Depuis la mise en service de l’interféromètre LIGO, puis de Vigo par la suite, plusieurs collisions de trous noirs ont déjà été observées grâce à la détection d’ondes gravitationnelles. Ces systèmes binaires impliquent habituellement des trous noirs de masses égales. Et la collision du 12 avril 2019 n’échappait pas à cette règle pour les astrophysiciens de l’époque. Cependant, une analyse plus approfondie des ondes gravitationnelles a en réalité démontré qu’il existait une grande différence entre les masses des deux trous noirs. Un schéma de fusion très inhabituel qui devrait en apprendre plus aux chercheurs concernant la formation de tels systèmes.
La collision, baptisée GW190412, était en réalité un événement très inhabituel. Plutôt que deux trous noirs de masse à peu près égale entre 20 et 40 fois la masse du Soleil, la collision a été produite par un système de masses extrêmement inégales. Sur la base de l’analyse des ondes gravitationnelles, les astronomes ont découvert que l’un des trous noirs possédait une masse d’environ 29.7 masses solaires, tandis que l’autre était plus de trois fois moins massif — seulement 8.4 masses solaires.
« Aucune de ces masses n’est vraiment surprenante en soi. Nous savons que les trous noirs peuvent posséder ces masses. Ce qui est nouveau, c’est le rapport des masses. Cette observation nous permet de tester nos prédictions concernant les ondes gravitationnelles d’une nouvelle manière, et constitue une autre pièce du puzzle pour comprendre comment se forment les trous noirs binaires », explique l’astronome Christopher Berry de la Northwestern University.
Une fréquence caractéristique pour deux trous noirs de masse similaire
Les résultats de la collaboration ont été présentés lors de la réunion virtuelle d’avril de l’American Physical Society. Lorsque des ondes gravitationnelles ont été générées par des trous noirs binaires de masse à peu près égale, cela se reflète dans le signal. Lorsque les trous noirs ont la même masse, ils reviennent à la même position relative à chaque orbite.
Il en résulte une fréquence des ondes gravitationnelles qui est environ le double de la fréquence orbitale du système binaire, c’est-à-dire le temps qu’il faut aux trous noirs pour orbiter l’un autour de l’autre. Mais lorsque le système présente un déséquilibre de masse important, l’orbite est inégale. Cela produit une deuxième fréquence d’onde gravitationnelle plus faible.
Fréquences distinctes, relativité générale et rotation
Cela a été observé dans GW190412, qui produisait deux fréquences distinctes, comme si deux cordes de guitare vibraient simultanément, une dyade de fréquences. En plus d’être vraiment inhabituelles, ces fréquences ont également permis à l’équipe d’effectuer un autre test de relativité générale. Les auteurs ont divisé le signal en une partie antérieure et une partie ultérieure, et ont utilisé des équations basées sur la relativité générale pour calculer l’autre partie du signal pour chaque moitié.
Les moitiés correspondaient aux calculs, produisant certains des résultats les plus robustes de ce test à ce jour. Sur la base du signal inhabituel de la collision, l’équipe a également pu effectuer quelques mesures supplémentaires. Ils ont pu déterminer que le plus grand des trous noirs tournait — ce qui est généralement assez difficile à mesurer et n’a été fait auparavant (et provisoirement) que dans deux autres fusions.
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Un système binaire formé dans le disque d’accrétion d’un trou noir supermassif ?
Dans GW190412, cette rotation semblait être assez rapide, ce qui pourrait être un indice de la façon dont un système binaire aussi inégal a vu le jour. Il existe plusieurs modèles astrophysiques pour la formation de trous noirs binaires, mais la plupart d’entre eux aboutissent à des paires de masses plus ou moins égales. Le plus évident est un système d’étoiles binaires dans lequel chaque étoile s’effondre en un trou noir. Cependant, on pense que ceux-ci ne peuvent pas produire de trous noirs binaires avec de grandes différences de masse, ce qui exclut GW190412.
Il est possible que les trous noirs se soient formés séparément, puis se soient en quelque sorte réunis. Mais la rotation élevée du plus grand trou noir suggère qu’il aurait pu fusionner avec d’autres trous noirs auparavant, avant GW190412. Si les trous noirs étaient dans un système triple ou quadruple, il se pourrait que le plus grand trou noir ait déjà fusionné avec les autres. S’ils évoluaient simplement individuellement, le coup de recul de la fusion aurait perturbé le système.
Mais il y a un scénario où cela pourrait fonctionner : dans le disque autour d’un trou noir supermassif actif au cœur d’une galaxie. Là, l’environnement gravitationnel extrême pourrait permettre aux trous noirs de masse stellaire de passer par plusieurs fusions successives sans être éjectés par le recul. Il est impossible de le savoir avec certitude à ce stade, mais avec la collaboration LIGO-Virgo, nous n’aurons peut-être pas à attendre trop longtemps pour obtenir des réponses.
Animation montrant le déroulement de la fusion des deux trous noirs et les ondes gravitationnelles générées :