Une nouvelle étude suggère que les jeunes garçons exposés régulièrement à des huiles essentielles, telles que la lavande ou l’huile d’arbre à thé, peuvent être exposés à un risque bien plus élevé de gonflement anormal du tissu mammaire.
Les résultats, présentés cette semaine, ajoutent des preuves supplémentaires que certaines huiles végétales contiennent des substances chimiques capables de perturber les hormones humaines. Un rappel brutal qu’elles ne sont pas nécessairement bonnes pour nous car ces extraits proviennent de la nature. « Notre société considère les huiles essentielles comme sûres », explique le biologiste du développement J. Tyler Ramsey du NIEHS, le National Institute of Environmental Health Sciences. « Cependant, elles possèdent une variété de produits chimiques et doivent être utilisées avec prudence, car certains de ces produits chimiques sont potentiellement des perturbateurs endocriniens », ajoute-t-il.
Les huiles essentielles (qui contiennent « l’essence » chimique des plantes, par opposition au fait d’être indispensables), se retrouvent dans toutes sortes de produits de consommation, allant des savons et lotions, jusqu’aux traitements médicaux alternatifs. On les retrouve aussi dans les huiles d’aromathérapie ainsi que les produits de nettoyage. Bien que ces huiles puissent être omniprésentes, les scientifiques craignent que certains de leurs composants chimiques soient nocifs pour la santé humaine, que ce soit en étant toxiques ou en affectant le fonctionnement de notre organisme.
Kenneth Korach, biologiste du développement au NIEHS, a travaillé sur une étude qui a soulevé ces craintes il y a une dizaine d’années, prouvant que la lavande et l’huile de théier contiennent des produits chimiques qui imitent les œstrogènes et inhibent la testostérone. Ces résultats sont issus de l’analyse de cellules humaines exposées aux huiles.
Et la recherche en question n’a pas été menée uniquement en laboratoire. En effet, l’expérience a également permis d’examiner trois jeunes garçons âgés de quatre, sept et dix ans, qui ont tous démontré des signes de gynécomastie prépubère : une maladie rare où les hommes développent un tissu mammaire de manière excessive.
Dans ces cas précis, l’augmentation de tissu a coïncidé avec l’application topique de produits contenant des huiles de lavande et de théier, mais les effets ont disparu après l’utilisation de ces huiles essentielles.
À présent, Korach et Ramsey ont de nouvelles preuves quant aux raisons pour lesquelles ces huiles essentielles pourraient être nuisibles pour les garçons. Dans une toute nouvelle analyse, les chercheurs ont testé huit produits chimiques spécifiques (des centaines qui apparaissent dans l’huile de lavande ou de théier), les testant en laboratoire contre les cellules cancéreuses du sein.
Les expériences ont révélé que les huit produits chimiques testés sont effectivement des perturbateurs endocriniens, présentant différents niveaux de propriétés œstrogéniques et/ou anti-androgéniques (inhibant la testostérone). Tandis que certains des produits chimiques testés n’avaient pas beaucoup d’effets, c’était le cas pour d’autres composants, et tous sont techniquement des perturbateurs endocriniens capables de contribuer à la stimulation de la gynécomastie dans le corps des garçons, selon les chercheurs.
Mais ce qui est encore plus alarmant, c’est que l’équipe de chercheurs ne s’est pas uniquement limitée à l’étude sur les huiles essentielles de lavande ou de théier. En effet, ces perturbateurs endocriniens sont présents dans au moins 65 autres huiles essentielles actuellement sur le marché. Au total, ces 67 extraits sont contenus dans une vaste gamme de produits, sont libre d’accès, non réglementés (par la Food and Drug Administration – FDA) et les chercheurs mettent en garde qu’il est très important d’être conscient des risques potentiels de ces produits, ainsi que sur l’importance d’en apprendre davantage sur ces derniers.
Pourtant, d’autres scientifiques expliquent qu’en raison du nombre limité de données dont nous disposons à ce jour sur ce phénomène, il ne faut pas faire de conclusions hâtives quant aux potentiels dangers des huiles essentielles. D’autant plus que ces résultats n’ont pas encore été analysés par des pairs.
Tout en reconnaissant les nouveaux éléments de preuve qui semblent confirmer pourquoi la lavande et l’huile d’arbre à thé ont cet effet sur les jeunes garçons, le pédiatre Ieuan Hughes de l’Université de Cambridge, qui n’a pas participé à l’étude, explique qu’il y a encore de nombreuses choses que nous ne savons pas à ce sujet : « Toutes les personnes exposées à ces huiles ne présentent pas forcément d’effets néfastes, il est donc possible qu’il y ait des individus particuliers qui puissent être plus sensibles aux effets des produits chimiques, ou qui les utilisent en excès », a-til déclaré. « Il existe une relation complexe entre l’œstrogène, la testostérone et d’autres hormones dans le corps qui ne peut pas être reproduite dans ces expériences. Clairement, les effets à plus long terme d’une telle exposition sont inconnus », at-il ajouté.