La guerre de la vape n’en finit pas de diviser les pays de l’Union européenne. Alors que la Commission européenne s’est fixée de très stricts objectifs en matière de réduction du nombre de fumeurs d’ici 2040, la problématique du statut de la cigarette électronique redevient centrale en Europe.
Face à la cigarette électronique, les pays de l’Union européenne oscillent entre une approche libérale et une politique restrictive. La Commission européenne peine d’ailleurs à adopter une position claire. La France, où la cigarette électronique bénéficie du soutien mesuré des autorités de santé, fait figure de tête de file des « libéraux ».
Fronde antivape dans plusieurs pays européens
L’Académie de médecine s’était par exemple émue en décembre 2019 de la « crise de confiance » qui touchait la vapoteuse, dont les conséquences « (pourraient) causer la mort de milliers de fumeurs alors que le tabac tue la moitié de ses fidèles consommateurs ». Avant le Brexit, la Grande-Bretagne s’imposait aussi comme l’un des pays les plus ouverts de l’Union européenne en la matière. Au nom d’un argument simple : « Nous ne disons pas que les cigarettes électroniques sont sans danger ou que vous devriez vous mettre à vapoter si vous ne fumiez pas avant. Mais si vous fumez, la meilleure chose à faire est d’arrêter et le vapotage peut aider », affirme Deborah Arnott, du groupe antitabac Action on Smoking & Health (ASH). La vape est officiellement considérée, dans le pays, comme un outil permettant l’arrêt du tabac depuis 2015.
De l’autre côté de l’échiquier, le Danemark est sans doute la référence des pays les plus offensifs dans les politiques anti-vapoteuses. Depuis le 1er avril 2021, dans le cadre de son « Plan d’action contre le tabac » proposé par l’autorité sanitaire danoise et approuvé par le Parlement danois, les liquides aromatisés sont strictement interdits dans le pays. En parallèle, une hausse des taxes — de l’ordre de 2 couronnes danoises par millilitre — a été appliquée, faisant grimper le prix des liquides d’environ 66 %. Des études supplémentaires sont attendues pour voir si de telles mesures risquent d’avoir un effet délétère sur le marché noir de liquides aromatisés, via les achats en ligne ou la vente de flacons mains en mains par exemple.
D’autres pays européens se sont engagés dans une voie plus ou moins hostile à la vapoteuse. Entre décembre 2020 et janvier 2021, une consultation publique a été organisée aux Pays-Bas, afin de mesurer l’avis de la population face à un projet de « flavour ban », destinée à interdire la commercialisation des arômes. La Lituanie, où la population de fumeurs est parmi la plus élevée d’Europe – 28 % des habitants adultes -, a informé la Commission européenne de sa volonté de mettre un terme à la vente d’e-liquides contenant autre chose que du tabac à partir du 1er juillet 2022.
Reste à savoir si les politiques restrictives sont en mesure de s’imposer au niveau européen et de menacer les États, au sein desquels la vape est intégrée dans les stratégies antitabac. Les autres pays européens ont jusqu’au 11 octobre prochain pour commenter la décision de la Lituanie et, si besoin, en contester la pertinence en matière de santé publique.
Les politiques anti-arômes sont justifiées, selon leurs soutiens, par la nécessité de protéger les jeunes de l’entrée dans le tabagisme. Pourtant, l’étude Eurobaromètre, menée chaque année par l’Union européenne, affirme dans son édition 2020 que seuls 2 % des fumeurs européens ont commencé par la cigarette électronique. Dans un contexte français, l’étude Enclass menée en 2018 auprès des lycéens par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) observe une nette chute de la consommation quotidienne de cigarettes, passant de 23,2 % des sondés en 2018 en 17,5 % en 2018, malgré le développement commercial de la cigarette électronique. Pour résumer, l’acculturation des jeunes à la cigarette électronique ne renforce pas pour autant la hausse de la consommation de cigarettes.
En Grande-Bretagne, les derniers chiffres de l’ASH, indiquent qu’« en 2021, 11,2 % des 11 – 17 ans ont déjà essayé la vapoteuse, contre 13,9 % en 2020 ». Un chiffre globalement inchangé depuis 2015, où 11,6 % des 11 – 17 ans avaient tenté la cigarette électronique. L’usage des cigarettes électroniques reste donc, chez les jeunes Britanniques, globalement stable tandis que la consommation de tabac poursuit sa baisse.
Quelles conséquences pour les vapoteurs ?
Les mesures restrictives contre les arômes de vapoteuse pourraient, dans les mois à venir, fortement limiter le développement de la cigarette électronique. L’étude Eurobaromètre, publiée en 2020, indique en effet que les arômes fruités sont extrêmement populaires et séduisent, au quotidien, presque un vapoteur sur 2, sauf chez les plus de 55 ans. En revanche, les goûts « tabacs » classiques peinent à trouver leur public et ne séduisent qu’un peu plus d’un tiers des e-fumeurs. S’il est encore trop tôt pour mesurer l’effet de ces interdictions sur les usages des vapoteurs, le risque qu’une partie d’entre eux retourne à la cigarette conventionnelle n’est pas entièrement exclu.
D’autant que, depuis sa massification commerciale, la cigarette électronique s’est imposée comme une aide antitabagique à l’efficacité, au moins égale, sinon supérieure aux patchs et gommes, à la varénicline et aux thérapies de soutien comportementales, qui rencontrent un succès croissant auprès des fumeurs. Ce sont en tout cas les conclusions d’une méta-analyse de 50 études, regroupant 12 430 patients, publiée le 14 septembre dans la revue Cochrane.
Ses auteurs affirment qu’à 6 mois, la probabilité qu’un fumeur arrête de consommer du tabac est plus importante avec une cigarette électronique, plutôt que les autres palliatifs habituellement utilisés. Face à l’accumulation de connaissances scientifiques, qui reconnaissent l’intérêt de la vape comme accompagnement efficace pour ceux souhaitant sortir du tabac, les stratégies antivapes semblent manquer de pertinence et se fonder sur une approche politique, plus que scientifique.