Lors de la guerre civile américaine, les lignes de ravitaillement (alimentation, médicaments…) étaient bloquées et le médecin confédéré Francis Porcher s’est vu attribuer une tâche très importante : trouver un moyen alternatif de soigner les blessés. De ce fait, il s’est penché sur les plantes. Les substituts qu’il a découvert à l’époque se sont à présent révélés avoir des propriétés antimicrobiennes qui pourraient bien mener à de nouveaux moyens pour combattre les bactéries résistantes aux médicaments actuels.
Ce sont des chercheurs de l’Université Emory qui ont prélevé et analysé trois des quelques dizaines de spécimens figurant sur la liste des médicaments botaniques de Porcher, en testant des extraits de feuilles et d’écorces. Ce qu’ils ont découvert, c’est que les plantes indigènes du chêne blanc (Quercus alba), de l’aralie épineuse, également appelée canne du diable (Aralia spinosa) et du tulipier de Virginie (Liriodendron tulipifera), permettent toutes d’inhiber la croissance de quelques agents pathogènes.
« Nos résultats suggèrent que l’utilisation de ces plantes a permis de sauver quelques membres (parties du corps), voire peut-être même des vies, durant la guerre civile », a déclaré l’ethnobiologiste Cassandra Quave.
Mais au milieu du XXe siècle, les antibiotiques ont révolutionné le monde médical, en leur permettant d’éradiquer les agents pathogènes responsables des infections. Mais depuis, les bactéries ont évolué et sont devenues plus résistantes à nos médicaments. De ce fait, les antibiotiques deviennent de moins en moins efficaces pour soigner les infections, nous forçant à découvrir d’autres moyens pour se soigner.
C’est pour cette raison, que de nombreux chercheurs se penchent sur des idées alternatives et fouillent notamment dans l’histoire pour élaborer des potentielles solutions. « J’ai toujours été un féru de l’histoire de la guerre civile. Je suis absolument convaincu qu’apprendre tout ce que nous pouvons apprendre du passé nous permettra d’en tirer profit », a déclaré Daniel Zurawski, chef de la pathogenèse et de la virulence au département des infections des plaies de l’Institut de recherche Walter Reed Army.
Les résultats de l’équipe de recherche ont permis de déterminer que les extraits de chêne blanc et de tulipier de Virginie étaient particulièrement efficaces contre Staphylococcus aureus — certaines souches qui composent l’agent pathogène connu sous le nom de SARM (staphylocoque aureus résistant à la méticilline), sur lequel certains antibiotiques ont totalement perdu leur efficacité.
Non seulement ces deux extraits inhibent la croissance, mais ils interfèrent également avec la capacité du microbe à générer une couche de biofilm de protection, permettant ainsi le démantèlement efficace de l’un de ses systèmes de défense. Une autre solution, cette fois à base de canne du diable, a permis d’empêcher les échantillons de Staphylococcus de transcrire d’importants facteurs de signalisation (ce qui aurait contribué à la virulence de la bactérie).
Il existe également une autre bactérie potentiellement résistante à nos médicaments, connue sous le nom d’Acinetobacter baumannii. « Cette bactérie apparaît de plus en plus comme une menace majeure pour les soldats victimes de blessures de combat et pour les hôpitaux de manière générale », a déclaré Quave.
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Cette découverte est donc extrêmement importante, mais il reste encore de nombreuses études à mener et de nombreux défis à relever (comme par exemple comprendre le dosage adéquat, évaluer le risque des effets secondaires), avant que les chercheurs ne puissent créer un nouveau produit pharmaceutique.
Cependant, si les chercheurs poursuivent leurs travaux avec des recherches plus poussées, nous pourrions bientôt être en mesure de comprendre certains mécanismes et cela pourrait potentiellement conduire à la conception de nouveaux médicaments, offrant de nouveaux moyens de lutter contre les infections et les bactéries résistantes aux antibiotiques. « Les plantes possèdent une grande richesse de diversité chimique, ce qui est une raison de plus pour protéger les environnements naturels. De plus, nos recherches pourraient être bénéfiques un jour pour l’activité antimicrobienne moderne », a déclaré la biologiste Micah Dettweiler.
À l’heure actuelle et grâce à cette nouvelle étude, Porcher a pu identifier 37 espèces de plantes ayant potentiellement une grande valeur médicinale.