L’UCHealth, un système de soins de santé à but non lucratif basé dans le Colorado, a récemment refusé une greffe de rein à une patiente, du fait qu’elle n’était pas vaccinée contre le coronavirus. Cette femme est momentanément retirée de la liste d’attente des greffes et dispose de 30 jours pour entamer sa vaccination ; dans le cas contraire, elle sera définitivement retirée de la liste. L’événement a suscité l’indignation de Tim Geitner, représentant de l’État du Colorado, qui a qualifié cet acte de « dégoûtant » et « discriminatoire ».
« Les médecins doivent tenir compte des risques sanitaires à court et à long terme pour les patients lorsqu’ils décident de les recommander ou non pour une greffe », pouvait-on lire ce matin sur le compte Twitter de l’UCHealth, qui justifiait sa décision suite à la vague d’indignation suscitée par cette histoire. L’organisation a rappelé par ailleurs que les patients, tout comme les donneurs vivants, devaient déjà obligatoirement être vaccinés contre l’hépatite B et contre le trio Rougeole-Oreillons-Rubéole, entre autres ; la vaccination contre la COVID-19 a été ajoutée à la liste il y a plusieurs semaines, en raison des risques que représente le coronavirus pour les personnes greffées.
L’UCHealth souligne en effet que plusieurs études montrent qu’entre 20 et 30% des transplantés non vaccinés qui ont contracté la COVID-19 sont décédés. Selon le Washington Post, la patiente en question, Leilani Lutali, qui souffre d’une insuffisance rénale terminale, aurait déclaré à 9News qu’elle était désormais « contrainte de prendre une décision qui la rendait mal à l’aise » pour continuer à vivre.
De nouvelles normes de soins, spécifiques à la crise
Mardi, l’UCHealth a confirmé que la quasi-totalité de ses receveurs et donneurs d’organes doivent se faire vacciner contre le coronavirus en plus des autres vaccinations d’ores et déjà exigées. D’autres centres de transplantation aux États-Unis ont appliqué des politiques similaires ou sont en train de les adopter, selon Dan Weaver, porte-parole de l’organisme de soins. « UW Medicine exige depuis longtemps que les patients en attente d’une greffe d’organe solide soient à jour de toutes les vaccinations critiques avant leur procédure », soulignent les centres médicaux de l’Université de Washington, qui imposent eux aussi la vaccination anti-COVID-19.
À ce jour, 65,5% de la population américaine a reçu au moins une dose de vaccin (56,5% sont complètement vaccinés). Il s’avère que le nombre non négligeable de personnes non vaccinées a incité les hôpitaux de plusieurs États à adopter de nouvelles « normes de soins » spécifiques à la crise ; en d’autres termes, en cas de ressources limitées (appareils de dialyse, lits de réanimation, etc.), ils s’autorisent à donner la priorité aux patients qui présentent la plus grande probabilité de survie — une situation qui n’est pas sans rappeler la pénurie de respirateurs artificiels au début de la pandémie, qui dans certains pays, a conduit à choisir quels patients devaient être sauvés. « L’objectif des normes de soins de crise est d’étendre les soins au plus grand nombre de patients possible et de sauver autant de vies que possible », résume le ministère de la Santé et du Bien-être de l’Idaho dans un communiqué.
Il est question ici de donner la priorité aux personnes vaccinées pour des ressources de santé rares — et dont dépend la survie d’individus — ce qui soulève évidemment la controverse. Pourtant, force est d’admettre que dans le cas des greffes, cela a toujours été le cas : le nombre d’organes disponibles ne permettant pas de combler tous les besoins, les médecins sont obligés de donner la priorité aux personnes qui ont le plus de chance de survie après la greffe. Or, des études ont montré que la mortalité des personnes greffées hospitalisées pour COVID-19 dépassait les 20% — soit bien plus que le taux de mortalité de 1,6% généralement observé aux États-Unis.
Aux États-Unis comme ailleurs, la pénurie d’organes est un problème qui ne date pas d’hier. Outre-Atlantique, plus de 106 000 personnes sont sur la liste d’attente d’une greffe, à laquelle une personne est ajoutée toutes les neuf minutes. On estime que 17 personnes meurent chaque jour en attendant un organe.
Des offres d’organes très souvent refusées
Selon les statistiques gouvernementales, moins d’un quart des patients américains en attente d’un rein sont greffés. Mais il faut savoir qu’aux États-Unis, le taux de refus d’organes disponibles dépasse l’entendement : une étude publiée en août 2019 sur Jama Network Open révèle qu’un grand nombre d’offres de rein de donneur décédé sont reçues par les candidats, mais sont refusées en leur nom. « La plupart des reins (84 %) ont été refusés au nom d’au moins 1 candidat avant d’être acceptés pour la transplantation », précisent les auteurs de l’étude.
Pendant la période de l’étude, dix patients sur liste d’attente sont décédés chaque jour alors qu’on leur avait proposé un rein. Ces refus reposent sur des critères de qualité, jugés bien souvent trop faibles. Pourtant, nombreux sont les patients qui accepteraient un rein de moindre qualité simplement pour ne plus à subir de dialyse, fait remarquer le Dr Sumit Mohan à l’AFP.
Pour la patiente qui a été momentanément retirée de la liste des personnes en attente d’une greffe, le problème ne se pose pas (du moins, pas encore). Elle a déclaré qu’elle se méfiait des conséquences de la vaccination sur la santé ; en outre, son donneur et elle ont déclaré à 9News qu’ils s’opposaient au vaccin pour des raisons religieuses — dénonçant l’utilisation de lignées cellulaires fœtales lors du développement et des tests de vaccins. Aucun hôpital du Colorado n’acceptant de réaliser la greffe, tous deux cherchent d’autres options en dehors de l’État.
L’United Network for Organ Sharing, l’organisme qui coordonne les dons d’organes au niveau national, a fait savoir qu’il n’imposait pas d’exigences pour l’inscription ou le retrait d’une personne en tant que candidat à la transplantation, de sorte que les centres de transplantation tels que l’UCHealth « prennent de telles décisions en fonction de [leur] jugement médical individuel », a précisé une porte-parole. En France, un communiqué de l’Agence de biomédecine daté de mars 2021 stipule clairement que « l’absence de vaccination des receveurs potentiels contre la COVID-19 ne constitue pas une contre-indication pour leur accès à la greffe d’organes et de tissus » ; donneurs et receveurs doivent toutefois effectuer un test PCR nasopharyngé avant l’intervention, qui sera reportée en cas de résultat positif.