Lorsque Pablo Escobar, le célèbre trafiquant colombien de cocaïne a été abattu en 1993, les quatre hippopotames qu’il avait placés dans son zoo privé en Colombie ont été laissés dans un étang de son ranch. Oui, vous avez bien lu : le baron de la drogue a laissé derrière lui des cartels armés, un marché de cocaïne soigneusement organisé et… quatre hippopotames. Depuis lors, leur nombre est passé à environ 80-100 individus, et ces herbivores géants ont fait leur chemin dans les rivières du pays…
Tandis qu’Escobar régnait sur le puissant cartel de Medellín à la fin des années 1970, il s’est offert une luxueuse demeure de quelque 3000 hectares, qui comportait également un zoo privé. Passionné d’animaux exotiques, il en importa plus de 2000, dont des lions, des girafes, des zèbres et des hippopotames. Depuis, les scientifiques ainsi que le public ont considéré les hippopotames d’Escobar comme des ravageurs envahissants qui ne devraient en aucun cas être libérés sur le continent sud-américain.
Mais une nouvelle étude menée par un groupe international de chercheurs remet en question ce point de vue à travers une analyse mondiale comparant les caractéristiques écologiques des herbivores introduits dans la nature, comme les hippopotames d’Escobar, à ceux du passé. Les résultats de cette étude démontrent que de telles introductions restaurent de nombreuses caractéristiques importantes qui ont été perdues au fil du temps.
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Tandis que les conséquences du comportement humain ont provoqué l’extinction de plusieurs grands mammifères au cours de ces 100’000 dernières années, les humains ont depuis également introduit de nombreuses espèces dans de nombreuses parties du monde comme en Amérique du Sud, où les lamas géants erraient autrefois, ou encore en Amérique du Nord.
« Bien que nous ayons constaté que certains herbivores introduits aient des correspondances écologiques parfaites pour les espèces disparues, dans d’autres cas, les espèces introduites représentent un mélange de caractéristiques observées chez des espèces disparues », explique le co-auteur de l’étude, John Rowan, de l’University of Massachusetts Amherst.
« Par exemple, les hippopotames sauvages en Amérique du Sud sont similaires en termes de régime alimentaire et de taille corporelle aux lamas géants éteints, tandis qu’un type étrange de mammifère éteint (un notoungulata) partage avec les hippopotames une grande taille et des habitats semi-aquatiques. Ainsi, bien que les hippopotames ne peuvent pas parfaitement remplacer les espèces disparues, ils restaurent tout de même des parties de l’écologie importantes à travers plusieurs espèces », explique-t-il.
Les auteurs de l’étude ont noté que la plupart des biologistes et des écologistes spécialisés dans la conservation des espèces considèrent le monde « naturel » moderne comme étant très différent de ce qu’il était au cours des 45 derniers millions d’années.
Par exemple, des wombats géants (de la taille d’un rhinocéros !), appelés diprotodons, dominaient le monde à une époque : ces herbivores géants ont commencé leur ascension évolutive peu de temps après la disparition des dinosaures, mais ont brusquement commencé à disparaître depuis environ 100’000 ans, probablement en raison de la chasse et d’autres pressions de nos ancêtres du Pléistocène supérieur.
Les chercheurs ont découvert qu’en introduisant des espèces à travers le monde, les humains ont restauré les caractéristiques écologiques perdues de nombreux écosystèmes, ce qui a permis de rapprocher l’état du monde à celui de la pré-extinction du Pléistocène supérieur.
Erick Lundgren, auteur principal de l’étude, de l’UTS Centre for Compassionate Conservation (CfCC), a déclaré que la possibilité que les herbivores introduits puissent restaurer les fonctions écologiques perdues avait été suggérée, mais jamais encore « rigoureusement évaluée ».
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De ce fait, les chercheurs ont décidé de comparer les principales caractéristiques écologiques des espèces herbivores d’avant l’extinction du Pléistocène supérieur à nos jours, tels que la taille du corps, le régime alimentaire et l’habitat. « Cela nous a permis de comparer des espèces qui ne sont pas nécessairement étroitement liées les unes aux autres, mais qui sont similaires en matière d’impact sur les écosystèmes », a déclaré Lundgren. « En faisant cela, nous avons pu quantifier dans quelle mesure les espèces introduites ont rendu le monde plus similaire ou différent du passé de la pré-extinction. Étonnamment, ils ont rendu le monde plus similaire à l’époque de la pré-extinction », a ajouté Lundgren.
Cela est dû en grande partie au fait que 64% des herbivores introduits ressemblent davantage à des espèces éteintes qu’à des espèces indigènes locales.
« Beaucoup de personnes sont préoccupées par les chevaux et les ânes sauvages dans le Sud-ouest américain », déclare Rowan. « Mais ce point de vue ne tient pas compte du fait que les chevaux étaient présents en Amérique du Nord depuis plus de 50 millions d’années : toutes les étapes importantes de leur évolution, y compris leur origine, se déroulent ici… Ils n’ont disparu qu’il y a quelques milliers d’années à cause des humains », a ajouté Rowan.
Élargir notre perspective pour mieux comprendre les espèces et l’évolution
« Nous pensons généralement à la nature telle que définie par la courte période dans laquelle nous vivons, ou uniquement durant la période durant laquelle nous avons effectué des enregistrements », a déclaré l’auteur principal de l’étude, Arian Wallach de l’UTS CfCC. « Élargir notre perspective pour inclure le passé le plus pertinent sur le plan de l’évolution nous permet de poser des questions plus nuancées sur les espèces introduites et sur comment elles affectent le monde actuel », a-t-il ajouté.
En conclusion : lorsque nous regardons au-delà des quelques centaines d’années écoulées, jusqu’à une époque datant d’avant les extinctions généralisées et causées par l’Homme, les herbivores introduits rendent le monde plus semblable à celui de l’époque de pré-extinction, apportant avec des avantages plus larges pour la biodiversité.