Le fascinant pouvoir de l’hypnose sur la conscience et la pensée captive l’imaginaire. Pourtant, en médecine, il s’agit d’une alternative légitime. L’idée d’hypnotiser des patients durant une intervention chirurgicale peut paraître invraisemblable, mais cette pratique se généralise dans les hôpitaux de nombreux pays. Récemment, des médecins ont exposé les résultats de l’usage de l’hypnose en phase préopératoire pour diminuer l’anxiété des patients et réduire l’utilisation de sédatifs. Une piste intéressante pour les patients à risque sous anesthésie.
La pratique de l’hypnose remonte à plusieurs siècles. Ce n’est toutefois qu’au milieu du XIXe siècle qu’elle a été définie comme un « sommeil nerveux » pouvant atténuer l’anxiété ou la douleur lors d’actes médicaux.
Dans les années 1840, le neurochirurgien écossais James Braid a élaboré une technique de relaxation profonde et de fixation visuelle pour plonger les patients dans une « transe » et soulager leur douleur. Il a créé le terme « hypnose » et l’a défini comme « l’induction d’une habitude d’abstraction ou de concentration mentale, dans laquelle les facultés de l’esprit sont tellement captivées par une idée unique ou un train de pensées, que l’individu devient inconscient de toutes les autres idées, impressions ou courants de pensée.
Si l’hypnose est souvent associée à une sorte de magie, cette pratique a été employée cliniquement pour traiter diverses affections, notamment le tabagisme, l’anxiété et les troubles alimentaires.
En outre, l’anesthésie générale peut entraîner des effets secondaires désagréables tels que des nausées et vomissements temporaires, une sécheresse buccale, un mal de gorge et des vertiges. Sans compter que les patients plus âgés recevant une anesthésie générale sont davantage susceptibles de souffrir de troubles cognitifs et de mémoire à long terme, une affection appelée dysfonctionnement cognitif postopératoire (POCD), qui peut persister de quelques jours à plusieurs mois, comme le rapporte le Texas Medical Center. Ceux ayant des antécédents de POCD présentent un risque accru de récidive suite à des anesthésies répétées.
C’est pourquoi des alternatives sont explorées. Récemment, des médecins ont présenté, lors d’une conférence sur « l’hypnose médicale complémentaire » organisée par la Royal Society of Medicine de Londres, des résultats surprenants. L’écoute d’enregistrements d’hypnose pourrait atténuer la douleur et apaiser le système nerveux d’une personne lors d’une intervention médicale, ce qui permettrait d’administrer une dose plus faible de sédatifs.
Vers une hypnosédation généralisée ?
Les cas d’hypnose chirurgicale impliquent parfois une personne subissant une opération majeure sans aucune anesthésie, mais le nombre de patients pouvant être hypnotisés profondément est jugé faible, rendant cette approche difficilement généralisable.
La mise en œuvre la plus courante consiste à utiliser l’hypnose en complément des composés anesthésiques pour aider les patients à se sentir moins anxieux lorsqu’ils subissent des procédures au cours desquelles ils restent éveillés, avec une anesthésie locale ou non, comme les biopsies. On parle d’hypnosédation.
Cette approche pourrait également être utilisée avant une chirurgie nécessitant une anesthésie générale. Par exemple, la diminution de l’anxiété périopératoire et la gestion de la douleur chez les enfants sont essentielles pour optimiser la récupération et les résultats. En 2023, un essai clinique contrôlé randomisé a été conçu pour comparer l’anesthésie générale et l’hypnose préopératoire pour la prise en charge périopératoire des enfants subissant une chirurgie superficielle. Il apparaît alors que pour les enfants âgés de 7 à 16 ans, l’hypnose est réalisable et bien acceptée, avec une récupération rapide.
Dans cette perspective, les médecins du Royal College of Anesthetists (RCoA) ont, en partenariat avec la British Society of Clinical and Academic Hypnosis (BSCAH), produit une série d’enregistrements visant à aider le patient à se détendre avant la chirurgie et à développer un état d’esprit positif concernant la procédure et sa convalescence. Samantha Black, anesthésiste ayant participé à l’élaboration des enregistrements du RCoA, explique : « Ce n’est pas une alternative à l’anesthésie, c’est un complément pour gérer l’anxiété préopératoire ».
Elle ajoute que les patients devraient également être encouragés à écouter les enregistrements plusieurs fois chez eux avant leur intervention : « Parfois, les patients peuvent attendre quelques heures pour leurs opérations. Il est très difficile de se détendre dans ce type d’environnement ».
Une formation dans le cursus universitaire ?
Elvira Lang, une ancienne radiologue impliquée dans les essais, a fondé une société appelée Comfort Talk. Basée à Boston (Massachusetts), elle propose une formation à l’hypnose au personnel médical. En effet, comme le souligne Black lors de la conférence, cela ne fait pas partie de la formation médicale standard des anesthésistes, mais les hôpitaux et les associations médicales professionnelles de nombreux pays offrent de plus en plus de sessions de formation aux techniques hypnotiques.
Par ailleurs, outre les enregistrements ou des suggestions hypnotiques plus informelles avec des phrases clés dans la conversation, visant à aider les patients à se détendre, les médecins peuvent atténuer la douleur et l’anxiété en adoptant un vocabulaire moins conventionnel ou médical, qui revêt souvent une connotation négative.
La communication suggestive constitue donc un autre outil ayant le potentiel d’influencer de manière significative la pratique quotidienne et l’efficacité de la médecine moderne. Pour exploiter au mieux cet outil, ainsi que l’hypnose, qui est également une forme de communication suggestive, il reste encore beaucoup de travail à accomplir par les chercheurs, les médecins et les infirmiers en exercice, ainsi que par les personnes impliquées dans leur éducation et leur formation.