Un allemand de 60 ans est devenu le septième cas connu de rémission durable au VIH/SIDA grâce à une transplantation de cellules souches. Les cellules du donneur disposaient d’une seule copie du gène CCR5 Δ32, une mutation conférant une résistance au VIH. Le patient a pu interrompre son traitement antirétroviral trois ans après la transplantation et ne présente plus de niveau détectable du virus dans son organisme six ans plus tard.
Affectant 40,8 millions de personnes selon l’ONUSIDA dans le monde en 2024, le VIH/SIDA demeure un problème de santé publique majeur. On estime que 1,3 millions de personnes ont été nouvellement infectées par le VIH la même année, et 630 000 autres sont décédées suite aux maladies provoquées par l’immunodéficience liée au SIDA.
Les antirétroviraux constituent les traitements de première intention pour la gestion de la maladie. Ils sont très efficaces pour réduire les taux de réplication virale à des niveaux indétectables, offrant ainsi aux patients une qualité de vie optimale malgré la maladie. Cependant, bien que 31,6 millions de patients avaient accès à ces traitements en 2024 (contre 6,7 à 8 millions en 2010), l’objectif de 34 millions pour cette année est loin d’être atteint.
D’autre part, une réactivation virale survient rapidement en moins de quatre semaines si le traitement est suspendu. Un traitement à vie est donc nécessaire pour prévenir la progression de la maladie vers l’immunodéficience. Bien que le nombre d’infections annuelles soit en baisse, on estime que le nombre de personnes nécessitant un traitement antirétroviral pourrait atteindre 46 millions d’ici 2050.
Des alternatives thérapeutiques permettant aux patients séropositifs d’interrompre les traitements antirétroviraux en toute sécurité et de vivre longtemps et en bonne santé représentent donc depuis des décennies un axe majeur de recherche biomédicale. Mais malgré plus de 40 ans de recherche, un traitement offrant une rémission durable demeure jusqu’à ce jour hors de portée.
De très rares cas de rémission suite à des transplantations de cellules souches provenant de donneurs possédant une mutation de résistance au virus laisse entrevoir une possibilité de rémission durable. Une équipe codirigée par l’hôpital universitaire de la Charité de Berlin, en Allemagne, rapporte le septième cas connu de rémission à la maladie avec cette approche.
« Ce patient a reçu des cellules porteuses d’une seule copie d’un gène muté codant pour une protéine essentielle à l’infection par le VIH-1 (contrairement aux rémissions précédentes réalisées avec des cellules porteuses de deux copies), ce qui laisse penser que le nombre de donneurs de cellules souches capables d’éliminer le VIH pourrait être plus important qu’on ne le pensait », écrivent les chercheurs dans un communiqué.
Vers une extension du pool de donneurs de cellules souches ?
La majorité des six patients connus qui ont obtenu une rémission suite à une transplantation de cellules souches avaient reçu des cellules provenant de donneurs homozygotes (porteurs de deux copies d’un même gène) porteurs de la mutation CCR5Δ32. Cette mutation fait que les cellules sont dépourvues du co-récepteur viral CCR5 que le virus utilise pour se fixer à leur surface et les infecter. La mutation confère ainsi aux cellules une résistance à l’infection.
Les chercheurs pensaient initialement que sans la mutation homozygote CCR5Δ32, le maintien d’une rémission au VIH sur plus de neuf mois sans traitement antirétroviral n’était pas possible. Cependant, des études menées sur des modèles primates (non humains) ont montré, selon ces études, une réduction substantielle des réservoirs persistants de VIH pendant plusieurs années, suite à une transplantation de cellules souches exprimant la protéine CCR5 de type sauvage (ou non mutée).
Le même effet a été observé chez le célèbre « patient de Genève », qui a obtenu une rémission durable après une transplantation de cellules souches, même si son donneur n’était pas porteur de la mutation CCR5Δ32. Ces résultats suggèrent que d’autres facteurs pourraient être impliqués dans l’élimination du virus et que le gène du récepteur CCR5 n’est peut-être pas aussi essentiel au processus qu’on le pensait.
Le patient de la nouvelle étude – publiée aujourd’hui (1er décembre) dans la revue Nature –, un homme âgé de 60 ans, a bénéficié d’une transplantation de cellules souches allogéniques (provenant d’un donneur) pour traiter une leucémie aiguë myéloïde. Son cancer a été diagnostiqué en 2015, tandis qu’il a été diagnostiqué séropositif en 2009. Les cellules du donneur ne portaient qu’une seule copie de la mutation CCR5Δ32 (CCR5Δ32 hétérozygote).
Le patient a pu interrompre en toute sécurité son traitement antirétroviral trois ans après l’allotransplantation. Sa rémission au VIH est maintenue depuis plus de six ans avec une charge virale plasmatique indétectable. L’analyse des réservoirs viraux a montré la présence d’un provirus intact avant la transplantation, mais aucun virus pouvant se répliquer n’a été détecté dans le sang et les tissus intestinaux après l’intervention.
D’après l’équipe, la quasi absence de réponses immunitaires spécifiques au VIH confirme également l’absence d’activité virale. « Ces résultats démontrent que la résistance au VIH médiée par CCR5Δ32 n’est pas essentielle à une rémission durable, soulignant l’importance d’une réduction efficace du réservoir viral dans les stratégies de guérison du VIH », indiquent les chercheurs dans leur étude. Ces observations suggèrent en outre que l’éventail de donneurs potentiels de cellules souches pour les patients séropositifs pourrait être élargi.

