En service depuis 1990, Hubble est un explorateur cosmique hors pair. Dans le cadre de la nouvelle mission BUFFALO, le télescope spatial a livré une image spectaculaire de l’amas de galaxies Abell 370 et des milliers de galaxies visibles autour grâce au phénomène de lentille gravitationnelle généré par l’immense structure cosmique. Des données qui permettront de mieux comprendre l’évolution des galaxies lointaines et la dynamique de la matière noire.
La nouvelle mission du télescope Hubble, appelée Beyond Ultra-deep Frontier Fields And Legacy Observations (BUFFALO), est une mission de 101 orbites (160 heures d’observation) dont l’objectif est d’augmenter considérablement la zone d’observation couverte par les six Hubble Frontier Fields (HFF). Ces derniers sont tournés vers six amas de galaxies dans le but d’utiliser leur puissant champ gravitationnel comme des télescopes cosmiques afin d’étudier en détails les galaxies lointaines.
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Découverte d’une galaxie lointaine, très lointaine !
Lorsqu’un corps très massif se trouve entre une source lumineuse lointaine et un observateur, son champ gravitationnel dévie tous les rayons lumineux passant à proximité, déformant les images de la source reçue par l’observateur dans sa ligne de visée. Ce phénomène, baptisé « lentille gravitationnelle » et prédit par la relativité générale, permet ainsi aux astrophysiciens d’observer des objets très lointains qui seraient ordinairement inaccessibles à l’observation. Il existe trois types de lentilles gravitationnelles, classées selon leur intensité : lentille gravitationnelle forte, lentille gravitationnelle faible et microlentille gravitationnelle.
En utilisant ce phénomène cosmique, la mission BUFFALO multiplie par 4 la zone d’observation couverte par les HFF. Cela permet aux scientifiques de cartographier de manière très détaillée la distribution de masse (ordinaire et matière noire) des six amas de galaxies afin d’en apprendre plus sur leur évolution et sur la dynamique de la matière noire.
BUFFALO permet également d’étudier quand et comment les galaxies les plus lumineuses se sont formées et de quelle façon la matière noire a contribué à la formation des galaxies les plus anciennes.
Abell 370, située à 4.1 milliards d’années-lumière dans la constellation de la Baleine, est l’un de ces amas de galaxies. En se servant de son puissant effet de lentille gravitationnelle, Hubble a été capable d’observer des milliers de galaxies lointaines situées en arrière-plan, qui échappent normalement à ses instruments longue-portée.
Les galaxies les plus brillantes en jaune-blanc sont gigantesques, et contiennent des centaines de milliards d’étoiles. Les galaxies bleutées, des galaxies spirales comme la Voie lactée, sont plus petites, avec des populations d’étoiles plus jeunes. Enfin, les galaxies jaunes les plus ternes sont d’anciennes galaxies avec des populations d’étoiles vieillissantes.
Les galaxies en arrière plan apparaissent comme des lignes lumineuses. La plus spectaculaire est sans doute la galaxie du Dragon (par ressemblance avec un dragon chinois), découverte en 2009, dont la tête est dirigée vers la gauche ; l’image est obtenue à partir de la combinaison de cinq images de la même galaxie spirale agrandie et étirée par la lentille gravitationnelle.
Grâce à BUFFALO, les scientifiques peuvent ainsi étudier en détails ces galaxies lointaines étirées par Abell 370. C’est la mission que se sont donnés des astrophysiciens de l’Institut Niels Bohr (Danemark) et de l’université de Durham (Royaume-Uni), qui espèrent en apprendre plus sur la formation des galaxies les plus massives et lumineuses de l’Univers, ainsi que sur leur relation avec l’effet agrégateur de la matière noire, tel que décrit par le modèle cosmologique standard.
Notamment, l’objectif est d’étudier la rapidité avec laquelle ces galaxies ont pu se former dans les premiers 800 millions d’années après le Big Bang, et de mieux comprendre l’évolution des amas de galaxies ainsi que leur distribution de matière noire. Pour ce faire, il est nécessaire de pouvoir cartographier la matière noire.
Dans ce but, les lentilles gravitationnelles sont de puissants outils ; une fois la contribution du champ gravitationnel de la matière ordinaire soustrait, il ne reste que la contribution gravitationnelle de la matière noire.
En étudiant les galaxies révélées par Hubble, ainsi que l’amas galactique en lui-même, les astrophysiciens seront à même de mieux comprendre leur évolution et de cartographier la distribution de matière noire.
« En étendant la zone que nous cartographions autour de chaque amas, nous allons significativement améliorer nos estimations concernant l’amplification produite par les amas, une étape obligatoire pour étudier les galaxies distantes que BUFFALO va découvrir » explique Mathilde Jauzac, astrophysicienne au Centre d’Astronomie Extragalactique de l’université de Durham. « En outre, BUFFALO nous permettra de cartographier précisément la distribution de matière noire dans ces amas massifs, et ainsi de reconstituer leur évolution, une pièce toujours manquante dans les modèles d’évolution actuels ».