La précision dans la mesure du temps est fondamentale concernant certains systèmes comme les GPS, les télécommunications ou encore la synchronisation temporelle des différentes zones du monde. Les horloges atomiques permettent d’atteindre un haut degré de précision, mais les atomes utilisés sont généralement, sur le long terme, affectés par leur environnement extérieur. Des physiciens ont découvert que le lutécium pouvait remédier à ce problème en affichant à la fois une très grande précision et une très grande stabilité.
Une horloge atomique fonctionne via l’immuabilité du rayonnement électromagnétique émis par un électron lors de la transition d’un niveau d’énergie à un autre, stabilisant ainsi le signal oscillant de sortie. Pour ce faire, un laser illumine l’atome à une certaine fréquence, et l’oscillation produite permet d’obtenir le temps avec une grande précision. Selon l’atome utilisé, une horloge atomique peut prendre moins d’une seconde de retard sur 50 millions d’années.
Cependant, la course à la précision n’est jamais terminée. Une équipe de physiciens singapouriens du Center for Quantum Technologies (CQT) a en effet découvert que par rapport au césium et au rubidium, qui sont aujourd’hui utilisés dans les horloges atomiques, le lutécium offrait une plus grande précision et une plus grande stabilité. « Les véritables performances d’une horloge atomique proviennent des propriétés de l’atome — notamment l’insensibilité de cet atome à son environnement. Je dirais que le lutécium occupe la première place en terme d’insensibilité » explique Murray Barrett, directeur de recherche au CQT. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Communications.
Le lutécium, noté « 71Lu », est le dernier élément de la famille des lanthanides et fait partie des terres rares. Ses applications sont aujourd’hui extrêmement limitées compte-tenu de sa grande rareté et de son prix très élevé. Avec le thulium, le lutécium est le plus rare des lanthanides, présent à hauteur de 0.5 ppm dans la croûte terrestre. Il n’est jamais pur car toujours mêlé aux autres terres rares et le procédé de séparation utilisé fait intervenir une technologie complexe, justifiant son prix élevé.
Depuis la création de la première horloge atomique en 1955, les scientifiques ont essayé divers atomes afin d’obtenir la précision de mesure la plus haute possible. Le premier élément testé, le césium, oscille à une fréquence micro-onde de 9’192’631’770 périodes de radiation. Au cours des dernières années, des atomes comme le rubidium, le strontium ou l’ytterbium se sont révélés plus rapides et précis. Le lutécium opère également à ces fréquences, mais dispose d’un avantage supplémentaire : il n’est pratiquement pas affecté par les changements de température et de pression extérieurs.
Ce sont ces facteurs environnementaux qui finissent par perturber l’oscillation du quartz dans les montres et, de la même manière, dans les horloges atomiques. « Nous avons clairement montré que le lutécium est le moins sensible à la température des atomes utilisés dans toutes les autres horloges atomiques » explique Kyle Arnold, physicien au CQT. En outre, les auteurs montrent que le lutécium peut être utilisé comme l’ytterbium ; en faire une horloge atomique ne serait donc pas compliqué.
Cette stabilité et cette précision sont extrêmement importantes pour des expériences visant à étudier la gravité, la vitesse de la lumière dans le vide ou encore certains phénomènes quantiques. Bien que cette découverte soit prometteuse, il reste encore du travail avant de pouvoir intégrer efficacement le lutécium à une horloge atomique ; certains obstacles doivent être contournés dans le but d’éviter des imprécisions techniques. « Je ne pense pas que ce soit trop technique et difficile à réaliser, mais je pense que les gens attendent de voir comment cela fonctionne » conclut Murray.