sud du Soleil changent de place. Ensuite, il faut encore environ 11 ans pour que les pôles se retournent à nouveau au « point de départ ».
Le cycle solaire affecte l’activité à la surface du Soleil. À mesure que les champs magnétiques changent, la quantité d’activité à la surface de l’étoile change également. Les prévisions du cycle solaire sont utilisées par diverses agences et de nombreux groupes industriels afin de connaitre la fréquence des tempêtes météorologiques spatiales de tous types, des coupures de courant radio aux orages géomagnétiques en passant par les tempêtes de rayonnement.
Sans compter que le cycle solaire est important pour déterminer la durée de vie des satellites en orbite terrestre basse, car la traînée sur les satellites est en corrélation avec le cycle solaire. Concrètement, un maximum solaire élevé diminue la durée de vie d’un satellite, et inversement.
Récemment, c’est la météorologue spatiale Tamitha Skov qui a attiré l’attention du public en partageant une vidéo montrant une proéminence se détachant de la surface du soleil et se mettant à tourner autour de son pôle Nord comme un vortex de vents puissants. La vidéo, publiée sur Twitter, provient d’images prises par l’Observatoire dynamique solaire de la NASA. Elle accompagne la vidéo d’un commentaire : « Parlons de vortex polaire ! Le matériau d’une proéminence Nord vient de se détacher du filament principal et circule maintenant dans un vortex polaire massif autour du pôle Nord de notre étoile ».
VIDÉO : Formation du vortex autour du pôle Nord du Soleil. © Tamitha Skov
Talk about Polar Vortex! Material from a northern prominence just broke away from the main filament & is now circulating in a massive polar vortex around the north pole of our Star. Implications for understanding the Sun's atmospheric dynamics above 55° here cannot be overstated! pic.twitter.com/1SKhunaXvP
— Dr. Tamitha Skov (@TamithaSkov) February 2, 2023
Une proéminence régulièrement visible, mais un vortex unique
Il faut savoir qu’une proéminence solaire — également connue sous le nom de filament, lorsqu’elle est vue par rapport au disque solaire — est comme une grande boucle brillante s’étendant vers l’extérieur depuis la surface du Soleil. Les proéminences sont ancrées à la surface de l’étoile, dans la photosphère, et s’étendent vers l’extérieur dans l’atmosphère extérieure chaude, appelée la couronne.
Une proéminence se forme sur des échelles de temps d’environ une journée, et des proéminences stables peuvent persister dans la couronne pendant plusieurs mois, faisant une boucle sur des centaines de milliers de kilomètres dans l’espace. Les scientifiques étudient toujours comment et pourquoi les proéminences se forment.
Le matériau en boucle rougeoyant est du plasma, un gaz chaud composé d’hydrogène et d’hélium chargé électriquement. Le plasma de proéminence « coule » le long d’une structure enchevêtrée et torsadée de champs magnétiques générés par la dynamique interne du Soleil. Une proéminence en éruption se produit lorsqu’une telle structure devient instable et éclate vers l’extérieur, libérant le plasma.
Mais la semaine dernière, un filament s’est littéralement détaché du soleil et a formé un vortex. Alors que les astronomes sont déconcertés, Scott McIntosh, physicien solaire et directeur adjoint du National Center for Atmospheric Research à Boulder (Colorado), déclare à Space.com que cette proéminence se produit aux latitudes de 55 degrés du soleil avec une régularité stricte une fois par cycle solaire, tous les 11 ans. Néanmoins, ce vortex est un phénomène jamais observé jusqu’ici dans le cas du Soleil.
VIDÉO : D’autres observations de la formation du vortex polaire. © Tamitha Skov
More observations of the #SolarPolarVortex reveal it took roughly 8 hours for material to circumnavigate the pole at approximately 60° latitude. This means an upper bound in the estimation of horizontal wind speed in this event is 96 kilometers per second or 60 miles a second! pic.twitter.com/EpHhwdLeDs
— Dr. Tamitha Skov (@TamithaSkov) February 4, 2023
Sur la seconde vidéo postée par Tamitha Skov, les images révèlent qu’il a fallu environ 8 heures pour que la matière fasse le tour du pôle, à environ 60° de latitude, permettant d’estimer la vitesse du vent dans cet événement, soit 96 kilomètres par seconde.
Une explication qui échappe à tous
Les astronomes, même s’ils ne connaissent pas la raison de la formation du vortex, supposent néanmoins que la proéminence est en quelques sortes liée à l’inversion du champ magnétique du Soleil qui se produit une fois par cycle solaire, comme mentionné précédemment.
En effet, les scientifiques ont régulièrement observé des filaments se détacher de cette haie de plasma englobant les pôles, mais ils n’avaient encore jamais vu un tel tourbillon polaire se former jusqu’à présent.
McIntosh a également déclaré que la région où s’est produit le vortex ne peut pas être vue directement, car le Soleil ne peut être observé que depuis le plan écliptique, c’est-à-dire le plan sur lequel les planètes orbitent.
L’espoir de comprendre cette activité inhabituelle repose sur la mission Solar Orbiter de l’Agence spatiale européenne, car elle implique l’observation du Soleil depuis l’orbite de Mercure. Par conséquent, elle pourrait fournir de précieuses informations, sans compter l’inclinaison prévue de son orbite jusqu’à 33 degrés, suffisamment pour percer le mystère du vortex polaire. Cependant, McIntosh conclut que nous pourrions avoir besoin d’une autre mission pour comprendre pleinement ce qui se passe à la surface de notre étoile.