L’holographie, une technique de création d’images tridimensionnelles, voit sa qualité et ainsi son champ d’application s’élargir grâce à une nouvelle méthode développée par des chercheurs de l’Université d’Ottawa. En combinant l’interférométrie d’intensité et le multiplexage spatial de modes quantiques, elle consiste à manipuler les photons pour créer des hologrammes plus précis et détaillés. Cette avancée pourrait amener l’utilisation des hologrammes dans divers domaines, tels que la biologie ou l’astronomie.
La technologie numérique façonne de plus en plus notre réalité. L’holographie, une technique permettant de créer des images tridimensionnelles, occupe une place de plus en plus importante. Elle trouve des applications dans des domaines aussi variés que le divertissement, la médecine, l’art ou encore l’astronomie. Cependant, malgré son potentiel, l’holographie est confrontée à des défis techniques majeurs, notamment en ce qui concerne la précision et la qualité des images produites.
La photographie traditionnelle capture principalement l’intensité de la scène, mais l’holographie pousse cela plus loin en incorporant des informations sur la phase, le retard relatif entre la lumière collectée à partir de différentes parties de la scène.
C’est dans ce contexte que des chercheurs de l’Université d’Ottawa ont récemment fait une percée significative. Ils ont développé une nouvelle technique basée sur l’interférométrie d’intensité, une méthode qui pourrait changer la façon dont nous créons et utilisons les hologrammes. L’article est publié dans la revue Science Advances.
Les fondements de l’interférométrie d’intensité
L’interférométrie d’intensité est un concept qui a été démontré pour la première fois par Hanbury Brown et Twiss. Il s’agit d’observer l’interférence entre des sources de lumière indépendantes en mesurant les corrélations dans leurs intensités plutôt que leurs amplitudes.
L’interférométrie d’intensité est basée sur le principe de superposition, qui est un concept fondamental en physique quantique. Selon ce principe, un système physique — comme un photon — peut se trouver dans plusieurs états à la fois. Lorsque ce système est observé, il « choisit » un de ces états, et c’est ce dernier qui est observé. Dans le cas de l’interférométrie d’intensité, ce système consiste en un faisceau de lumière, et les différents états sont les différentes intensités de lumière qui peuvent être observées.
Comment fonctionne l’interférométrie d’intensité pour l’holographie ?
Pour comprendre le fonctionnement de l’interférométrie d’intensité, il est essentiel de comprendre comment les chercheurs manipulent les faisceaux de lumière. Dans cette nouvelle approche, ils utilisent deux faisceaux de lumière : un faisceau de signal, qui contient l’information à coder en hologramme, et un faisceau de référence, qui sert de point de comparaison pour le faisceau de signal.
Ces deux faisceaux sont combinés et leur interaction produit un motif d’interférence. Ce motif est capturé par une caméra spéciale capable de détecter des photons uniques et d’enregistrer leur temps d’arrivée. Cette information est ensuite utilisée pour reconstruire le front d’onde du faisceau de signal, à la fois en termes d’intensité (la quantité de lumière) et de phase (l’état de l’onde lumineuse).
Ce qui est particulièrement remarquable dans cette approche, c’est qu’elle peut être utilisée avec différents types de lumière. Les chercheurs ont démontré le principe avec la lumière classique, qui est celle que nous voyons tous les jours, mais aussi avec la lumière quantique — soit avec les particules de lumière individuelles (les photons) et non le faisceau entier. Ils ont même réussi à le faire avec un seul photon, ce qui ouvre des possibilités passionnantes pour l’avenir de l’holographie.
Le Dr Guillaume Thekkadath, auteur principal de l’étude, explique dans un communiqué : « Nos hologrammes enregistrent les corrélations entre les intensités de deux sources lumineuses. Ces corrélations peuvent révéler des effets d’interférence quantique même dans des photons uniques ».
L’avantage de cette technique est qu’elle peut être utilisée pour générer des hologrammes d’objets auto-lumineux ou distants en utilisant une référence locale, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles applications d’holographie. De plus, le signal et la référence n’ont pas besoin d’être en phase stable ni de provenir de la même source de lumière.
Les avantages de l’interférométrie d’intensité pour l’holographie
L’un des principaux avantages de cette technique est qu’elle ne nécessite pas de stabilité de phase. Cela signifie qu’elle peut être utilisée pour générer des hologrammes avec des sources lumineuses très faibles sans avoir besoin de stabilisation de phase active. Cela pourrait avoir des applications potentielles dans l’imagerie de phase quantitative de spécimens biologiques qui sont sensibles aux dommages causés par la lumière, ou dans la réalisation d’holographie à distance en utilisant un faisceau d’éclairage faible.
Un autre avantage majeur de cette technique est qu’elle permet de générer des hologrammes en utilisant une référence dérivée d’une source de lumière indépendante. Cela nécessite une correspondance de mode entre les deux sources en polarisation, temps et fréquence, ce qui est généralement un défi, mais cela permet de nombreuses applications.
Vers des améliorations surprenantes de nos techniques actuelles
Cette avancée a des implications majeures pour un large éventail d’applications, allant de la réalité augmentée à la télécommunication. Elle pourrait permettre de créer des hologrammes plus réalistes pour les jeux vidéo ou les films, ou encore d’améliorer la qualité des communications vidéo.
De plus, en biologie, elle pourrait permettre d’obtenir des images plus précises de cellules et de tissus, ce qui pourrait aider à mieux comprendre et traiter diverses maladies. En astronomie, elle pourrait permettre d’obtenir des images plus détaillées d’objets célestes lointains.
Notons que malgré ces avancées prometteuses, il reste encore des défis à relever. La technique nécessite l’utilisation de fibres optiques spéciales, qui sont coûteuses et difficiles à produire. De plus, la manipulation des photons à un niveau quantique est une tâche complexe qui nécessite une grande précision. Cependant, les auteurs sont optimistes et pensent que ces obstacles peuvent être surmontés avec le temps et les progrès technologiques.