Depuis 2020, l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) constitue une menace non seulement pour les oiseaux sauvages, mais aussi pour la volaille à l’échelle mondiale. Le virus de l’IAHP de sous-type H5N1 inquiète par sa capacité à infecter les mammifères sauvages et domestiques. En mars dernier, au Texas, des chats sont décédés peu de temps après avoir développé de graves symptômes tels que la cécité, après avoir consommé du lait cru (non pasteurisé) de vaches infectées. Ce cas, qui constitue une première pour le virus, suscite de nouvelles inquiétudes.
Vers la fin de l’année 2021, la souche eurasienne du H5N1 (clade 2.3.4.4b) a été détectée en Amérique du Nord, entraînant par la suite une épidémie qui se poursuit à ce jour. Entre 2020 et début 2024, 28 cas de grippe aviaire ont été recensés chez l’Homme, dont 8 décès.
Le 16 mars 2024, des vétérinaires ont été alertés d’un syndrome survenant chez des vaches d’une ferme du Texas : une maladie « mystérieuse » accompagnée d’une réduction de leur production de lait. Le lait des vaches les plus affectées avait une consistance crémeuse épaisse et était d’une couleur jaunâtre, semblable à celle du colostrum. Le lendemain, les chats de la même ferme, ayant consommé du lait cru provenant de ces vaches, sont tombés malades. Alors que les bovins avaient désormais des symptômes bénins et semblaient se remettre rapidement de la maladie, les chats n’ont pas eu cette chance.
Les félins ont rapidement développé des symptômes inquiétants impactant aussi bien leur état psychologique (confusion mentale, isolement social, etc.) que physique (vomissements, cécité, etc.). 4 jours plus tard, des chercheurs vétérinaires de l’Iowa, du Texas et du Kansas ont déclaré que « les chats ont été retrouvés morts sans aucun signe apparent de blessure et appartenaient à une population résidente d’environ 24 chats domestiques nourris avec du lait de vache malade ».
Des échantillons ont ensuite été prélevés durant l’autopsie dans le cerveau et les poumons et ont été envoyés pour analyse au laboratoire de diagnostic vétérinaire de l’Université d’État de l’Iowa. Les chercheurs ont alors confirmé que les chats avaient été infectés par le virus H5N1. Ils ont aussi relevé « des lésions microscopiques compatibles avec une grave infection virale systémique » au niveau des yeux et du cerveau. Des résultats similaires avaient déjà été observés chez des chats infectés expérimentalement par l’IAHP. En revanche, ce que les chercheurs ont estimé comme alarmant, c’est la capacité de transmission et d’évolution du virus détecté dans la ferme du Texas.
Un mode de contamination inconnu ?
La transmission de l’IAHP se fait généralement par différentes voies d’exposition (contact direct, eau, nourriture). Chez les carnivores (sauvages et domestiques), il est fort probable que cette dernière se fasse par la consommation de carcasses d’oiseaux infectés. Cette possibilité n’est pas à exclure en ce qui concerne les chats infectés au Texas. Toutefois, selon les vétérinaires, l’hypothèse la plus probable pour la source de transmission est le lait de vache. En effet, des échantillons ont également été envoyés au laboratoire et les résultats des analyses ont été sans appel : le lait cru présent sur place était rempli de particules virales H5N1.
« Nos résultats suggèrent une transmission interespèces de mammifère à mammifère du virus HPAI H5N1 et soulèvent de nouvelles inquiétudes concernant le potentiel de propagation du virus au sein des populations de mammifères », ont écrit les chercheurs dans leur document d’étude, publié dans la revue Emerging Infectious Diseases.
Cette présence du H5N1 dans un troupeau laitier du Texas, confirmée par le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA), marque la première transmission aux vaches à ce jour. Depuis, l’USDA a recensé des infections dans au moins 34 troupeaux répartis dans neuf États (Texas, Kansas, Michigan, Nouveau-Mexique, Idaho, Ohio, Dakota du Sud, Caroline du Nord et Colorado). De son côté, la Food and Drug Administration (FDA) a détecté des traces génétiques de H5N1 dans environ 20 % des échantillons de lait commercial (malgré la pasteurisation).
« La nature récurrente des épidémies mondiales de H5N1 et la détection d’événements de débordement dans une large gamme d’hôtes sont préoccupantes et suggèrent une adaptation croissante du virus chez les mammifères », ont écrit les auteurs de l’étude. « La surveillance des virus de l’IAHP chez les animaux d’élevage domestiques, y compris les bovins, est nécessaire pour élucider l’évolution du virus de la grippe et prévenir la transmission entre espèces », concluent-ils.